« Peut-on sortir d’un modèle économique fondé sur la croissance ? », le 3 août 2014. Merci à Marianne Oppitz !
John Maynard Keynes avait une solution, lui. C’était qu’on aille vers des situations où on n’est pas obligé d’emprunter les ressources qu’on utilise. C’est-à-dire que celui qui a besoin de ressources, il en soit le propriétaire. Pourquoi était-il arrivé à cette conclusion là ? Eh bien parce qu’il disait : il y a deux types de motifs dans nos sociétés. Il y a un motif pour les chefs de famille, pour les gens qui font partie d’un ménage : c’est de pouvoir manger, c’est de pouvoir avoir un abri, c’est de pouvoir se vêtir, c’est de pouvoir – dans de bonnes conditions – se retrouver là le lendemain matin. Ça, disait-il, ce genre de besoin de la population, eh bien, c’est faisable. C’est faisable en redistribuant la richesse telle qu’elle est ; maintenant on peut déjà le faire : on peut satisfaire les besoins de la planète.
Mais, disait-il, il y a un autre type de besoin – ce n’est pas vraiment un besoin, mais c’est un désir – c’est le désir de chacun de faire mieux que le voisin. Alors, là, c’est un besoin ou un désir difficile à satisfaire parce que si chacun veut être meilleur que son voisin, il y a une escalade et, être l’homme le plus riche du monde, ce n’est pas un principe qu’on peut ériger en règle universelle. Ce ne sera pas réalisable. Alors, disait-il, la chose qu’il faut faire, c’est enlever ce désir de faire mieux que le voisin. Et là, disait-il, pourquoi y a-t-il ce désir qui fait qu’on veut être meilleur que les autres ? En général, c’est un processus de revanche. C’est parce qu’on a été soi-même dans la position de celui qui enviait celui qui faisait mieux. Alors, on le sait, ce qu’on appelle les vieilles fortunes ce sont des gens qui n’ont pas de grosses bagnoles, qui n’essayent pas d’en mettre plein la vue, qui ne sont pas dans le tape-à-l’œil, etc. parce que ça fait trois générations qu’on a de l’argent et on n’a pas besoin d’en mettre plein la vue aux voisins. Alors, disait-il, il n’y a qu’une seule solution : il faut que tout le monde soit une vieille fortune, à ce moment là, le problème sera résolu. Il n’y aura plus cette escalade mais, qu’est-ce que ça demande ? Ça demande un processus de redistribution qu’on poursuit pour arriver à une situation relativement égalitaire.
Mais il suffit de voir, bon, par exemple, Piketty propose quelque chose de ce type-là. C’est-à-dire qu’on écrête les plus grosses fortunes, qu’on redistribue ce qui est, voilà, les sommes extravagantes. Mais, vous avez vu tout de suite : il publie son livre en France, il y a un chroniqueur connu qui dit : « marxisme de sous-préfecture ». C’est-à-dire, tout de suite, voilà, on lâche : « C’est tout à fait inacceptable, on ne pourra pas, nous de notre côté, lecteurs du « Figaro » – puisqu’il s’agit du « Figaro » et de Monsieur Nicolas Baverez – on ne pourra pas faire un pas en arrière là-dessus ! On n’est pas prêt à lâcher ça ! ».
La difficulté, c’est que la croissance – nous le savons – ça détruit la planète en ce moment. Nous sommes arrivés… nous sommes 7 milliards. Au niveau où nous sommes, continuer la croissance comme nous l’avons fait avant, ça conduit à des processus irréversibles de dégradation de l’environnement et on ne peut pas continuer à le faire. Les physiciens font des calculs : il y a des choses qu’on pourra encore faire pendant 30 ans, pendant encore 40 ans, etc. Mais, c’est quoi ? On parle d’une génération, on parle de deux générations, on ne va pas pouvoir continuer dans cette direction là !
@Khanard Ce qui m’intéresse actuellement, dans mon auto-psychanalyse, c’est de séparer mon « moi » causal, périphérique, de mon « moi » raisonnable, central…