Billet invité. Ouvert aux commentaires.
Encadrant à la RATP depuis plusieurs années. J’ai eu « le loisir » d’observer le fonctionnement de cette énorme machine à transporter « les gens » d’Île-de-France. Le système de management très hiérarchique est clanique. Il s’auto-nourrit en activité, s’auto-produit via quelques grandes écoles, s’auto-protège, s’auto-évalue, s’auto-congratule.
Il repose le plus souvent sur l’idée que l’opérateur est fainéant, fourbe, sous-employé et ignorant. Bref, il a peu de valeur et doit être surveillé, contrôlé… Managé !
L’opérateur est pourtant le plus habile lorsqu’il s’agit d’intégrer des informations multiples, voire contradictoires : nouveautés technologiques et règlementaires en tout genre ; le plus habile lorsqu’il s’agit de gérer la misère humaine qui déferle : expression furibarde des cols blancs proches du burn-out, courses effrénées des toujours pressés, des toujours stressés, laissés pour compte, analphabètes, alcooliques, sans abri …
Avec l’avènement du « digital », la dernière lubie est de faire disparaître l’opérateur.
Nous rentrons dans le règne des fossoyeurs. Le nez collé au tableau de bord, branchés, survoltés, sur-connectés, les nouveaux gestionnaires glorifient le chiffre, font fi de l’humain, des compétences et des organisations.
Aveuglés consentants, ils manient la langue de bois en stratèges et décident avec des visions à court terme, taraudés par la peur d’être exclus de leur propre machination.
Pour se donner du courage, ils s’entourent d’une cour, sa taille varie en fonction de leur peur et de leur potentielle influence. Ils alimentent leurs prétendants, comme en politique, distribuant les attentions, divulguant ou pas les informations qu’ils définissent comme stratégiques. Chacun songe à sa carrière et sa longévité, fomente, trahit, dissimule.
Le parcours professionnel est dissocié des compétences, seul compte le réseau, la capacité à ne pas faire de vagues, à reproduire le système mis en place.
Les syndicats sont la plupart du temps perçus comme des organisations peu fiables que l’on vilipende ou courtise en fonction du contexte. La lutte des classes est entretenue, elle justifie l’existence même de ce semblant de rapport de force. Chacun se compte, s’observe, se livre bataille, se fréquente dans un cadre connu et immuable.
La distance hiérarchique forte décrite par Geert Hofstede produit la plupart du temps des organisations inefficientes, où règne la volonté de maintenir l’ordre établi. C’est le règne de l’audit et du contrôle, du chalenge et de la compétition jusqu’à en étourdir les meilleurs.
Le manque d’efficience s’accompagne d’injustices et d’humiliations.
L’antidote à cette gabegie reste l’observation, le discernement, la solidarité et l’humour.
Cela reste fragile, comme la vie.
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