Un régulateur, Une banque, Une VaR et une seule (IX) JP Morgan fin 2009, par Bruno Iksil

Billet invité. Bruno Iksil est l’auteur ici de « Bruno Iksil, surnommé « La baleine de Londres », nous dit ce qui s’est vraiment passé ». Il nous offre ici un nouveau feuilleton sur le contexte de ces événements.

Fin 2009, JP Morgan modifie son rapport sur la VaR est montre le sigle ‘CIO’

En bas de page 74, la firme décrit le protocole d’analyse de mesure et de consommation de la VaR [Value at Risk] : « Afin d’évaluer la solidité de son modèle de VaR, la firme mène chaque jour des tests de vérification a posteriori de la VaR relativement aux revenus extraits de ces risques, qui sont conduits comme suit : changement en revenu de transaction principale (communément appelé mark-to-market) pour l’IB et le Corporate Risk Management (essentiellement le portefeuille « synthétique-corrélation » du CIO)…, et revenu issu des intérêts perçus pour IB-RFS- Corporate Risk Management… ». Un graphique montre comment la VaR fut utilisée en précisant les journées de pertes, les journées de profits et toutes sortes de statistiques associées. Le commentaire sur la VaR se poursuit. La conclusion de l’analyse de VaR pointe enfin ses objectifs clefs : le coût immédiat pour la banque si sa solvabilité était un tant soit peu remise en question, la procédure corollaire à celle de la VaR qui scrute les scénarios catastrophes et qui est pilotée en direct par la haute direction ; l’impact sur la profitabilité de la banque qui est lui sous le contrôle de la trésorerie de la banque au quotidien.

Les régulateurs veillent au grain : d’où vient cette diversification autour de « Corporate Risk Management » ? $154 millions de réduction de la VaR qui viennent d’un effet de « corrélation » pas très explicite et qui limitent la VaR totale de la firme à $288 millions… Cela fait un bon tiers de réduction tout de même. Au passage, les régulateurs ici doivent s’assurer de la « solidité » du suivi de la VaR au jour le jour qui ne peut se faire « solidement » que si très exactement les MÊMES prix de mark-to-market sont employés à l’IB et au CIO.

C’est le B-A-BA. Sinon, cette analyse n’est qu’une perte de temps sans aucune fiabilité. Par conséquent, toute différence de prix ayant existé potentiellement la veille entre le CIO et l’IB est repérée et ajustée lors de cette vérification faite a posteriori là pour la VaR. Comme il fut décrit dans les épisodes précédents, ce fut le département du contrôle de la VaR fin 2006 qui demanda au CIO de prendre des prix distincts de ceux de l’IB. Il n’y eut donc jamais le moindre danger que ces différences fussent inconnues. Pourquoi d’ailleurs devait-il y avoir un danger au départ alors que la banque finalisait son mark-to-market chaque jour ? Dans le feu de l’affaire Madoff, ce danger là de différences de prix inconnues était plus exclu que jamais. Une chose est sûre : les autorités regardent la question de très près. La banque doit changer la manière dont elle décrit le rôle joué par « Corporate Risk Management » entre le 3ème et le quatrième trimestre 2009 : désormais la banque dira « Chief Investment Office (‘CIO’) » VaR. Le sigle ‘CIO’ apparait désormais souvent aux côté de l’IB pour les calculs, analyses et projections issues de la VaR. Mais le portefeuille « synthétique » de « corrélation » reste toujours dans l’ombre. Pourquoi les régulateurs n’ont-ils pas demandé la pleine clarté ici ? Comment diable seraient-il passés à côté de l’éléphant, scrutant tout dans le magasin de porcelaine même, sans le voir ? C’est peut-être un secret qu’il faut bien garder, tout simplement…

(à suivre …)

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