Retranscription de Le temps qu’il fait le 11 août 2017, Merci à Marianne Oppitz !
Bonjour, nous sommes le vendredi 11 août 2017 et contrairement à ce que j’ai fait ces semaines récentes, je ne vais pas parler de l’avenir à long terme de l’humanité en parlant de choses comme le transhumanisme ou bien du risque d’extinction, mais je vais vous parler du risque d’extinction beaucoup plus immédiat parce que la géopolitique reprend le dessus. Et je voudrais vous parler, en particulier, de deux grandes puissances qui sont en train de tomber en vrille et de ce qui aggrave la situation de manière tout à fait considérable comme vous avez sans doute dû le constater en lisant les journaux. Et ces deux grandes puissances qui sont en train de tomber rapidement à un rang subalterne, ce sont les États-Unis d’Amérique et le Royaume-Uni : la Grande-Bretagne.
Alors, on va commencer par les États-Unis. Hum… Ce qui rejoint d’abord, le cadre général dans lequel se passe cette catastrophe d’effondrement rapide de deux grandes puissances, c’est l’ultralibéralisme et ses conséquences. Il s’est cru triomphant, il a cru dans les années 70 que les choses étaient faites. Il a vu dans la chute du mur de Berlin, la confirmation qu’il n’y avait plus d’opposition en face et finalement, curieusement, il s’effondre sous son propre poids, sous ses propres contradictions plutôt que d’être vaincu par des adversaires extérieurs. À moins, qu’on n’imagine que la Corée du Nord puisse effectivement l’emporter sur les États-Unis (rires), dans une guerre, ce qui n’est, bien entendu, pas le cas. Et ce qui se passe c’est que deux grandes puissances sont en train de se dévaloriser par une dynamique interne.
Alors, qu’est-ce qui s’est passé aux États-Unis ? Vous le savez, c’est la puissance de l’argent, la puissance de l’argent qui a permis à un candidat, face à une opposition, une opposition décrédibilisée par les contradictions internes, je dirais, de la social-démocratie, incarnée par Monsieur Bill Clinton et ensuite par son épouse, dans la mesure où elle a fait des concessions extraordinaires à cet ultralibéralisme, et s’est retrouvée prise au piège, voilà ! À l’intérieur de ça.
Alors, qu’est-ce qui fait que l’ultralibéralisme conduit à la catastrophe ? Bien sûr, la concentration de la richesse et puis, la dérégulation et finalement la privatisation. Ce sont les éléments qui font qu’il n’y a plus de bien commun. Les riches – on est dans une logique du vainqueur emporte tout et du « malheur aux vaincus » et on a un système économique qui se grippe, où tout simplement les gens font des paris les uns vis-à-vis des autres – un jour c’est l’un qui l’emporte et puis un autre jour, c’est un autre, mais ils sont tous les mêmes, ils sont tous du même genre. Et on obtient ce qu’on voit aux États-Unis, un… – j’allais dire un crétin, mais je ne devrais peut-être pas hésiter à le faire – bourré de fric.
Beaucoup de cet argent là, cela va apparaître très rapidement que c’est de l’argent de la corruption. C’est de l’argent de mafias quelconques, c’est de l’argent sale qui a été recyclé. C’est ça que ses adversaires sont en train de mettre dans un dossier pour abattre cet homme qui est une catastrophe ambulante. Mais le mal aura été fait ! Le mal aura été fait quand finalement ce pays se débarrassera de son président fou : ce pays sera – et j’ai dit cela tout de suite à son élection, de Monsieur Trump : ce qu’il va faire, il va faire tomber son pays au rang de puissance subalterne inférieure. Ce qui ne sera peut-être « que » une reconnaissance de l’état dans lequel ce pays est effectivement.
Ce pays qui, pas plus que les nôtres, il faut bien le dire, n’est parvenu à redresser la barre, véritablement, après la crise de 2008, la crise des subprimes. Quelques gesticulations, quelques tentatives – sur des questions de détail – de modifier les choses, qu’on va renverser un jour ou l’autre en disant que c’était des mesures excessives. C’est toujours ce qu’on vous explique finalement : « Oh ! On a dû surréagir, on avait réagi de façon exagérée donc on n’a pas besoin de tous ces garde-fous qu’on a mis et dont on n’avait, en réalité, pas besoin ».
