Billet invité.
Tout semblait réglé en Allemagne, mais c’était vite dit. Certes, la réélection d’Angela Merkel fait moins de doute que jamais, mais sur quelle formule gouvernementale va-t-elle s’appuyer ? Le score faiblissant du SPD donne aux sociaux-démocrates de moins en moins de raison de participer à une coalition gouvernementale où ils seraient réduits à portion congrue. Et une coalition avec la CDU/CSU n’aurait de grande que le nom, n’obtenant plus que 60% des sièges au Bundestag, contre 80% actuellement.
Comment la chancelière va-t-elle résoudre l’équation ? En reconduisant l’actuelle coalition, si elle le souhaite et parvient à entraîner le SPD ? En en constituant une autre avec les Verts et le FDP ? Ou en formant un gouvernement minoritaire, solution qui n’est pas dans la tradition germanique ? En tout état de cause, le choix ne sera pas sans conséquences sur la politique européenne de demain.
Jens Weidmann, qui est à la tête de la Bundesbank et pourrait succéder à Mario Draghi, a en tout cas déjà pris ses marques : la BCE ne devrait « pas manquer le moment pour normaliser la politique monétaire » a-t-il déclaré, nuançant son propos en précisant qu’il n’entendait pas par là « un freinage complet » mais de « ne pas maintenir en permanence le pied sur l’accélérateur ». Tout s’explique : une enquête menée auprès de 1.500 petites et moyennes banques allemandes par la Bundesbank et la BaFin, le régulateur des banques, venait de mettre en lumière une détérioration de 16% leur rentabilité dans les cinq exercices à venir si les taux d’intérêt stagnaient.
En mission à Berlin, Edouard Philippe est venu aujourd’hui tâter le terrain. Devant un parterre de décideurs, il s’est présenté comme « un premier ministre qui dirige un gouvernement germanophile ». Le moins qu’il pouvait dire pour les convaincre de sa volonté de respecter les engagements budgétaires d’Emmanuel Macron, après tant de « rendez-vous manqués », pour ensuite sonder Angela Merkel sur ses intentions. Ce qui permettra au président français d’ajuster son tir le 26 septembre prochain, deux jours après les élections allemandes, lorsqu’il rendra publiques ses propositions pour « refonder » l’Union européenne.
Mais ce n’est pas tout ! A Tallinn, les ministres de l’Eurogroupe ont aujourd’hui tenté d’accorder leurs violons en devisant à propos de la « résilience » économique d’une Union, qui a « de nouveau le vent en poupe » selon Jean-Claude Juncker. Le ton du discours sur l’état de l’Union de ce dernier a tranché avec celui des années précédentes : la « crise existentielle » finie, une « fenêtre d’opportunité est ouverte ». Mais le président sortant de la Commission n’a pas défini la manière d’en profiter.
Emmanuel Macron n’a pas reçu tout le soutien qu’il espérait de Jean-Claude Juncker. Il a aussi dû se contenter de celui octroyé a minima par Alexis Tsipras et Paolo Gentiloni, le président du conseil italien, qui se sont eux aussi déclarés en faveur de la création d’un poste de Ministre européen des finances, avec des réserves portant sur les « intentions politiques et économiques » de son détenteur. La mesure fera probablement l’objet d’un consensus, avec comme enjeu qu’elle ne soit pas d’aussi peu de portée que ne l’a été la création du poste de Haut représentant de l’Union européenne aux Affaires étrangères actuellement occupé par Frederica Moghereni.
Commentant les propos tenus à son intention par Edouard Philippe, la chancelière a estimé que « cela constitue une très, très bonne base » pour la suite en France. Sous-entendu : il faut continuer ! Mais elle n’a pas abandonné ses réserves sur les propositions précédemment formulées par Emmanuel Macron, qui sont regardées avec perplexité en Allemagne : « pour moi, ce qui est important, c’est que les entités qui sont avancées – gouvernement de la zone euro, ministre européen des finances, budget – soient aussi dotées d’un contenu ». Tout reste donc à trancher.
A Tallinn, les débats sont partis dans tous les sens. Certains ont refusé d’adopter l’angle des réformes institutionnelles du ministre français Michel Maire. Jeroen Dijsselbloem a préconisé de prendre les questions par l’autre bout et de débattre « sur ce qui manque dans l’union économique et monétaire, en termes de résistance, de compétitivité et de solidarité ». Et Wolfgang Schäuble a considéré que « il s’agit de savoir comment nous rendons l’Europe politiquement et économiquement plus forte et capable d’agir ? ».
Chacun est venu avec ses arrières pensées, mais comment en débattre si elles ne s’expriment pas clairement ? Et comment trouver un terrain d’attente si elles le sont ? Angela Merkel exprime à ce sujet sa confiance, mais c’est à condition de respecter son cadre de pensée. Elle l’a rappelé dans la presse allemande et française en rejetant par principe toute mutualisation des dettes entre États de la zone euro. Et en faisant valoir que, pour renforcer la zone euro, « nous travaillons à une union bancaire et à un Fonds monétaire européen afin de pouvoir agir, dans des conditions rigoureuses, dans les situations de crise ». Omettant de préciser que leurs modalités excluront dans son esprit toute mutualisation financière, et sans faire référence au volet investissement qui constitue le pivot de la proposition française.
Qui va devoir manger son chapeau ?
@Pascal (suite) Mon intérêt pour la renormalisation est venu de la lecture d’un début d’article d’Alain Connes*, où le « moi »…