Pays inondé, par Panagiotis Grigoriou

Billet Invité. Également sur son blog greekcrisis.fr.

Septembre grec à la météorologie fort clémente. Penchants voyageurs familiers, vestiges chauffés au soleil, on déambule alors volontiers à travers les apparences. Un petit pétrolier trop vieux, rempli de fioul lourd ayant fait naufrage par temps paisible près de Salamine laisse déjà échapper les traces de son chargement sur les plages du Pirée et sur une partie de la Riviera d’Athènes. La presse s’enflamme, les “gouvernants” déclarent que “sur le papier tout était en règle”, la mer… à boire !

La mer… à boire. Opération de nettoyage. Salamine, presse grecque, septembre 2017

Le bateau était vieux de 47 ans, il naviguait alors avec ses brèches sans cesse colmatées, et aux certificats de navigation ayant expiré depuis juillet 2017, mais… prolongés depuis, pour une période de quelques semaines seulement “du fait d’une simple signature administrative”, c’est-à-dire sans aucun contrôle réel.

On navigue alors sans vue comme pour le reste, sauf peut-être aux derniers vieux ateliers à travailleurs et à petits patrons d’Athènes, là où précisément certaines formes de travail, si ce n’est que par curiosité muséale, attirent alors le regard et l’indiscrétion. Pays supposé normalisé et accueillant. Emmanuel Macron vient de quitter la… tombe de la Grèce, après y avoir déposé la couronne du business alors fleuri, réalité résumée par un dessin évocateur paru dans la presse grecque en signe d’au revoir (“Quotidien des Rédacteurs” du 10 septembre.).

Certaines formes de travail. Athènes, septembre 2017
Café honnête… à 0€90. Athènes, septembre 2017

Métadonnées d’un monde disons sulfureux. Sous le regard plénier des animaux adespotes (sans maître) lesquels s’installent de fait et de plein droit sur les terrasses des cafés, les bipèdes que nous sommes seront informés des nouveautés en termes de tarification… renouvelée : “Café honnête à 0€90”. Il était grand temps, au moment… historique de la standardisation des salaires de deux euros l’heure travaillée.

“Lorsque j’ai rencontré mes futurs employeurs, j’ai profondément regretté mes années d’études, confie Eleni, diplômée en lettres et depuis au chômage. Elle a sollicité un emploi auprès d’une compagnie de vente par téléphone. Ils m’ont proposé un salaire de 200 euros par mois pour un travail à mi-temps sur cinq jours… où deux heures travaillées par jour seraient seulement déclarées. Je ne peux donc plus décrire mon état de choc. Et comment alors puis-je vivre avec 200 euros par mois ?”, (reportage de la presse grecque au 13 septembre 2017 sur la génération dite des… “100€ par mois” .

Nettoyage. Salamine, septembre 2017 (Presse grecque)
Le business de la visite Macron à Athènes. “Quotidien des Rédacteurs”, le 10 septembre
La génération des… 100€ par mois. Presse grecque du 13 septembre 2017
Animal adespote sur la terrasse d’un café. Athènes, septembre 2017

Loin d’Athènes, on respire parfois un peu mieux. Déjà, on prend de la hauteur, par exemple, dans les montagnes grecques du Pinde. Les troupeaux qui s’y trouvent iront ainsi boire directement de l’eau des lacs en altitude, non loin d’Achelóos, dieu fleuve d’Étolie, fils aîné du Titan Océan et de sa sœur Téthys, le plus grand des fleuves d’après la mythologie bien évidemment antique.

Sauf que depuis plus de vingt ans, Achelóos en Grèce est devenu synonyme de cette aberrante affaire de son grand barrage homonyme. Déjà en 2014, Adéa Guillot dans son reportage (“Le Monde” du 5 mars 2014) , notait ceci :

“Les défenseurs du fleuve Achelóos bataillaient depuis vingt ans pour sa sauvegarde. Ils viennent d’emporter une victoire qualifiée d’historique: le Conseil d’État grec vient de mettre un terme au très controversé projet de dérivation du plus long fleuve du pays. Les juges estiment qu’il viole le principe de développement durable inscrit dans la Constitution et qu’il doit à ce titre être abandonné.”

“‘C’est la première fois en Europe qu’une cour se réfère au principe de développement durable pour mettre fin à un projet qui constitue une véritable catastrophe écologique’, se félicite Theodóta Nantsou, du Fonds mondial pour la nature (WWF). Depuis plus de vingt ans, WWF, Greenpeace, mais aussi la Société hellénique de protection de l’environnement luttaient par tous les moyens possibles – manifestations, concerts, recours en justice – pour empêcher le détournement prévu de 600 millions de mètres cubes d’eau par an vers les plaines agricoles de Thessalie.”

Le barrage d’Achelóos, Thessalie, septembre 2017
“Achelóos vaincra”. Route du barrage, Thessalie, septembre 2017
“Jetons SYRIZA hors des luttes”. Sur le barrage d’Achelóos, septembre 2017
Les troupeaux iront boire directement… Thessalie, septembre 2017

“Le fleuve Achelóos, surnommé le ‘fleuve blanc’, prend sa source dans le massif montagneux du Pinde, au nord-ouest du pays, et s’écoule sur 220 kilomètres jusqu’à la mer Ionienne, dans l’une des régions les plus sauvages de Grèce. L’une des plus préservées aussi, dont plusieurs sites sont classés dans le réseau européen Natura 2000. Le delta de Missolonghi, où le fleuve se jette dans la mer, est l’un des dix sites grecs protégés par la convention de Ramsar sur les zones humides (1971) et abrite des espèces d’oiseaux protégées par une directive européenne.”