Et en fait, et là – j’y reviens toujours, ça c’est aussi un de mes dadas – ce qui empêche, ce qui empêche que les adversaires de ce genre de discours, de ceux qui veulent qu’on réglemente à nouveau, qu’on mette des barrières à nouveau, ce qui empêche de le faire, c’est qu’il n’y a pas la théorie derrière, il n’y a pas les explications qu’il faudrait. Si ! Bon, il y a l’un ou l’autre, ici ou là, qui vous explique comment ça marche et on m’invite de temps en temps à France Inter et je peux expliquer aux gens et les gens sont enthousiastes en disant : « Monsieur j’ai compris pour la première fois comment ça marche vraiment. Merci beaucoup ! » Oui ! c’est comme ça que sa se passe, mais c’est quoi ? C’est 15 personnes, c’est 20 personnes. Ce n’est pas comme ça qu’on va changer les choses. On revient dans les mêmes ornières parce que les grands prix Nobel d’économie depuis une vingtaine d’années, une trentaine d’années, ce sont des gens qui ont mis en place en réalité, qui on créé, le cadre idéologique de cet ultralibéralisme. Pourquoi ? Et bien parce que c’était des copains qui se… – je ne sais pas pourquoi je mets ça au passé – ce sont des copains qui s’attribuent des prix Nobel d’économie les uns aux autres, tous plus ou moins liés à la « société du Mont-Pèlerin » qui est ce think tank, ce bureau d’études, depuis des années, depuis la fin de la seconde guerre mondiale, qui réfléchit à comment mettre l’ultralibéralisme en application à l’intérieur du monde.
Alors, je ne vais pas vous en dire plus sur les États-Unis parce que les choses s’effondrent de minute en minute [P.J. Ceci était dit le 11 août, avant les événements du lendemain à Charlottesville, qui n’ont fait qu’apporter de l’eau au moulin]. On a cru, c’est il y a quoi ? Je crois que c’est une semaine, 10 jours, qu’en mettant le général Kelly qui est un de ces militaires à la MacArthur, à la Patton – un de ces militaires à la mâchoire carrée – qu’il allait remettre un peu d’ordre là-dedans. On l’a dit, le test c’est de savoir si Trump va continuer à émettre ses « tweets », ses « tweets » complètement délirants. S’il n’arrive pas à le maîtriser à ce sujet là, ce sera terminé de toute manière. Et voilà ! Réactions délirantes à propos de la Corée du Nord. Et puis surtout, bon, il perd absolument les pédales, maintenant Trump, pourquoi ? Parce qu’il sait, justement, j’y ai déjà fait allusion, parce qu’on est en train de constituer un dossier qui va montrer que sans l’argent sale recyclé – en particulier, venant de Russie – il n’aurait jamais été l’homme d’affaires qu’il a été. Il a été en fait un prête-nom pour de l’argent sale recyclé. Voilà ! Parce qu’il n’y a quand même pas de miracles, quand on n’a pas le QI nécessaire, on ne devient pas riche, super-riche, comme ça, par accident. Il y a de l’argent qui vient de quelque part. Et comme on peut le manipuler très facilement, ça se voit, il suffit d’un compliment (rires), un compliment sans la moindre justification pour que ce type ne se sente plus ! Enfin voilà ! Ça, c’est cette histoire extrêmement triste des États-Unis.
Euh… d’une certaine manière les peuples ne sont jamais responsables – mais ils le sont toujours un petit peu – de ce qui leur arrive : par complicité, par servitude volontaire, par… en se taisant. C’est toujours la même histoire : « Quand ils sont venus pour les juifs, je n’étais pas juif, je m’en suis foutu. Quand ils sont venus pour les communistes, comme je n’étais pas communiste … » Et puis, vient un jour où on se rend compte que… à force de fermer les yeux – les petits singes là, celui qui n’entend pas, celui qui ne voit pas et celui qui ne dit rien – eh bien, on se retrouve dans la situation où c’est soi-même, soi-même qui se retrouve piégé, on se retrouve piégé là-dedans. Alors, toute notre commisération pour les États-Unis. Euh… il se passe près de chez nous des choses qui ne sont pas toujours très faciles à distinguer d’ailleurs de ça, à plus petite échelle, heureusement. Mais, enfin, il faudrait quand même qu’on se réveille avant qu’on ne se retrouve avec le même genre de choses, ici, en prenant de vraies mesures, de vraies solutions : il ne faut pas y aller par quatre chemins.
Alors, la Grande-Bretagne, je dirais que c’est encore plus navrant puisque c’est une fausse manœuvre de politiciens qui a conduit à la catastrophe qu’on voit maintenant. Évidemment, évidemment, nous avons été complices aussi. Nous avons accepté qu’on remplace les États-providence par des marchés. Et puis, un beau jour on en a marre de ces marchés, en disant : « On voulait autre chose que ça, que simplement des marchés ! ». C’est ce que les Britanniques ont dit. On leur a dit : « Votez sur ce truc qu’on vous a fait, qui s’appelle « l’Europe » qui n’est en réalité qu’un gros marché et pas grand-chose d’autre » Et ils ont dit : « On n’en veut pas », et du coup, bon, ils sont obligés, maintenant d’essayer d’en sortir.
