Billet invité.
En une décennie, le nombre de pays dont la dette est notée AAA par Standard & Poor’s s’est réduit de 20 à 12, tandis que celle des pays notés BB et au-dessous a progressé de 49 à 62. Conséquence de quoi, les titres de qualité de plus en plus recherchés sur le marché obligataire sont de moins en moins nombreux.
Une tendance contraire s’affirme, mais elle ne compense pas le phénomène. Selon Dealogic, le volume d’émission de la dette syndiquée par des organisations internationales a en effet plus que doublé durant la même période, pour atteindre 265 milliards de dollars l’année passée. C’est notamment dû à la Banque européenne d’investissement, à la BIRD en Europe, ainsi que sur le plan international à la Banque mondiale. Une grande absence est mise en évidence, celle des euro-obligations dont le gouvernement allemand et ses alliés ne veulent à aucun prix et qui pourraient contribuer à la stabilisation du système financier.
Face à ce rejet qu’il a cherché à contourner, Emmanuel Macron a au départ proposé de financer son grand plan de relance via des réaffectations du budget européen et des contributions nationales d’origine fiscale, selon un bricolage de circonstance. À écouter la chancelière, le budget de cette relance s’annonce fort réduit. Mais, comme l’observe Wolfgang Münchau dans sa chronique du Financial Times, cela ne prépare pas l’Europe à sa prochaine crise. Il souligne la conjonction problématique de deux phénomènes : la hausse des taux obligataires résultant de la diminution progressive des achats de titres de la BCE et la raréfaction des titres souverains allemands finissant pas rester seuls à être notés AAA, les excédents budgétaires du pays ne nécessitant pas de nouvelles émissions. Certes, les euro-obligations auraient été la parade toute trouvée, mais c’est hors de question.
Le gouvernement allemand a choisi de favoriser la hausse des taux obligataires pour d’impérieuses raisons. En interne, afin de protéger les 1.500 banques de moyenne et petite taille qui enregistrent une importante baisse du rendement de leur capital, et afin de soulager les rentiers qui subissent une forte érosion de leurs revenus en raison de la baisse de rendement des fonds dans lesquels leurs avoirs ont été placés. À l’échelle européenne, afin de placer les gouvernements ne baissant pas leur déficit sous la pression vite intenable du marché obligataire. Une contrainte qui vaut tous les traités.
Mais cette politique à courte vue ne prépare pas à un rebondissement éventuel de la crise. Comme ses prédécesseurs, Emmanuel Macron va pourtant y satisfaire, croyant jouer au plus malin. Or, les économies européennes n’ont jamais été aussi endettées, et même une petite hausse des taux obligataires pourrait faire beaucoup baisser le prix des titres en circulation, déstabilisant le système bancaire et financier en raison des moins-values qu’il faudrait alors enregistrer. La dette publique, sur laquelle tous les yeux sont rivés, ne serait pas seule touchée, la dette privée des entreprises ou des particuliers n’étant alors pas épargnée. Les importantes survalorisations qui sont enregistrées sur le marché boursier masquent le mécanisme d’un krach obligataire potentiel.
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