Je me plains régulièrement du fait que la question du travail et de l’emploi n’est pas remise à plat. Or le Conseil d’orientation pour l’emploi l’a fait pour ce qui touche en tout cas à un aspect de la question : la disparition du travail. Le rapport est intitulé : « Automatisation, numérisation et emploi : l’impact sur les compétences ».
Pour avoir participé à deux commissions dont les recommandations ont été entièrement ignorées par leur commanditaire (Commission Attali sur l’économie positive ; Haut comité pour l’avenir du secteur financier belge), je sais qu’un rapport peut n’être pas plus qu’une rame de papier, mais je sais aussi qu’il ne dépend que de nous, opinion publique, qu’il devienne davantage. Aussi, lisons ce rapport, débattons-en ici, et faisons qu’il ne reste pas lettre morte.
La synthèse du rapport se trouve ici, le rapport entier se trouve là. Madeleine Théodore nous en fait ci-dessous un bref résumé.
Rapport sur la transformation numérique de l’économie
Remarques importantes.
– les compétences sociales et institutionnelles sont en moyenne toujours plus sollicitées dans un environnement de travail numérisé.
– l’accroissement de la demande de compétence dans le domaine de travail numérisé est le plus important pour les peu qualifiés et les moyennement qualifiés.
Recommandations.
1. Les compétences.
1.1. Améliorer la qualification, mais surtout les compétences : redéfinition des métiers, des diplômes, formation continue.
1.2. Evolution des besoins en compétences : augmentation du besoin de compétences expertes, hybridation actuelle du contenu des métiers, ensemble de compétences nécessaires, nécessité d’APPRENDRE À APPRENDRE.
1.3. Renforcement du besoin de certification.
1.4. Sollicitation des compétences dans l’entreprise. Pouvoir utiliser ses compétences dans l’entreprise est un enjeu important pour les personnes, également à l’intérieur de l’entreprise et c’est un enjeu de compétitivité pour l’économie. Or, le rapport montre un décalage important entre compétences acquises et compétences sollicitées dans le cadre de l’emploi.
2. Objectifs à atteindre : la barre est haute
Constat : écart entre offre et demande, faiblesse en compétences numériques générales pour 13% des actifs, 10% d’emplois vulnérables, 50% susceptibles de transformations.
2.1. Résorption de l’écart entre offre et demande de compétences expertes.
2.2. Maîtrise des compétences transversales, qui recouvrent des compétences numériques générales, des compétences cognitives (littérature, numératie) et des compétences sociales et institutionnelles.
2.3. Gestion de la transition pour les actifs en poste : compétences techniques complétées, action spécifique pour bassins d’emploi vulnérables, pour personnes peu ou pas qualifiées, examen de la situation des travailleurs de nouvelles formes d’emploi.
2.4. Amélioration de la formation des managers.
3. Stratégie globale.
Enjeux liés au caractère global de la transformation : 10% d’emplois susceptibles d’être supprimés, 50% transformés, de localisation des emplois : il faut des créations d’emploi partout, pas seulement dans les métropoles, minimiser les pertes d’emploi potentielles, sécuriser les mobilités professionnelles, faire monter en puissance le conseil en évolution professionnelle, définir un nouveau rôle du secteur public en direction des plus vulnérables, de rapidité, de qualité et d’évaluation, liés à la nature spécifique de certaines compétences transversales ou transférables, en termes de volumes, besoin important des nouvelles compétences, des transformations massives d’emplois existants, liés à la période de transition, en termes de responsabilité.
Mise en place d’une stratégie:
– nécessité de descendre au niveau régional (bassin d’emploi).
– absence de référentiel de compétences commun entre institutions et d’approche systématique en blocs de compétences pour traduire toutes les certifications et blocs de compétences en cohérence avec les effets entrepris au niveau européen , pour structurer l’offre de formation et ses évolutions nécessaires et pour bien orienter les financements.
– absence de mutualisation des travaux d’anticipation des besoins.
– défauts du système de certification, retard, lourdeur de ce système.
– caractère complexe des financements : absence d’acquisition par tous des compétences transversales, d’orientation prioritaire des financements, de formation en nombre suffisant des personnes travaillant dans un domaine impacté dans le numérique.
– absence de bouclage national des formations, permettant de s’assurer que les formations utiles sont disponibles et que celles qui sont peu pertinentes disparaissent.
