Billet invité. Ouvert aux commentaires. Bruno Iksil est l’auteur ici de « Bruno Iksil, surnommé « La baleine de Londres », nous dit ce qui s’est vraiment passé ». Il nous offre ici un nouveau feuilleton sur le contexte de ces événements.
2010 : il faut « tuer » ce portefeuille synthétique de corrélation. Objectif manqué… « Laissons l’avion atterrir alors »….
On en reste là pour l’information auprès des marchés et des investisseurs. Mais dans les coulisses, l’ordre au CIO [Chief Investment Office de la banque JP Morgan Chase] est clair : il faut « tuer » ce portefeuille dès janvier 2010. Il vient d’enregistrer un gain d’environ $100 millions. Tant mieux ! « Dépensons ce gain pour ôter ce portefeuille des écrans radar des régulateurs au plus vite »…. Tels sont les propos tenus par Achilles Macris à l’époque. Le portefeuille doit être réduit à peau de chagrin. Début juin 2010, les 100 millions ont été dépensés et même un peu plus. Au total ce sont $130 millions de coûts d’exécution qui furent alloués patiemment à une réduction qui au total ne représentait que 20% du portefeuille. Non, contrairement aux suggestions publiques mais non vérifiées de Thomas Curry et du sénateur Merkley en 2012, Iksil ne venait pas à la banque chaque matin pour faire de l’argent. Et Iksil prévint en juin 2010 déjà : désormais toute réduction supplémentaire coûtera au moins 3 fois plus cher, à condition qu’elle soit simplement faisable et mineure à chaque fois. Iksil le trader est-il viré à l’époque pour aveu d’incompétence ? Non. Une décision est prise rapidement en haut lieu dont Achilles Macris restitue l’essence : « faisons atterrir cet avion sans trop de casse ».
En pratique, cela consistait à laisser expirer les positions actuelles tout en saisissant toute opportunité d’en déboucler même une infime partie avant l’heure mais à zéro coût. On arrête là les frais de débouclage dans les marchés. Si la VaR [Value at Risk] du portefeuille peut diminuer, c’est un plus. Mais désormais c’est Evan Kalimtgis qui définit les trades cibles à exécuter. Il veut pouvoir donner son aval avant car il faut conserver les effets de diversification que ce portefeuille apporte au CIO et à la firme. Evan Kalimtgis étudie de près les scénarios de stress depuis décembre 2009. Il est l’homme de Macris au contrôle des risques du CIO. C’est Kalimtgis avec Macris et Stephan qui définissent mois après mois la forme voulue pour les stratégies encore présentes dans le portefeuille. L’extinction programmée est pilotée position par position, mois par mois, sans Iksil. Kalimtgis dans son analyse s’appuie principalement sur la diversification constatée sur la VaR de la firme ainsi que sur la protection offerte par le portefeuille au CIO dans les pires scénarios de stress. Kalimtgis est un expert des produits « synthétiques de corrélation en crédit » depuis de nombreuses années. Il maîtrise complètement le sujet déjà en juin 2010.
Comme par coïncidence, alors que le CIO renonce à déboucler le portefeuille dans les marchés faute de liquidité, les régulateurs de tutelle entendent augmenter la fréquence de leurs rencontres avec la direction du CIO et celle de la banque au sujet de ce portefeuille « synthétique de corrélation crédit ». Bien sûr, personne ne songera jamais à inviter Iksil pour l’occasion. En septembre 2010 pourtant, Jamie Dimon évoque devant les investisseurs, les actionnaires, la SEC, ses projets « mise en liquidation » des portefeuilles de « dérivés de crédit de corrélation » dont certains partagent à « 50-50 » un bénéfice de diversification entre l’IB et le CIO. Serait-il passé lui aussi à côté de l’éléphant sans le voir, ou bien pense-t-il très précisément au portefeuille « synthétique de corrélation » du CIO ? Les régulateurs de leur côté auront-ils une fois encore raté l’éléphant alors qu’eux-mêmes n’ont désormais qu’une mission : faire la chasse au risque de « corrélation de crédit» présent dans les portefeuilles « synthétiques » où qu’ils soient ? D’un projet d’investigation approfondi, la Réserve Fédérale aboutit à 2 projets pour 2011 d’investigation « approfondie » et « transversale » centrés sur le CIO. De son côté l’OCC [Office of the Comptroller of the Curreny, le régulateur des banques US] prépare une missive pour décembre 2010 qui demande plus d’informations sur des sujets aussi élémentaires que le protocole de valorisation du CIO, entre autres. Enfin le régulateur britannique, par un effet du hasard remarquable, envoie lui aussi une missive en novembre 2010 dans laquelle il parle lui aussi de portefeuille de « corrélation » et de tout ce qui pourrait lui être relié. De façon incroyable, le « trader sur produits synthétique de corrélation crédit du CIO », nommément « Bruno Michel Iksil » dans leurs dossiers, ne compte pas parmi leurs sources d’information… Pas encore… Qui parmi eux souhaiterait vérifier si ces positions sont « encore liquides » ?
(à suivre …)
Laisser un commentaire