Retranscription de Le temps qu’il fait le 30 juin 2017. Merci à Marianne Oppitz !
Bonjour, nous sommes le vendredi 30 juin 2017. Et pour commencer, vous devriez me voir beaucoup plus clairement et distinctement qu’auparavant parce que l’élagueur est passé ces jours derniers et il y a beaucoup de branches qui ont disparu. Ce qui est mieux parce qu’il y avait un arbre, là derrière, qui commençait à dépasser des hauteurs vertigineuses. Ce n’était pas de ma faute : moi je n’étais pas là, mais il fallait le ramener à des proportions telles qu’il ne s’écroulerait pas incessamment sous peu sur la maison ou sur celle des voisins. Alors, ça c’est fait.
Je ne sais pas si c’est comme ça pour les autres – je veux dire les gens qui deviennent vieux – moi, je me disais, a priori, comme ça instinctivement, que quand on deviendrait vieux on s’intéresserait de plus en plus au court terme puisqu’on s’intéresserait bien davantage aux choses dont on a la possibilité de voir comment elles vont finir par évoluer ou par s’achever et que pour le reste, on pourrait peut-être s’en désintéresser. Et je m’aperçois que c’est absolument le contraire : tout ce qui va se passer dans les cinq ans à venir me paraît d’une banalité, d’une trivialité énorme, alors que ce qui doit se passer dans les 50 ans, les 100 ans à venir, me paraît de plus en plus essentiel.
Il y a une dizaine d’années, j’ai écrit un livre qui s’appelait Vers la crise du capitalisme américain ? ou La crise du capitalisme américain sur des choses qui devaient se passer, selon moi, dans les deux ou trois années à venir, ce qui a été le cas. Et beaucoup plus récemment, j’ai écrit Le dernier qui s’en va éteint la lumière qui porte sur ce qui se passera sur deux, trois générations et, je ne sais pas, j’ai tendance à me projeter – ah si ! quand je dis « je ne sais pas », en réalité, j’ai l’impression que l’explication me vient tout de suite – … à me projeter loin vers l’avenir. Et l’explication qui me vient tout de suite, c’est peut-être celle-ci : [c’est certainement celle-ci ! mais elle peut être vraie ou elle est fausse (rires)] : c’est que, petit à petit, on se rend compte que – quand on vieillit – ce qui a autour de nous n’a pas beaucoup de signification et que si on veut qu’il y ait de la signification, ce qui est quand même, je dirais, « humain », il faut peut-être essayer de la donner soi-même (rires). Ça ne paraît pas très modeste ce que je dis là, mais je ne veux pas nécessairement dire « Changeons le monde ! » – encore que ce serait une bonne idée de le faire ! – mais peut-être, en faisant de l’ordre dans ce qui a un potentiel de faire sens et de ce qui n’en a pas. Voilà ! Comme je dis : c’est une idée qui me vient à l’instant et il faudrait que je la creuse ! [P.J. : je l’ai mise sur le papier les jours suivants : « Qui étions-nous ? » – Nos efforts méritoires pour trouver du sens dans le monde qui nous entoure.]
Autre truc, là, dans l’actualité : moi j’ai un peu de mal – c’est peut-être lié à ce que je viens de dire – j’ai un peu de mal à m’exciter beaucoup sur ce qui se passe en ce moment en France parce que j’ai l’impression, justement, qu’il ne s’est pas encore passé grand-chose par rapport au nouveau pouvoir. Et sur ce plan, je n’en parle pas beaucoup parce que, voilà, quand il y aura quelque chose et, s’il faut s’indigner, je m’indignerai certainement : c’est dans mes habitudes ! Mais pour le moment, j’ai l’impression qu’il y a beaucoup de gens autour de moi qui s’égosillent, qui se fâchent, qui hurlent à la limite, sur des choses qui n’ont pas encore eu lieu et dont on ne sait pas encore exactement quel tour elles pourraient prendre. Alors, ça, ça me paraît, comment dire ? épuiser ses forces inutilement et, éventuellement, ne plus en avoir assez (rires) quand les choses le justifieront.
Pour mon actualité, eh bien, la semaine dernière, quand je vous ai parlé d’aller à Chambéry et de participer à un événement « TEDx », je vous ai aussi tenu au courant, juste après, en vous disant que j’avais un peu d’appréhension par rapport aux thèmes assez disparates qui allaient être discutés par les huit personnes qui allaient faire leur présentation. Et là, voilà ! j’ai été très, très agréablement surpris. Et pourquoi ? Parce que, malgré le disparate apparent, l’organisateur : Jérémie Mazard, avait choisi des gens qu’il aime bien, dans des domaines extrêmement différents, et il les aime bien pour la même raison. C’était ça le fil conducteur ! c’est ça qui a fait que la mayonnaise a bien monté.
