Billet invité.
Enfin, la BCE va jeudi prochain clairement annoncer ses intentions ! Avec un grand luxe de précautions et après avoir longtemps hésité, elle va engager la marche arrière et réduire ses mesures non conventionnelles. Plus précisément le volume de ses achats de dette, laissant intouchés ses taux directeurs proches de zéro.
2.000 milliards d’euros ont déjà été consacrés à ces achats, avec un résultat qui pour le moins fait débat. En quoi ont-ils contribué à la relance de l’économie – le but revendiqué de l’opération – et en quoi ont-ils alimenté la spéculation financière et contribué à la création de bulles d’actifs financiers survalorisés ? En engageant prioritairement la réduction de la taille de son bilan, la BCE semble être plus particulièrement préoccupée par ce danger montant et accréditer cette seconde hypothèse.
Elle a une autre raison d’insatisfaction, ne parvenant pas à susciter une inflation conforme à ses objectifs. Soulevant un lièvre au passage en donnant comme explication que les coûts salariaux n’augmentent pas à la vitesse voulue – où allons-nous si la fameuse courbe de Phillips n’est plus respectée ? Quoi qu’il en soit, la reprise enregistrée est faible et n’est pas dopée. La BCE va-t-elle finir par adopter la même conduite que sa consœur japonaise, qui implore les entreprises d’augmenter les salaires ?
Que faut-il penser quand les données de l’inflation ne correspondent plus à ce que la théorie prédit ? Quand les mécanismes de transmission de la politique monétaire ne fonctionnent plus, pour reprendre les termes des banquiers centraux ? On ne le sait pas, mais on remarque qu’ils marchent sur des œufs, craignant ce qu’ils pourraient déclencher.
L’assurance donnée que les taux directeurs ne vont pas bouger procède de cette incertitude. La marche arrière entreprise est sans précédent et l’opacité du système financier combinée à sa complexité font obstacle à la mesure de ses effets. Réduire le montant des liquidités qui ont permis une explosion de la spéculation financière – comme les résultats des mégabanques sont là pour l’illustrer – est une chose, y ajouter une augmentation des taux relèverait de la double peine qu’il vaut mieux éviter.
Mais il y a avec l’appréciation de l’euro un autre hic. Celui-ci déjà augmenté depuis le début de l’année de 12,4% par rapport au dollar, la poursuite de cette tendance entraverait la relance en pénalisant les entreprises exportatrices. Elle pèserait également sur l’inflation qui n’en a pas besoin, tout au contraire.
Pourquoi donc, dans ces conditions, la BCE prend-elle des mesures contrariant son objectif principal de stabilisation des prix défini comme résultant d’un taux d’inflation proche de 2% ? Pourquoi, après qu’il avait été suggéré aux banques centrales d’adopter une cible plus élevée – pour résorber l’endettement – ne pourraient-elles pas se contenter d’une cible plus basse ?
Les appels à la normalisation de la politique monétaire ne manquent pas et les raisons qui en sont données sont légion, rendant inévitable de les satisfaire, au moins partiellement. Le danger de la constitution de bulles est agité non sans raison, la nécessité pour les banques centrales de se redonner des marges de manœuvre pour prévenir un nouvel accès de crise aiguë est invoquée. Mais il est surtout relevé que l’écrasement du différentiel entre les taux du crédit et ceux du financement des banques pèse sur la rentabilité de leurs activités dites de détail, même si leurs résultats sont par ailleurs excellents. On croit comprendre que les banques ne sont pas étrangères au choix qui est fait par la BCE de cesser progressivement d’agir sur le différentiel des taux !
Les pressions politiques n’y sont pas non plus étrangères. Comme si une transition était engagée, afin de satisfaire les demandes réitérées des autorités allemandes de modifier une politique pénalisant les banques et érodant l’épargne de ses retraités. Et de préparer la nomination de Jens Weidmann à la présidence de la BCE. D’autant que la constitution de la nouvelle coalition gouvernementale allemande va être à ce point ardue qu’elle pourrait ne pas aboutir, rendant cette succession plus impérative encore.
Tout au long de son mandat, Mario Draghi a cherché à gagner du temps afin de permettre aux gouvernements de réaliser les réformes structurelles permettant selon lui de relancer l’économie en accroissant la compétitivité. Mais cette page va être tournée, accentuant les tensions entre les membres de la zone euro, sans que soit déployée une politique européenne de relance cherchant à les résorber.
Le grand écart va s’accentuer…
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