Billet invité. ouvert aux commentaires.
Cher Paul Jorion,
Vous avez ouvert aux commentaires la vidéo de votre discussion avec Jacques Attali et Joël de Rosnay, ainsi qu’un échange de 2008 avec Attali au sujet de la crise, son analyse et des mesures qu’il conviendrait de prendre. Ce post étant notamment motivé suite à une mise en cause d’un lecteur-Troll du blog vous accusant de vous compromettre avec Attali.
Je n’ai pas eu le temps de répondre sur le blog cette semaine et je voulais juste vous faire un retour, sur votre intervention et vos positions respectives à tous les trois, avant d’écouter la vidéo de ce vendredi.
Votre discours s’ancre dans une authentique démarche scientifique, analytique mais aussi expérimentale (jusque dans un passé récent), qu’elle accorde avec la philosophie et l’éthique.
De Rosnay et Attali ne peuvent se prévaloir d’une pratique exhaustive, en anthropologie, en finance, formation des prix et la transmission des savoirs, en intelligence artificielle.
Pourtant vous n’exploitez jamais cet énorme « avantage » sur eux. Votre argumentation est humble, factuelle, démonstrative et pédagogique.
Vos échanges font pour moi mieux ressortir votre discours et son sérieux : il n’y a aucune compromission. Attali et de Rosnay peuvent servir à la diffusion de vos idées à deux niveaux : ils vous font bénéficier d’une aura médiatique, gagée sur une autorité intellectuelle injustifiée (voir plus loin). Le temps de cette conférence ils sont également des faire-valoir involontaires par leur constante surenchère dans l’esbroufe, leur ridicule et leur irresponsabilité.
En effet comment ces hommes sages, de grande culture et intelligence, ne perçoivent-ils pas la futilité de penser la situation dans 500 ans, en escamotant le cap des trois prochaines décennies, qui plus est en enchaînant des divinations bouffonnes sans aucun raisonnement ?
De Rosnay exige péniblement de cantonner la discussion à l’horizon de 500 ans pour mieux épater la galerie avec des prévisions spectaculaires qui n’engagent à rien sur le transhumanisme. Attali en rajoute pour ne pas être distancé pour son ami surfeur – sa prédiction de la fin de la distinction entre les sexes évoquée par lui dans les toutes dernières secondes de la conférence est hallucinante.
La belle affaire du transhumanisme « éclairé » à la de Rosnay, pour pouvoir discuter avec un chien, une girafe – « et les arbres » ! renchérit encore Attali – quand tout ceci est sur la voie d’une disparition ? De Rosnay le scientifique et voyageur ne sait-il pas que des civilisations dites primitives, allègrement massacrées, ou l’éthologie permettent cette communication par le contact de simples humains observant. Aurions-nous vraiment besoin d’interfaces pour mieux cerner la souffrance animale dans les conditions d’élevage concentrationnaires révoltantes du XXIème siècle ? Il est vrai que s’il reste des rhinocéros dans 500 ans il serait élégant de leur demander la permission de les mutiler pour leurs cornes.
Comment souhaiter une augmentation alors que l’humain ne va « même pas au bout de ce qu’il peut » comme le disait l’auteur de science fiction Alain Damasio hier sur France Culture (La science fiction c’était mieux demain et ici la deuxième partie de l’émission) en faisant un parallèle avec le Surhomme de Nietzsche.
De plus, comment se permettre de congédier tout l’apport philosophique et narratif de la science-fiction, comme l’expédie De Rosnay en une phrase, sur l’IA et les robots qui vont nous libérer, les auteurs de SF n’ayant « rien compris ».
De Rosnay aura donc manqué ces FAITS contemporains indiquant la dérive de l’humanité par rapport aux IA et Robots, inverse à ses prémonitions ? Par exemple quand la société Real Doll : travaille à la commercialisation de robots sexuels dotés d’IA.
Dans Blade Runner 2049 (prolongement de l’adaptation cinématographique de la nouvelle de Philip K. Dick Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques ? les robots et IA sont pour beaucoup des esclaves, notamment sexuels, soumis à l’abus de pouvoir, la barbarie et la violence d’humains ayant perdu « leur humanité » et toute éthique. (C’est une suite extraordinaire et très profonde, vous devriez la voir).
Sur votre échange de 2008 avec Attali au sujet de la crise financière, son analyse et des mesures nécessaires, ce dernier vous explique qu’il y aura « toujours des crises par l’asymétrie entre présent et futur ».
De telles sentences sont-elles vraiment sérieuses ? La raison n’étant pas justement un grand acquis de l’humanité permettant de se projeter dans le futur ?
Il fait également comme si les problèmes actuels ne résultaient que d’un manque de savoir et non là encore sur de l’éthique.
Vous lui parlez d’interdiction de paris sur les fluctuations des prix il vous répond : « On m’a dit que c’était contournable ». Qui, quand, comment, pourquoi ? On ne le saura jamais !
Il me semble lamentable que des hommes intelligents comme eux fuient leurs responsabilités, en se parant de vertus de prophètes sans jamais mettre les mains dans le cambouis ou dépasser la simple recommandation générale ou pire, l’épate permanente. Ils ne semblent aucunement engagés dans une action concrète sérieuse contre les maux d’aujourd’hui- qu’ils reconnaissent pourtant- ou alors avec une intensité bien inférieure à leur activité médiatique. Voilà pourquoi, à mes yeux, leur démarche est irresponsable et fait fi de l’éthique.
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