Billet invité.
Nous nous souvenons toujours avec émotion des journalistes de Charlie Hebdo tués pour avoir refusé de renoncer à la liberté d’exprimer leur pensée. François de Closets nous remémore ces instants où les mots « liberté », « égalité », « fraternité » ont de nouveau repris un sens et où les citoyens montraient l’attachement à leur patrie dans la rue suite à ces malheureux événements.
Ce souffle de la liberté a amené l’auteur à s’interroger sur « la manière dont on est passé d’un monde où la liberté était inconcevable à un monde dans lequel c’est l’absence de liberté qui est devenue inconcevable » (p. 11) ainsi qu’au sujet des grandes figures qui ont défendu cette valeur au mépris de leur propre vie.
Les représentants principaux de cet état d’esprit, choisis par l’auteur, sont Socrate et Giordano Bruno. Le premier, victime d’une démocratie en voie d’extinction et l’autre pris dans les tumultes d’une Inquisition dont l’unique but était de restaurer une Église vacillante, en quête de redressement par rapport à la Réforme. Ce qui relie les deux philosophes est la revendication d’une pensée individuelle, mobilisée non tant par un idéal que par la volonté de penser par soi-même, défendue de manière absolue. D’autres figures héroïques dans ce combat inégal viennent s’inscrire dans une longue liste dont malheureusement beaucoup, comme les Cathares ou les Vaudois resteront anonymes : il s’agit de François d’Assise, Érasme, Montaigne, Sébastien Castellion, Michel Servet, exemples notoires. Plus proches de nous, Raif Badawi, condamné à une flagellation particulièrement cruelle par le régime intégriste saoudien pour avoir revendiqué la liberté d’expression, et Andreï Sakharov puni pour avoir repris la cause des dissidents en Russie.
Le fil rouge de ces persécutions est évident : le conformisme, la soumission aux idées reçues, le refus de l’altérité, en vue de maintenir une cohésion sociale utile aux plus puissants, en s’appuyant sur les procédés les plus vils de torture et d’extermination.
François de Closets nous rappelle que la liberté, pour réellement exister, doit s’inscrire dans une institution qui la revendique et la protège, ainsi que dans une « réappropriation collective de notre histoire, d’une autorité reconnue autour de valeurs communes » (p. 275). Par ailleurs, la liberté pour la liberté mène souvent à une absence de sens. Au contraire, cette valeur s’épanouit dans la recherche d’un bien commun en train de disparaître à notre époque, tant il nous est plus facile de nous battre pour des droits individuels parfois dérisoires que de rechercher à construire une société dont le commun serait l’élément central et unificateur.
Ainsi, cet individualisme forcené de notre époque, créé par le régime de l’ultralibéralisme, ne nous conduit pas à nous rendre plus libres mais bien à nous rendre esclaves de nos désirs de consommation, il n’est qu’un miroir aux alouettes nous détournant définitivement d’une liberté ancrée dans une communauté, nous instituant responsables de nos choix et de notre propre vie.
L’auteur signale également notre grande dépendance par rapport à l’État-Providence, mais dans le contexte actuel d’insécurité et d’injustice sociale, celui-ci nous semble cependant un des derniers refuges susceptibles de pallier l’injustice flagrante vécue par un nombre toujours plus grand de citoyens et il représente sans doute, dans cette période sombre, comme un phare pour les naufragés que nous devenons souvent, surtout s’il tend à devenir un mirage.
En conclusion, ce livre, captivant par les nombreuses aventures et réflexions qu’il nous livre, nous montre que notre projet individuel est toujours à construire et que le courage est une des plus belles qualités humaines, incarnée dans des temps aussi désespérants que les nôtres par des gens déterminés à braver le destin et à réaliser pleinement leur vie humaine.
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François de Closets, Ils ont écrit ton nom, liberté, Fayard 2016
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