Billet invité. Ouvert aux commentaires.
L’ordre a été donné de retirer la photographie officielle de Carles de Puigdemont des murs où elle est suspendue, de supprimer les escortes de sécurité et de faire accompagner par un membre de la police régionale les dirigeants et hauts fonctionnaires destitués qui veulent récupérer leurs affaires personnelles dans leur bureau.
S‘ils se refusent de le quitter, un procès-verbal doit être transmis au procureur. Les choses se font en douceur, et il est trop tôt pour faire un premier bilan de ce qu’un dirigeant indépendantiste a identifié comme étant « le début d’une guerre psychologique ». Comment une administration forte de 200.000 employés va-t-elle réagir ? Un membre au moins du gouvernement ne s’est en tout cas pas posé la question, posant avec le journal du jour dans son bureau en affirmant continuer d’exercer ses fonctions…
« Les Catalans veulent avant tout récupérer une souveraineté que l’Espagne en tant que nation inféodée aux diktats européens a perdu » remarque à juste titre Anatole dans un commentaire mis en ligne hier sur le blog. Deux facteurs ont contribué à la brusque et récente poussée indépendantiste, celui-là et le coup d’arrêt porté par la droite espagnole à l’autonomie croissante de la Catalogne. Cette dernière est toujours présentée – à juste titre – comme une région riche comparée aux autres, mais il s’agit d’une moyenne trompeuse. Les Catalans ont été durement éprouvés par la crise espagnole, en particulier par l’éclatement de la bulle immobilière.
L’Europe, la nation, les régions : ne faut-il pas repenser l’articulation entre ces trois échelons ? Le cadre fédéral est sans doute le plus adapté, mais la question n’est pas seulement institutionnelle : il y va de la politique sociale et fiscale qui sera menée à tous les niveaux. Et de leur caractère démocratique, de l’existence de garde-fous à tous les étages, aussi bien à Bruxelles, à Strasbourg qu’à Francfort, le siège de la BCE.
D’une manière générale, une refonte de l’exercice de la démocratie est indispensable si l’on se réfère à la crise politique qui se poursuit sans désemparer. Le résultat des dernières élections islandaises l’a encore confirmé. Le premier ministre conservateur a réussi à résister à une érosion trop prononcée de ses résultats aux élections législatives, arrivant premier, mais ni son Parti de l’indépendance (conservateur), ni le mouvement Gauche-Verts n’a obtenu la majorité des sièges, ouvrant une période d’incertitude. Mais, ce qui se passe en Islande pouvant être relativisé étant donné la dimension du pays, il faut se tourner encore une fois vers l’Italie.
La réforme électorale destinée à empêcher le Mouvement des 5 étoiles d’accéder au gouvernement ne semble pas produire ses effets escomptés. D’après les derniers sondages, celui-ci sortirait en tête des intentions de vote, se détachant du Parti démocrate avec lequel il était au coude à coude précédemment, Forza Italia et la Ligue du Nord récupérant les 5% d’intentions de vote perdues.
Les élections législatives n’auront lieu qu’au printemps prochain, mais la poursuite des jeux politiques italiens traditionnels s’annonce déjà. Ni l’un ni l’autre des deux pôles, Mouvement des 5 étoiles exclu, ne serait en effet en mesure de l’emporter si la tendance révélée par ce sondage se confirmait, y compris une coalition Forza Italia et Ligue du Nord.
Va-t-on assister à l’éclosion de gouvernements minoritaires en Europe, sur les modes existant déjà à Madrid et à Lisbonne ? C’est une hypothèse à suivre en Italie, mais aussi en Allemagne, qui fragiliserait si elle se vérifiait cette Europe où les chefs d’État et de gouvernement se sont arrogés les principaux pouvoirs.
Considéré comme une valeur sûre, le repli derrière les frontières nationales à tendance chauvine xénophobe profite principalement à l’extrême-droite. Les partis de gouvernement, en pleine crise existentielle, vilipendent non sans morgue le populisme tout en l’alimentant. Et la monnaie unique, dénoncée aujourd’hui comme l’étaient les banques hier parce que plus visible, est visée comme étant la principale responsable de la politique d’austérité qui a été imposée. Erreur de tir !
On cherche à gauche des options alternatives. La tenue de conférences européennes pour un plan B masque mal que leurs participants n’en disposent pas, mis à part quelques slogans ronflants. Sa troisième édition s’est tenue à Lisbonne sous le slogan « Pour une Europe de coopération démocratique et de solidarité », aux généreuses intentions mais aux contours flous. Marisa Matias, la coordinatrice de la conférence, membre du Bloc de Gauche, lui a donné comme perspective : « initier et soutenir les mouvements de désobéissance civile », signant l’absence de toute vision.
L’extrême-gauche et assimilés qui ne se sont pas commis avec l’idéologie social-libérale ne parviennent pas à sortir de l’incantation. Seul Yanis Varoufakis tente difficilement de lancer son mouvement pan-européen DIEM 25 en développant sa propre vision structurée. A l’arrivée, le débat va s’enclencher pour ou contre l’Europe telle qu’elle est, à l’occasion des prochaines élections européennes du printemps 2019 que prépare déjà un Emmanuel Macron qui se présente à son avantage comme son réformateur.
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