DES PRISONNIERS POLITIQUES EN ESPAGNE, par François Leclerc

Billet invité.

Loin d’être terminée, la crise catalane va désormais s’exprimer sur trois terrains simultanément : les prétoires, les urnes et la rue. Elle atteint l’Espagne toute entière et acquiert à Bruxelles une dimension européenne qui ne peut plus être niée. La première ministre écossaise Nicola Sturgeon s’est exprimée hier soir sur Twitter : « le désaccord sur le futur de la Catalogne est politique. Il devrait être résolu démocratiquement, pas en emprisonnant les opposants politiques ».

Les poursuites pour rébellion et sédition engagées contre Carles Puigdemont et ses ministres par la juge Carmen Lamela de l’Audience nationale ne font pas l’unanimité et suscitent déjà des critiques dans la presse nationale ainsi que par des juristes renommés appelant au respect du droit. La mise en détention provisoire de huit ex-ministres n’était pas attendue et a surpris, la décision de la juge semblant trancher avec la tentative de Mariano Rajoy d’instaurer une mise sous tutelle sans éclats. La droite espagnole est décidément sa meilleure ennemie, ravivant la colère à son égard dans des cercles plus larges que ceux des indépendantistes, au lieu de susciter l’abattement.

C’est en tout cas ce qui ressort de la situation en Catalogne et de la tenue de manifestations dès hier soir, celle de Barcelone ayant réuni 20.000 personnes, chiffre fourni par la police locale. Mais le véritable test interviendra la semaine prochaine, si le premier appel de l’Intersindical-CSC à la grève générale aboutit. D’autres discussions sont en cours à propos de la constitution d’une liste « civique » pour les élections, qui engloberait les partis séparatistes, des militants de base, des membres de Podemos et même des socialistes catalans.

L’occasion en est donnée, comme l’a solennellement souligné la maire de Barcelone Ada Colau – qui défend le droit des Catalans « à décider » – de résoudre « dans les urnes, pas en prison » les relations entre la Catalogne et l’Espagne. Pablo Iglesias, le leader de Podemos, s’est exprimé sur la même ligne depuis Madrid. Une telle liste pourrait être l’expression de leur volonté commune, bien qu’ils ne soient pas indépendantistes et recherchent une solution « plurinationale », un terme auquel il est temps de donner un contenu.

Sur la façade de la mairie de Barcelone, une immense banderole flotte sur laquelle il est inscrit « Liberté pour les prisonniers politiques », un slogan à forte résonance en Espagne où l’ombre du franquisme plane toujours bien que réduite.

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