Billet invité.
Janet Yellen de la Fed et Mario Draghi de la BCE se seraient donné le mot que cela ne serait pas surprenant ! Lors de leurs interventions d’hier à la conférence annuelle de Jackson Hole, les deux compères ont soigneusement évité le sujet de la politique monétaire où ils étaient pourtant très attendus, signe qu’ils continuent de s’interroger sur la marche à suivre.
Davantage sous la pression, Mario Draghi s’est contenté de déclarer que « une politique monétaire accommodante à un degré significatif est toujours justifiée », ajoutant « nous devons être très patients, le ralentissement du marché du travail et la basse productivité ne sont pas des facteurs qui vont prochainement disparaître ». Sans se prononcer sur la durée, qui pourrait se prolonger.
Il y avait visiblement plus important à leurs yeux. Les présidents des deux plus puissantes banques centrales occidentales ont choisi Jackson Hole, circonstance privilégiée pour faire passer des messages, afin d’adresser à Donald Trump un double avertissement à propos de la déréglementation financière et du protectionnisme.
Janet Yellen s’est clairement opposée à la mise en cause du cadre réglementaire pour lequel milite activement le camp républicain au prétexte qu’il pèse sur l’activité économique. « Tout ajustement du cadre réglementaire devrait être modeste et préserver l’amélioration de la capacité de résistance (du système financier) », a-t-elle fait valoir, déplorant que « déjà, pour certains, les souvenirs de cette expérience, ainsi que ceux du coût de la crise financière, semblent être en passe de se dissiper. »
Gary Cohn, le principal conseiller économique de Donald Trump, ainsi que Randal Quarles, qu’il a choisi pour le poste de vice-président de la Fed, peuvent profiter au passage du message pour préparer à sa demande leur copie. En attendant, le Congrès va être occupé par la réforme fiscale, le président américain s’efforçant d’éviter qu’elle connaisse le même sort qu’Obamacare, sans garantie de succès étant donné l’état de ses relations avec la majorité républicaine. Le tour de la dérégulation ne viendra qu’ensuite, dans un contexte marqué également par la fin de mandat de Janet Yellen début février de l’année prochaine, et la désignation de son successeur par Donald Trump.
Comme si l’avertissement lancé par celle-ci ne suffisait pas, Mario Draghi a rebondi sur le même thème : « vu son coût élevé que nous avons pu constater, il n’y a jamais de bon moment pour relâcher la réglementation, mais il y a des moments où c’est particulièrement inopportun. Lorsque la politique monétaire est accommodante, une réglementation laxiste présente le risque de réveiller les déséquilibres financières ». Il a clairement averti que « les régulateurs devraient se méfier de rallumer les cendres des conditions qui ont conduit à la crise ».
Le président de la BCE a également mis en cause « les tentations protectionnistes » : « un virage vers le protectionnisme poserait un risque sérieux pour la croissance de la productivité et la croissance potentielle de l’économie mondiale. Et ce risque est particulièrement important dans le cadre des défis structurels qui se posent aux économies développées ».
Les banquiers centraux ont pleinement joué leur rôle, mais ils n’ont plus la main. Tout au plus peuvent-ils défaire avec beaucoup de précautions ce qu’ils ont fait, leur irremplaçable contribution à la stabilisation du système financier restant incertaine. Pour le reste, ils ont désormais peu de chance d’être entendus et d’enrayer la dynamique néfaste qui s’est enclenchée. Par ses propos, Mario Draghi laisse d’ailleurs filtrer que nous sommes entrés dans une période durable aux caractéristiques dégradées par rapport à la précédente. Mais lui même, après Janet Yellen, arrive en fin de mandat. Un rideau va tomber.
@Pascal (suite) Mon intérêt pour la renormalisation est venu de la lecture d’un début d’article d’Alain Connes*, où le « moi »…