Sauf que les directives européennes (apparentes ou pas) au pays occupé par le totalitarisme européiste peuvent, et surtout savent en décider autrement. Une récente décision gouvernementale (août 2017) autorise désormais la Régie d’Électricité – DEI à achever les travaux et ainsi faire fonctionner le barrage dans le but de produire de l’électricité et ceci, dès 2019.

Notons que DEI, en voie de privatisation sous… la forme éprouvée de la prédation offerte aux rapaces internationaux ou locaux bien connus et nommés “investisseurs” sous la novlangue des occupants, comme d’ailleurs l’ensemble de l’administration et des entreprises du secteur public dit “grec”, est étroitement contrôlée par les administrateurs coloniaux imposés et installés par la Troïka et par les gouvernements des “pays centraux” de l’Eurocontrol.

Grèce des montagnes. Thessalie, septembre 2017
Moulin à eau. Montagnes de Thessalie, septembre 2017
Thessalie de montagne. Septembre 2017

Un ingénier-cadre travaillant chez DEI rencontré récemment, raconte volontiers comment et combien les administrateurs de la Troïka (chez DEI comme dans ses filiales) contrôlent toutes les décisions et donc l’ensemble des documents produits quotidiennement. “C’est bien un régime d’occupation que nous subissons, sans leur aval, la moindre décision, par exemple à propos d’un stage, ne peut pas être validée et encore moins exécutée.”

C’est d’autant plus vrai en ce qui concerne ces décisions d’une telle importance, celle scellant le sort barrage entre autres. Les conséquences d’une telle aberration écologique sont graves. Mésohora, la bourgade proche, est l’un de ces villages oubliés dans la province grecque de la Thessalie montagneuse, qui ont connu leur prospérité il y a plusieurs décennies et aujourd’hui, ils ont peu de résidents permanents.

Sa situation actuelle n’est pas sans rapport avec la terrible décennie 1940 pour l’ensemble de cette Grèce, jadis si fière et résistante des montagnes, comme autant fière des légendes qui sont les siennes. Le village avait été brûlé par l’armée allemande en 1943, comme à peu près tous les villages en altitude de la contrée ; ensuite, le déplacement forcé de près de 800.000 habitants de cette Grèce… des hauteurs vers les villes durant la Guerre Civile (1946-1949), a ainsi porté un deuxième coup dur à Mésohora.

La désolation actuelle due à la construction du barrage est alors perceptible. La bourgade sera en partie définitivement inondée sous les eaux du lac du barrage, de ce fait, depuis près de vingt ans Mésohora… expérimente une destinée possible et imaginée bien incertaine. L’imaginaire local est désormais figé, pas de futur, plus aucune gestion du temps n’est réellement possible, à l’exacte image de ce que ressentent les Grecs dans leur majorité depuis les années de l’inondation troïkanne.

Mésohora, au bistrot. Septembre 2017
Apiculteur. Montagnes de Thessalie, septembre 2017
Vie… très locale. Montagnes de Thessalie, septembre 2017

“Mésohora est un village historique”, déclare Niki Économou pour les besoins d’un reportage réalisé par une ONG en février 2017. Elle est Présidente de l’Association des futurs inondés de Mésohora, et elle vit plusieurs mois au village et le reste du temps à Larissa, capitale de la Région Thessalie.

“En 1943 notre village avait été brûlé par les Allemands, et c’est avec beaucoup de sacrifices que les gens ont reconstruit leurs maisons ici, dans le but justement de ne plus quitter l’endroit où ils sont nés. Le barrage effacera le village, et l’argent des indemnisations ne nous intéresse absolument pas. Je veux que mon village ne soit pas perdu, je suis très attachée à mon pays.”, (site internet de “Dianoesis”, février 2017).

Septembre météorologique grec pour l’instant plus que clément. 37 degrés à l’ombre vers 15h en ce 18 septembre en plaine de Thessalie et en ville de Trikala. Dès les prochains jours le temps deviendra progressivement et très gentiment automnal d’après la météo.

Penchants voyageurs coutumiers, loin des apparences et loin d’Athènes les… préparations locales mûrissent comme on sait sous les fenêtres, et les saints protecteurs des lieux ne sont guère oubliés, dont Achelóos, dieu fleuve d’Étolie, fils aîné du Titan Océan et de sa sœur Téthys.

Les… préparations mûrissent sous les fenêtres. Thessalie, des montagnes, septembre 2017
Saint Nicolas des montagnes. Thessalie, septembre 2017
Ville de Tríkala. Thessalie, septembre 2017

Près de la capitale on s’embourbe toujours dans un peu de mazout, et la presse s’enflamme ainsi comme elle peut. Dans la vraie vie, il est plutôt question de “Café honnête à 0€90” ou encore, de la standardisation des salaires à deux euros l’heure travaillée.

En Thessalie comme ailleurs les… chatons nouveaux sont arrivés et notre Hermès (voir l’article précédent) grandit de jour en jour. On déambule quelquefois volontiers à travers les vérités. Beau pays inondé, barrages et romans-fleuves !

Chaton nouveau. Thessalie, septembre 2017

* Photo de couverture : Les troupeaux iront boire directement… Thessalie, septembre 2017

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Commentaires récents

  1. Paul, Je n’ai vu de ce film, il y a longtemps, que ce passage (au début du film, je crois)…

  2. Faut reconnaitre que le site fait positiver … du moins la première illustration du vivant.

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