Réfugiés : QUAND S’EXERCE LE DROIT DU PLUS FORT, par François Leclerc

Billet invité.

En attendant que le Phoenix de l’ONG maltaise Moas et le Golfo Azzurro de l’espagnole Proactiva Open Arms le rejoignent, l’Aquarius de SOS Méditerranée et de MSF patrouille seul depuis dimanche au large de la Libye, distant par prudence de 24 miles des côtes la journée et de 30 miles la nuit, bien au-delà de la limite de 12 miles des eaux territoriales.

Avec le survol du navire à deux reprises par un hélicoptère tous feux éteints dans la nuit de dimanche, les mesures d’intimidation se sont poursuivies, un garde-côte libyen ayant précédemment tiré en l’air au-dessus d’un autre bâtiment de secours. Par mesure de sécurité, l’équipage de l’Aquarius a mis en vigueur un plan d’urgence permettant à l’équipage de s’enfermer en verrouillant toutes les issues menant au pont en cas d’abordage.

Relayée par un journaliste de l’AFP présent à bord, l’inquiétude est manifeste dans l’équipage. Moins en raison des développements possibles de cette situation que de l’absence d’embarcations de réfugiés depuis une semaine, en dépit d’une météo favorable. Que se passe-t-il ? Peu de canots partent de la côté libyenne et ceux qui partent sont interceptés par les garde-côtes libyens qui les refoulent. Les autorités italiennes ont enregistré l’arrivée de 1.700 réfugiés depuis le début du mois, loin des 21.300 d’août 2016.

Le ministre italien des Affaires étrangères Angelino Alfano s’est félicité dans La Stampa du « rééquilibrage en cours en Méditerranée », affirmant à propos des eaux internationales que « ces eaux ne sont plus à personne, mais sont celles de la Libye », selon sa surprenante interprétation du droit maritime, rien n’autorisant à soumettre à autorisation la navigation dans les zones de recherche et de sauvetage (SAR).

Afin de se donner le beau rôle, le ministre affirme vouloir « éviter les morts en mer en réduisant les départs et contribuer économiquement à ce que les camps en Libye aient des normes adéquates ». Il poursuit : « Nous avons fait deux choix : celui de soustraire des gains criminels aux trafiquants – parce que moins il y a de personnes qui partent, moins cela rapporte aux trafiquants – et celui de financer les agences de l’ONU – l’UNHCR et l’OIM – pour assurer des normes respectueuses des droits humains dans les camps libyens ». Voilà un beau morceau d’anthologie !

L’ONG allemande Sea-Eye, qui a annoncé la suspension de ses opérations faute de pouvoir garantir la sécurité de ses équipages, a eu ce simple commentaire : « Nous laissons un vide mortel en Méditerranée ».

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