Billet invité. Ouvert aux commentaires.
Les appels à la « vertu écologique » ont beau être nombreux, la dégradation de l’environnement (0) suit son cours. Combien de temps nous reste-t-il, pour réaliser que la recherche de la vertu est un vœu pieux, en matière d’environnement comme en matière de santé ?
L’espoir de voir émerger un homme vertueux sera déçu. Chacun peut observer que l’Homme vertueux pour sa santé n’existe pas : on a beau connaître les bienfaits du sport et d’une alimentation équilibrée, l’obésité et le diabète progressent dans tous les pays industrialisés (1). L’Homme vertueux pour l’environnement se fera attendre tout autant car non seulement il ne s’agit pas de son intérêt personnel à court terme (2), mais de plus, l’intérêt collectif dont il s’agit est décalé dans le temps. À ces deux obstacles s’ajoute encore le fait que les invitations à enfreindre un comportement vertueux sont nombreuses, encouragées par les firmes, et même par les pouvoir publics. (3).
Face à cette situation périlleuse, il n’y a pas d’autre choix que de reprendre le contrôle de l’économie, une idée que refusent pourtant la plupart des économistes. La peur d’un retour au communisme y est sans doute pour quelque chose. Cet immobilisme, ainsi que l’imminence avérée du danger, contribuent à laisser se propager l’idée que « si chacun de nous ne fait pas un effort, nous risquons tous d’être anéantis ». Ce serait donc à chaque citoyen, de surveiller son activité, pour la rendre neutre pour l’environnement :
– À lui de ne pas laisser ses appareils en veille, alors que les centrales gaspillent 70% de la chaleur dégagée par le combustible nucléaire.
– À lui d’éteindre son moteur au feu rouge, alors que le gouvernement se donne 2 ans pour augmenter de 10 millions le nombre annuel de visiteurs internationaux (4) déjà très élevé.
– À lui de trier ses déchets ménagers (moins de 10% du poids total des déchets produits, selon l’Ademe), pendant qu’une « prime à la casse », envoie des milliers de véhicules au pilon…
– Etc.
Nous sommes obstinés, nous voulons « croire » en l’émergence d’une « vertu écologique globale », qui résulterait en quelque sorte, de la somme de nos « vertus écologiques individuelles » (5). Cette croyance est une illusion, et nous pouvons bien nous moquer de ces évangélistes américains, affirmant que « Dieu ne permettra pas l’extinction de l’Homme », cette croyance là n’est pas moins risible. Cependant, on comprend cette fuite : d’une part la perspective d’une terre « poubelle », telle qu’elle est imaginée dans le film « Blade Runner », nous est insupportable. Et d’autre part la concurrence libre nous a apporté tant de bienfaits depuis 2 siècles, que nous mettons du temps à admettre qu’elle travaille maintenant contre l’Homme, en développant le chômage, et la pollution.
Nous préférons « croire » ce que nous espérons, la survenue d’un Homme meilleur, quitte à occulter les mises en garde de plus en plus nombreuses des scientifiques (0). Une attitude de déni, comparable à celle d’un homme amoureux, refusant d’admettre qu’il n’est pas aimé en retour, faisant des offrandes (6), suppliant l’être aimé de l’épargner, l’insultant bientôt, furieux de son impuissance. Le plus tôt un tel Homme trouve en lui la force de renoncer à ses faux espoirs, le mieux c’est pour lui, même s’il doit avoir, en abandonnant ses illusions, l’impression de se couper un bras. Cet Homme vertueux n’existant pas, alors inutile de perdre du temps : il faut regarder en face la TOTALITÉ DE L’ACTIVITÉ HUMAINE, pour en analyser secteur par secteur, ce qui impacte l’environnement : une tâche immense, révolutionnant non seulement toute la structure des revenus, mais aussi toute la structure des souverainetés et des influences.
Cette perspective d’instabilité totale, justifie amplement nos hésitations, pour ne pas dire notre refus d’aller vers cet avenir inconnu. Ce serait pourtant l’honneur d’un peuple, d’oser se lancer dans une telle aventure. De l’entreprendre sans violence, et en évitant les écueils du passé que furent la recherche de la vertu de Robespierre, la revanche de classe en URSS, ou la mise au ban des intellectuels pendant la révolution culturelle chinoise. Une voie courageuse, héroïque même, telle que le fut jadis la Révolution Française. Et qui peut dire, si cela nous coûterait si cher ?
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(0) Selon le récent bulletin annuel de l’OMM (Organisation Mondiale Météorologique) « La dernière fois que la Terre a connu une teneur en CO2 comparable, c’était il y a 3 à 5 millions d’années : la température était de 2 à 3°C plus élevée et le niveau de la mer était supérieur de 10 à 20 mètres par rapport au niveau actuel ». http://www.francetvinfo.fr/
(1) Selon l’OMS, il y avait 108 millions de diabétiques dans le monde en 1980, ils étaient 422 millions en 2016.
(2) Faut-il démontrer que l’intérêt particulier prévaut sur l’intérêt collectif ? Par exemple : « Je suis en retard pour aller au travail, je n’ai plus le temps d’y aller à vélo. » Que pèse alors cette minuscule contribution à la préservation de l’atmosphère face à la perspective d’un léger retard ? De même dans les Kolkhozes de l’ex-URSS, la réussite de la Révolution ne pesait pas lourd sur le moissonneur d’Ukraine, qui préférait regagner sa famille à l’heure prévue, même si un orage risquait de détruire la récolte.
(3) N’est ce pas encourager l’aliénation à la consommation, que d’autoriser la publicité sur les médias publics ? sur France Inter, la redevance sert maintenant en partie à la promotion d’Audi et de Citroën, alors qu’il était autrefois interdit de citer des marques.
(4) Le gouvernement Macron se donne 2 ans pour passer de 89 à 100 millions de touristes internationaux : https://www.lesechos.fr/26/07/
(5) La vertu écologique globale, c’est un peu le « bout du tunnel » que voyait Raymond Barre en 1980, un point blanc au loin, qui ne cesse de s’éloigner. À la même époque, le Commandant Cousteau voyait l’avenir avec plus d’acuité lorsqu’il déclarait que « l’Humanité réussirait peut-être, à enfourcher une bicyclette ». Nous y sommes.
(6) Les millions d’euros consacrés à la réintroduction des loups et des ours, et à l’implantation d’émetteurs sur la nageoire dorsale des saumons pour mieux pouvoir les suivre en hélicoptère, ne sont-elles pas des offrandes rédemptrices ? En somme-nous là, à offrir des brebis en sacrifice aux loups et aux ours, ou des heures d’hélicoptère, pour espérer acheter notre salut ? Est-ce que cela ne rappelle pas les indulgences, combattues en son temps par Martin Luther ?
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