– absence de reconnaissance des compétences acquises en dehors des cadres scolaires.
– absence d’accompagnement à l’orientation.
4.Méthode.
4.1. Nécessité de placer le numérique au coeur du social, par le dialogue.
4.2. Nécessité de surmonter les cloisonnements.
– avec tous les acteurs.
– tout mettre sur la table.
– doctrine commune concernant les formations.
– pilotage national contre les cloisonnements (dépassement des logiques verticales, en filières, branches, géographiques, sectorielles).
– valeur de l’expérimentation.
– liens diagnostics-décisions, lien plus soutenu, plus rapide et mieux concerté entre les diagnostics et les décisions.
5. Axes de changement.
5.1. Se donner les moyens d’en savoir plus sur les compétences et leur évolution.
– participation possible de la France au modèle de résolution de problèmes dans un environnement numérique.
– outils de diagnostic au niveau local.
– systématisation des analyses au niveau des métiers.
– diagnostic à l‘échelle des filières. L’exemple de la vision prospective partagée des emplois et des compétences de la filière numérique est intéressante: non plus construit à partir des projections fondées sur des scénarios macroéconomiques mais sur les « réalités des stratégies industrielles et territoriales », ce type d’approche met en évidence l’utilité de l’implication de tous les acteurs concernés, et pas seulement les experts, pour permettre une meilleure adaptation aux attentes des entreprises.
– développement de la recherche et des expérimentations.
– évaluation des retombées des formations pour l’employeur et le salarié.
– rassemblement des données dans un même outil.
– accélération des EDEC numériques, Engagements et Actions de Développement de l’Emploi et des Compétences, accord annuel ou pluriannuel signé entre une organisation professionnelle ou interprofessionnelle et l’Etat. Ce sont des outils utiles pour accompagner les entreprises et salariés dans les mutations économiques auxquelles sont confrontés filières et secteurs.
5.2. Améliorer notre système d’orientation scolaire et professionnel et mieux diffuser le CEP: le Conseil en évolution professionnelle est un dispositif d’accompagnement gratuit et personnalisé proposé à toute personne souhaitant faire le point sur sa situation professionnelle et, s’il y a lieu, d’établir un projet d’évolution professionnelle. Il est assuré par des conseillers d’organismes habilités.
– sensibilisation de tous les acteurs professionnels à la problématique de l’attractivité de certaines filières, aux nouvelles compétences professionnelles exigées, aux compétences transversales indispensables.
– accès des jeunes filles aux formations scientifiques.
– détection organisée des lacunes dans les compétences transversales.
– organisation des campagnes pour entreprises en vue de la formation de leur personnel.
– CEP (évolution professionnelle).
5.3.Réformer le système de certification.
– structure interministérielle, avec partenaires sociaux.
– référentiel partagé de toutes les compétences métier et actualisation de celui-ci.
– accélération de la révision des diplômes, titres.
– procédures simplifiées pour de nouvelles certifications.
– actualisation du contenu des diplômes.
– accélération du PIX, plateforme en ligne d’évaluation et de certification des compétences numériques des citoyens francophones.
– certification simple de compétences sociales et situationnelles.
– certification simple de compétences acquises ailleurs qu’à l’école ou au travail.
– coordination des certificateurs.
5.4. Promouvoir tous les leviers disponibles pour le développement des compétences.
– articulation entre les apprentissages et la certification.
– formation en situation de travail.
– réforme de la VAE, validation des acquis et des expériences, elle constitue un mode de reconnaissance des compétences et un moyen d’accès pertinent à la qualification.
– parcours d’acquisition de compétences et certifications.
5.5.Rendre l’offre de formation adaptée à l’évolution rapide du contexte technologique.
– la formation doit évoluer dans ses méthodes.
– la formation doit évoluer dans son contenu : augmenter l’offre, le financement et l’évaluation des formations, adapter l’offre de formation à l’hybridation des métiers, faire évoluer l’enseignement du management.
– les formations doivent évoluer dans leur volume : capacité de bouclage de l’offre de formation pour des compétences nouvelles stratégiques liées aux technologies, possibilité également d’élargir le champ d’intervention de la Grande école numérique, réinterrogation de l’acte de formation, mutualisations de financement nouvelles, valorisation de l’apprentissage, programmes de la deuxième chance.
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