Et, là aussi, ça va faire tomber cette puissance qui restait voilà… tout ça reposait sur les restes d’un empire colonial, mais c’est en train, maintenant, de devenir pas grand-chose. C’est en train de tomber au rang que ça méritait en réalité, parce que, au milieu de tout ça, il y a, bien sûr, cette construction de la « City », c’est-à-dire un truc extrêmement riche mais voilà… une entreprise de [piraterie] à l’échelle de la planète. Et ça, évidemment, c’est en train de se fermer parce qu’avec ce « Brexit », c’est en train de se fermer. Oh, c’est en train de se déplacer dans d’autres endroits : des petits bouts. Mais le machin lui-même s’effondre au milieu, alors que ça représentait, dans l’état actuel de la Grande-Bretagne, une source importante de revenus pour la nation. Ce sont les mécontents, ce sont les rouspéteurs, ce sont les gens qui n’aimaient pas le marché, ce sont les vieux, qui ont voté pour ça. Et comme faisait remarquer un commentateur hier, ce seront les jeunes qui se retrouveront à devoir régler l’ardoise, une fois de plus, comme toujours, parce que les vieux sont en voie de … recyclage (rires). Et voilà ! Il faudra qu’ils se débrouillent avec ça.
Alors, bien entendu, maintenant les Britanniques vous disent qu’ils voudraient bien garder les bons côtés de l’Union Européenne et se débarrasser des mauvais. Mais qui ne le voudrait ? Évidemment, ça, ce n’est pas possible. On leur avait promis pendant la campagne électorale, lors de la campagne du referendum : « Vous allez gagner 350 millions de livres, par semaine, en n’étant plus dans l’Europe ! ». 350 millions de livres britanniques, par semaine, ça fait beaucoup d’argent ! Et les gens y ont cru ! Et maintenant quand on fait les calculs, on s’aperçoit qu’ils vont devoir régler, sans doute, de l’ordre de 40 milliards d’euros Devoir payer, eux, 40 milliards d’euros alors qu’on avait promis aux gens, à qui on avait raconté des fadaises, que cela allait leur rapporter 350 millions par semaine, hé! hé (rires), ce n’est pas la même chose. Et là, ils essayent de faire machine-arrière. Je vous avais dit, moi, que ce truc serait impossible. Il sera impossible. Je l’ai dit le lendemain. Là aussi une de mes prophéties (rires) : « Il n’y aura pas de Brexit ! ».
Le fait qu’il n’y aura pas de Brexit, ça ne veut pas dire que le pays ne va pas s’effondrer dans les tentatives, quand même, de le faire ! On se plaint à Bruxelles, maintenant, que les équipes pour le faire, du côté britannique, n’existent pas. Qu’il n’y a personne qui vient quand on fait des réunions (rires). Ça montre quand même qu’ils ne sont pas tout à fait pressés ! Et voilà, quand ils se rencontrent, c’est sans directives bien particulières, parce qu’à l’intérieur du gouvernement britannique, ils sont en tain de se tirer l’un sur l’autre parce qu’ils n’ont pas du tout la même version de ce qu’il faudrait faire. Enfin, voilà ! Tout ça est flagrant… non tout ça n’est pas flagrant : tout ça est navrant (rires), mais c’est flagrant aussi, d’une certaine manière. Et tout ça n’est pas drôle parce que tout ça se passe dans un cadre où il y a des conflits. Il n’y a pas que la Corée du Nord, vous le savez très bien : il y a la Syrie qui est un… – tout ce qui se passe autour de la Syrie – qui est évidemment un truc explosif, qui est une poudrière. Il y a aussi -on n’en parle pas beaucoup de notre côté – un conflit très très sérieux entre l’Inde et la Chine en ce moment même. Il y a des escarmouches entre la Chine et d’autres pays dans la mer de Chine : ce sont des contestations d’îlots. Les îlots jouent toujours un rôle important – surtout quand il n’y a personne dessus – ils jouent toujours un rôle très important dans le déclenchement des guerres. Cette histoire d’extinction, ça pourrait encore aller beaucoup plus vite si on commence à se lancer dans des guerres avec des armes nucléaires. Ça peut aller très très mal, très très vite. S’il y a un conflit nucléaire en Corée… et je crois que j’ai lu, il faudrait que je vérifie le chiffre mais ce qui me revient de la lecture d’hier, c’est que Séoul, la capitale du Sud, est à 50 km de la frontière du Nord [P.J. le chiffre est correct]. Alors, vous le savez – c’est comme le nuage de Tchernobyl – des guerres nucléaires, sur des petits pays… Finalement ces pays ne sont pas très très grands en kilomètres : ça dégénère très facilement sur les voisins.
Bon ! Je vais arrêter là et je vous dis à la semaine prochaine. Allez, au revoir !
@Khanard et Pascal Pour moi, Marianne reste un média de gauche ou de centre gauche, heureusement, il n’est pas encore…