Billet invité. Ouvert aux commentaires.
Le monde s’est donné trois leaders, et pas n’importe lesquels. Angela Merkel domine l’Europe de toute son impuissance, Xi Jinping est sacré empereur d’une Chine s’apprêtant à devenir la première puissance économique mondiale, et Donald Trump l’expression du déclin de la principale puissance militaire qui s’accroche à son passé.
La vision de la première, qui entame probablement un mandat de trop, reste proprement européenne, tandis que celle des deux autres a des résonances mondiales. Donald Trump veut redonner aux États-Unis une prééminence et une prospérité perdues, y compris en jouant avec ses menaces militaires, Xi Jinping inscrit symboliquement sa pensée dans la Constitution chinoise comme si tout était joué d’avance.
Ces trois grandes puissances sont confrontées à des destins tout tracés qu’elles ne peuvent contrarier. L’évolution de la société américaine illustre au mieux les effets délétères du capitalisme financier en termes d’accroissement des inégalités et de concentration de la richesse, de symbiose entre le pouvoir financier et politique. Sous le contrôle du Parti-État, la Chine prépare de son côté l’avènement d’une société de surveillance mobilisant le dernier cri technologique. À noter que ces deux modèles ne se concurrencent pas mais auraient tendance à se compléter. Mais si les États-Unis et la Chine peuvent se prévaloir d’un modèle, ce n’est pas le cas de l’Europe, dont la construction inachevée induit un démantèlement déjà entamé.
Un nouveau face-à-face domine le monde, qui a pris la succession de celui qui opposait les États-Unis et l’Union soviétique, la Chine ayant pris la place de cette dernière. Ce n’est plus l’équilibre de la terreur qui règne désormais, mais une compétition économique au cours de laquelle une victime chutera tôt ou tard, le dollar et son statut privilégié, précipitant le déclin américain. Aujourd’hui le défi n’est plus américain, il est chinois.
La globalisation ne se remet pas de l’interruption de sa progression triomphale. Elle entraine une profonde crise dans les pays émergents qui en avaient fait leur modèle. Et le reste du monde est partagé entre l’adoption de mesures protectionnistes, inquiet devant les conséquences politiques de ses effets, et sa relance malgré tout. Dans les deux cas, le développement des inégalités se poursuit, et ses conséquences ne sont encore qu’entr’aperçues, qui vont lourdement façonner l’évolution des sociétés développées.
La guerre entre les grandes puissances est devenue économique, mais les conflits régionaux impriment leur marque sur le monde par leur ampleur, les États-Unis étant devenus incapables d’imposer leur loi, leur engagement proscrivant la présence de troupes sur le terrain. Il en découle un accroissement des flux migratoires, incitant les pays riches à ériger des murs et à promouvoir une société sécuritaire basée sur la peur, l’ennemi étant à l’intérieur.
La crise financière est reléguée au second plan, ce qui était hier impensable est devenu routine. En règle générale, les financiers reconnaissent pourtant qu’il faut s’attendre à un nouvel épisode de celle-ci, ajoutant qu’ils ne savent ni ce qui la déclenchera ni ce que sera son calendrier. Un aveu qui illustre à la fois comment leur monde est devenu opaque et complexe, et combien ils sont dépassés par les évènements. En réalité, il y a trop-plein de raisons possibles et de points faibles au sein d’un édifice financier qui ne cesse d’enfler, telle la mère des bulles dont le destin bien connu est d’éclater, avec des conséquences systémiques d’une ampleur inégalées.
Un dernier chapitre est déjà écrit : nos sociétés vivent au-dessus de leurs moyens. Non pas financiers, comme il est prétendu pour masquer leur mauvaise allocation, mais des ressources de notre planète. Or il n’y a pas d’échappatoire dans ce domaine, et la seule logique est, faute d’agir, d’en imposer le partage inégal. L’accès à l’eau en est déjà la préfiguration.
Jamais en retard quand il faut préconiser d’intervenir sans indiquer comment, Christine Lagarde met en garde contre l’inaction envers le changement climatique et les inégalités, afin de ne pas « être confrontés à un avenir sombre ». Circonscrit au climat, ce constat n’est que partiel. Mais quand le sujet des inégalités vient sur le tapis, les propos de la directrice générale du FMI ne soulèvent aucun écho. Et pour cause, car cela suppose pour y faire face de s’opposer à la logique du système financier, et de le démonter. Or il se révèle peu enclin à se réformer.
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