Capitalism’s excesses belong in the dustbin of history. What’s next is up to us, un article de The Guardian, paru le mardi 1er août 2017. Merci à Ronald Grandpey. Ouvert aux commentaires.
En février dernier, un étudiant en deuxième année, Trevor Hill, s’est levé lors d’un débat avec la salle à New York, et a posé une simple question à Nancy Pelosi, chef de l’opposition à la Chambre des Représentants.
Citant une étude de l’université d’Harvard qui montre que 51% des Américains de 18 à 29 ans ne croient plus au capitalisme, Hill désirait savoir si le Parti démocrate pouvait envisager un positionnement plus clairement à gauche, lui permettant de se démarquer véritablement de la politique économique droitière en vogue ? Pelosi, visiblement prise à contre-pied, a répondu : « Je vous remercie d’avoir posé cette question, mais je suis au regret de vous rappeler que nous sommes capitalistes, et que c’est ainsi. »
La séquence a fait le tour des réseaux des deux côtés de l’Atlantique. Son efficacité tient au contraste frappant qu’elle met en évidence : Trevor Hill n’a rien d’un militant gauchiste. Il a tout simplement le profil type du jeune d’aujourd’hui — brillant, bien informé, curieux du monde et impatient d’en construire un meilleur. À l’opposé, Pelosi, figure marquante de l’élite politique, s’est montrée incapable ne serait-ce que d’envisager que le capitalisme lui-même puisse être la source du problème.
Les jeunes électeurs ne sont pas les seuls à partager ce sentiment. Un sondage YouGov de 2015 a mis en évidence que 64% des Britanniques considèrent le capitalisme comme injuste, et qu’il aggrave les inégalités. Cette même défiance représente 55% des avis exprimés aux États-Unis, et au bas mot 77% en Allemagne. Par ailleurs, les trois quarts de la population des principales économies capitalistes sont convaincus que les grandes compagnies sont foncièrement corrompues.
Pourquoi les gens ont-ils ce sentiment ? Sans doute pas parce qu’ils veulent revenir en arrière et vivre en URSS. Pour les jeunes en particulier, l’opposition binaire capitalisme contre socialisme, ou capitalisme contre communisme, est creuse et démodée. Il est bien plus probable que la population soit en train de réaliser – consciemment ou de façon instinctive – l’aberration profonde d’un système dont le seul but consiste à transformer les ressources humaines et naturelles en capital, chaque année davantage, et ce quel que soit le coût pour la qualité de vie et pour l’environnement.
Parce que c’est bien ce à quoi se résume le capitalisme ; c’est là sa seule finalité. Nous le constatons à travers les injonctions permanentes à augmenter le PIB, partout, à une cadence exponentielle, et ce bien que nous sachions parfaitement que le PIB en soi ne réduit pas la pauvreté, pas plus qu’il n’améliore le bien-être et la santé de la population. Le PIB mondial a augmenté de 630% depuis 1980, et les inégalités, la misère et la famine n’ont cessé d’augmenter depuis lors en parallèle.
L’obsession exclusive d’une croissance du chiffre des capitaux en circulation oblige ainsi les grandes firmes à faire grimper avant toute chose la cote de leurs actions, afin de conserver la confiance de leurs actionnaires. Même les cadres dirigeants de bonne volonté se voient donc interdits la moindre initiative sensée, telles que des augmentations de salaires ou la réduction de la pollution, au risque de compromettre les résultats financiers de leur entreprise — Doug Parker, le PDG d’American Airlines, en a fait l’amère expérience cette année, en tentant d’augmenter la rémunération de ses employés et en subissant aussitôt les représailles des marchés financiers. Même au sein d’industries très rentables comme les compagnies aériennes, et ce malgré de nombreuses mises en garde, la redistribution des richesses est vue d’un très mauvais œil. Les profits sont considérés comme la propriété naturelle des investisseurs. Raison pour laquelle JP Morgan, très critique, a assimilé les augmentations de salaires à « un transfert de richesse de près d’un milliard de dollars » aux travailleurs.
Tout cela n’a pourtant rien d’inéluctable, et il n’est pas nécessaire de chercher des solutions toutes faites dans le passé, qu’il s’agisse d’un retour au socialisme d’État ou à tout autre système révolu. Nous devons au contraire nous tourner vers l’avenir. La faculté de l’homme à innover et à produire de nouvelles idées est sans limite ; pourquoi minimiser ce potentiel, au nom du seul credo selon lequel le capitalisme serait l’ultime système à notre disposition ?
Martin Luther King évoquait l’idée d’une « synthèse supérieure », qui retienne le meilleur des systèmes à travers l’Histoire, en comptant précisément sur cette ressource intarissable et produise quelque chose de neuf. Les idées ne manquent pas. Nous pourrions commencer par la manière dont nous concevons et mesurons le progrès. Comme le disait Bobby Kennedy, le PIB « mesure tout, sauf ce qui rend la vie digne d’être vécue ». Nous pouvons changer cela. Nous pourrions mettre en œuvre des méthodes d’agriculture régénératrice pour tendre vers une vie plus en accord avec la nature dont dépend notre survie. Nous pourrions également adopter des initiatives potentiellement révolutionnaires, telles que le versement d’un revenu universel de base sous forme de crypto-monnaie, ce qui améliorerait grandement notre système monétaire.
De telles actions, et bien d’autres, pourraient bien détrôner la logique bornée du capitalisme, et la remplacer par des principes plus équitables. Appliquées avec suffisamment de méthode, elles pourraient même renvoyer le capitalisme aux poubelles de l’Histoire.
Nos leaders politiques et économiques doivent cesser de s’accrocher au mythe de la croissance comme solution à tous nos problèmes, et rejoindre les débats que les mouvements sociaux, les forces de progrès et les jeunes gens comme Trevor Hill organisent afin de jeter les bases d’un monde post-capitaliste plus agréable, plus sûr et plus équitable.
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