Billet invité.
L’Europe s’enlise, et il n’y a que l’embarras du choix pour le mettre en évidence. Sur des modes très différents, cela transparait ces jours-ci en Allemagne, en Autriche, en Espagne et au Royaume-Uni. Les problèmes aux issues incertaines se multiplient.
Les élections en Basse-Saxe passées, Angela Merkel va pouvoir engager des pourparlers en vue de former une coalition avec ses deux partenaires obligés, le FDP et les Verts. Ils sont annoncés pour durer et, déjà, l’éventualité d’un retour devant les électeurs est envisagée comme seule alternative si elle ne parvenait pas à un accord de gouvernement.
Symbole de cette situation, en Basse-Saxe, une coalition SPD et Verts ne peut pas être constituée faute de majorité, malgré la victoire des sociaux-démocrates. Monter une coalition devient un exercice difficile par les temps qui courent.
En Autriche, une autre victoire électorale laisse la formation d’un gouvernement en suspens, dans l’attente de sa réalisation. Arrivée en premier, le parti chrétien-démocrate (ÖVP) a deux fers au feu, pouvant soit reconduire la grande coalition sortante avec les sociaux-démocrates du SPÖ, soit former un gouvernement avec le FPÖ d’extrême-droite, qui est arrivé dans un mouchoir de poche avec lui. Cette dernière solution est considérée comme la plus probable, l’ÖVP ayant repris à son compte les thèmes très durs de la campagne du FPÖ sur l’immigration et contre les étrangers, et le FPÖ ayant abandonné sa revendication d’un référendum sur la participation à l’Union européenne. Le FPÖ prône par ailleurs un rapprochement avec le groupe de ViÅ¡egrad, au sein duquel la Pologne et la Hongrie mènent la danse contre Bruxelles.
L’escalade entre Madrid et Barcelone a peu de chances de s’interrompre, le prochain épisode attendu étant jeudi prochain. Carles Puigdemont doit clarifier si l’indépendance de la Catalogne a bien été adoptée, mais il s’est contenté aujourd’hui d’appeler au dialogue sans condition préalable : « Le dimanche 1er octobre, dans un contexte de violents agissements policiers dénoncés par les organismes internationaux les plus prestigieux, plus de deux millions de Catalans ont confié au Parlement (catalan) le mandat démocratique de déclarer l’indépendance. La priorité de mon gouvernement est de rechercher aussi intensément que possible la voie du dialogue. »
Un dénouement d’ici jeudi prochain étant très peu probable, Mariano Rajoy pourrait demander au Sénat l’autorisation d’utiliser l’article 155 de la Constitution, qui lui permet de prendre la main sur le gouvernement catalan de multiples façons. Dans un premier temps, il pourrait ne prendre que des mesures limitées, appliquant à la situation le principe de progressivité du garrot que l’Espagne a longtemps utilisé. L’hypothèse serait de jouer le pourrissement de la situation en Catalogne avant de susciter de nouvelles élections qui écarteraient les indépendantistes du pouvoir. Mais en ouvrant la boîte d’allumettes, il en fait autant d’une boîte de Pandore…
Theresa May se rend aujourd’hui à Bruxelles pour rencontrer Jean-Claude Juncker, à trois jours d’un sommet européen. Michel Barnier, le négociateur européen, ayant fait part de sa préoccupation devant « l’impasse » dans laquelle se trouvent les pourparlers, les dirigeants européens pourraient faire un geste. Tout en maintenant le principe d’une négociation en deux temps – établir le solde de tout compte du passé avant de déterminer les modalités d’un accord pour l’avenir – ils pourraient annoncer des discussions préparatoires entre eux sur ce deuxième volet, histoire d’avancer pour deux ! Car ils constatent que leurs interlocuteurs, divisés, n’ont pas de position de négociation, et que leur indécision bloque l’ensemble du processus. Faisant surgir le scénario catastrophe d’un Brexit sans accord, à l’échéance de la date fatidique du 29 mars 2019. Un autre scénario a fait sa réapparition au Royaume-Uni, selon lequel il pourrait être fait marche arrière sur la sortie de l’Union, mais il est juridiquement et politiquement tortueux. Pour faire bref, il supposerait dans ce second domaine une victoire du Labour lors d’élections anticipées, suivi de la constitution probable d’une coalition avec le LibDem (les libéraux-démocrates)…
Sur le départ de la présidence de l’Eurogroupe dans quelques mois, Jeroen Dijsselbloem a lui aussi fait un petit cadeau, à la manière de Wolfgang Schäuble. Mais à la différence de celui-ci, au lieu du tout ou rien, il s’efforce de dessiner les termes d’un futur compromis franco-allemand. En substance, si Emmanuel Macron acceptait l’élargissement de la mission et des pouvoirs du MES – écartant la participation de la BCE et du FMI à la solution d’une prochaine crise -, le futur gouvernement allemand pourrait consentir à un budget européen consacré à la relance par les investissements plus substantiel qu’admis du bout des lèvres par Angela Merkel. Notamment grâce à des réaffectations de crédit européens intitulés pour la circonstance « instruments de convergence », et à des prêts à bas taux du MES aux pays qui souhaitent financer des réformes tout en soutenant l’investissement. Un ballon est lancé, mais il a peu de chance d’être rattrapé tant que la coalition allemande ne sera pas sur pied, et encore si c’est le cas.
Voilà qui renvoie à une grave question : « Qu’est ce qui sépare l’enlisement du démantèlement ? Réponse : le second est la conséquence du premier.
« En période de récession économique ou de crise politique, l’extrême gauche devient souvent l’extrême droite…! » Il faut changer de lunettes…