Billet invité. Ouvert aux commentaires.
Les appels à la vertu écologique individuelle se multiplient, et pourtant, elle semble sans cesse s’éloigner un peu plus. La vertu écologique, c’est un peu le « bout du tunnel » que voyait Raymond Barre en 1980, un point blanc à l’horizon, et qui ne cesse de reculer depuis.
On connait ces injonctions à la vertu : « Il faut maintenant se mobiliser », « nous devons être conscients maintenant des dangers qui nous menacent », « si nous ne faisons rien, nous risquons tous d’être anéantis ». Elles sont culpabilisantes parfois : « il faut économiser l’eau en se brossant les dents » , ou « prendre son vélo pour aller au travail ». Voire accusatrices : « regarde lui, avec son gros 4×4 », ou « tu dis ça, mais regarde toi, tu prends ta voiture pour faire 500 m ». Certaines associations pratiquent même une sorte de terrorisme light, en dégonflant les pneus des 4×4, ou en se déclarant prêt à guerroyer pour empêcher la construction d’un aéroport ou d’un barrage.
Tout cela ne sert à rien. Rechercher la vertu humaine est un objectif d’une vanité absolue. On en a la preuve en matière de santé : alors que tout le monde connaît les vertus du sport, les bienfaits d’une alimentation équilibrée, et que personne n’ignore plus aujourd’hui les méfaits du tabac, on sait que beaucoup de gens fument encore des cigarettes, que très peu font du sport, et que de plus en plus de gens mangent trop, comme en témoigne le nombre d’obèses et de diabétiques, en constante augmentation en France, et dans nombre de pays développés.
Alors comment la recherche d’une vertu individuelle pourrait-elle donner de meilleurs résultats en matière d’environnement qu’en matière de santé ? On remarquera pourtant que les bénéfices à retirer de la vertu individuelle en matière de santé sont quasiment immédiats : quelques années d’effort tout au plus, suffisent à améliorer significativement sa santé, et même son espérance de vie pour un fumeur, alors qu’on nous dit qu’un siècle pourrait ne pas suffire, pour limiter à 3 degrés, l’augmentation de la température moyenne de l’atmosphère !
Si nous continuons à être si confiants en l’émergence d’une « vertu écologique globale », qui résulterait un jour de la somme de nos vertus individuelles, c’est sans doute que nous hésitons à remettre en question l’activité humaine globale, pour en analyser secteur par secteur, ce qui impacte l’environnement : une tâche immense, révolutionnant non seulement toute la structure des revenus, mais aussi toute la structure des pouvoirs et des influences dans la société. Cette perspective d’instabilité totale, justifie amplement nos hésitations, pour ne pas dire notre refus, à faire ce saut collectif dans l’inconnu.
Et il n’y a donc pas de tâche plus urgente que d’imaginer comment nous pourrions faire ce saut, avant qu’il nous soit imposé par une crise environnementale très grave.
S’attaquer frontalement à la structure des pouvoirs, c’est le projet de l’extrême gauche : l’appropriation de la richesse des nantis, et l’avènement de lois écologiques autoritaires. S’attaquer à l’influence serait certainement plus progressif, mais tout aussi révolutionnaire : en libérant l’information de la publicité, en interdisant la publicité, ou en lui imposant la contradiction, un rééquilibrage de l’influence en faveur des intérêts citoyens ne manquerait pas de s’opérer dans les esprits : c’est la seule voie possible, selon toute vraisemblance, capable de générer l’adhésion citoyenne à ce projet radical inéluctable, et ne pas se trouver confronté à un rejet à l’image de celui suscité par les éco-portiques.
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