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Certaines problématiques du transhumanisme apparaissent au profane comme des tempêtes dans un verre d’eau fondées sur un malentendu grossier, ou comme les conséquences en cascade d’un mauvais jeu de mots, ou encore comme des transpositions idiotes d’un domaine dans un autre n’ayant de sens apparemment que pour les spécialistes d’une sous-discipline très particulière en raison du folklore, des préjugés, qui lui sont propres.
Est-il justifié par exemple d’interpréter sans plus de précautions, la « chair » des êtres humains comme étant l’équivalent d’une « quincaillerie » (traduction en français du mot anglais « hardware »), et l’« esprit » comme étant un « logiciel » (traduction française du « software » anglophone) tournant sur cette quincaillerie, personne n’ayant jamais apporté la preuve qu’un logiciel dispose d’une conscience, propriété constituant, je le rappelle, un caractère essentiel et distinctif de l’« esprit » au sens que nous attribuons habituellement à ce mot ?
Ainsi pour cette vitesse de libération de la longévité, calquée par les transhumanistes sur la vitesse de libération de l’attraction terrestre, qui les autorise selon eux à considérer que lorsque l’augmentation de l’espérance de vie du fait des progrès de la médecine dépassera douze mois par an nous serons tous automatiquement immortels.
Il est dommage que des personnes ayant une formation solide en informatique, et dont on peut supposer du coup que les mathématiques appliquées leur sont familières, ne comprennent pas que si l’espérance de vie à la naissance passe d’une année à la suivante de 84 ans à 84 ans et trois mois, cela ne signifie pas pour autant, pour une multitude de raisons, que toutes les personnes ayant aujourd’hui 83 ans verront nécessairement leur vie augmentée de trois mois ou que, si elle l’est, la mauvaise qualité éventuelle de ces trois mois de fin de vie, rend le progrès en question d’importance marginale, voire même insignifiant.
Une extension de trois mois de l’espérance de vie à la naissance reflète les progrès faits en matière de prévention, de diagnostic, de pharmacologie, de chirurgie, de prothèses, couvrant l’ensemble des affections pouvant toucher un être humain tout au cours de sa vie. La personne ayant 83 ans ne mourra probablement pas d’une maladie infantile et ne bénéficiera pas des progrès qui auront pu être faits dans leur prévention ou leur traitement, ce seront seulement les progrès en matière de vieillissement en général et d’affections liées à l’âge, comme les cancers ou les maladies cardio-vasculaires, qui auront un impact sur la prolongation de leur vie. Les progrès faits en matière de traitement d’un cancer spécifique, susceptibles de prolonger de vingt ans la vie d’un jeune patient, n’allongeront pas de la même durée l’espérance de vie d’un patient de 85 ans. Certains traitements permettant de prolonger la vie ne tentent pas même de renverser une évolution mais seulement de la stopper, du coup, faire passer l’espérance de vie de 90 ans à 110 ans ne constitue pas nécessairement un pas fait vers l’immortalité.
Une interruption du processus global de vieillissement, et mieux encore, une véritable réjuvénation, nous permettrait de ne plus « mourir de vieillesse », mais tant qu’un tel progrès décisif n’aura pas eu lieu, aucun calcul d’apothicaire sur la vitesse de libération de la longévité n’assurera notre immortalité – en imaginant que nous puissions même vivre dans une bulle qui nous préservera éternellement des accidents qui équivaudraient pour nous à un sinistre total mettant fin à notre conscience de nous-même une fois pour toutes.
Comme aucune expérimentation aujourd’hui n’a encore pu prouver que la réjuvénation soit possible sur l’humain (malgré des observations encourageantes sur les souris), l’affirmation d’Aubrey de Grey, figure de proue du mouvement transhumaniste, selon qui « L’un d’entre vous vivra probablement mille ans ! », ne dispose encore de rien dans la réalité pour la soutenir.
Nous verrons que des confusions du même ordre entachent les propos des transhumanistes relatifs à la « singularité informatique ».
(à suivre… )
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