Je crois que les vidéos ne sont pas encore disponibles. Moi, je vous ai montré comme ça, en avant-première, la répétition générale que j’avais faite de mon côté. Et, en assistant à un événement comme ça – c’est la première fois que je le faisais – j’ai compris en quoi le format pouvait avoir un pouvoir attractif, un certain pouvoir de séduction. C’est qu’on vous demande… on vous demande de raconter un conte de fées et de le raconter à la manière d’un conte de fées, de manière assez théâtrale, mais comme un conteur. Voilà : comme un conteur, avec tout le monde dans le noir, autour du feu à la veillée, de raconter une histoire. Alors, ça peut être une histoire abominable – parce que ça peut vous être arrivé des choses abominables – comme celle de Fred Dewilde qui raconte l’histoire de … voilà, sa soirée et sa nuit au Bataclan.
Alors, il y a des contes de fées qui sont comme ça : des choses affreuses et je me souviens que, moi-même, enfant, les plus affreux étaient ceux qui me terrorisaient le plus mais qui me paraissaient les plus intéressants (rires). J’ai pu voir ça avec certains de mes enfants qui me redemandaient, non pas des contes de fées à l’eau de rose, mais au contraire, ceux où les parents mangeaient leurs enfants et des petites choses… des anecdotes de ce type là (rires) : « Ah oui ! Ah oui ! Oh oui ! encore celui-là ! » Et les parents se regardaient en se disant : « Au moment où on les a lus, on s’est dit que ce n’était peut-être pas des choses pour les enfants ! ». Mais non, les enfants aiment ça !
Alors, voilà, les TEDx, c’est raconter une histoire et bien la raconter. Moi, heureusement, mon conte de fées, vous l’avez vu, c’est un très beau conte de fées qui finit bien mais où il faut que beaucoup de fées interviennent (rires) pour que l’histoire soit vraiment intéressante et j’espère qu’il y aura beaucoup de bonnes fées qui se pencheront sur mon conte d’« un monde sans argent ». Ce serait une bonne chose. Alors, il y aura ma petite vidéo qui fonctionne, qui court déjà et qui est une tentative, comme celle-ci, de faire quelque chose pour voir si ça marche. Et puis, il y aura la vraie version, de type TEDx, théâtralisée. J’espère aussi qu’il y aura beaucoup de gens qui voudront, non seulement la regarder, mais qui voudront en faire quelque chose : qui en feront leur rêve personnel !
Alors, autre événement dans la semaine, vous avez dû le voir, c’est le fait que j’aie été abordé par Bruno Iksil, bien connu dans le milieu de la finance comme étant, ou ayant été, la personne qu’on a surnommée « the London whale », « la baleine de Londres », parce qu’il était à la tête d’un portefeuille pour la banque JP Morgan Chase qui a pris des proportions extraordinaires.
Il m’a proposé une histoire qui m’a semblé apporter les éléments d’explication et j’en ai fait un papier. Un papier que je fais mensuellement pour Le Monde en France et L’Écho en Belgique. Je viens de le proposer [quand je dis « je viens », c’était il y a une heure], je vais proposer une traduction en anglais au Wall Street Journal pour voir si ça les intéresse. Je l’ai adressée par le truchement d’une journaliste qui s’est déjà intéressée à l’affaire de Bruno Iksil et qui, en particulier, a raconté les développements les plus récents au cours des mois de mars, avril et mai, de cette affaire.
Alors, là aussi, comme c’est une histoire très très intéressante, vous verrez que dans le numéro de (P)ièces (J)ointes, notre petit magazine qui présente de mieux en mieux [comment on dit ? « de plus en plus bien » ? Non, ça ne va pas ça !] Qui présente bien, et qui présentera encore mieux bientôt (rires) et qui n’arrête pas de le faire : qui devient vraiment un petit magazine présentable. Je dirais une publication digne de ce nom ! On va mettre toute l’histoire ! Non seulement, on va mettre toute l’histoire mais on va ajouter les papiers que j’avais faits, à l’époque de l’affaire, en 2012-2013 et on ajoutera aussi, cerise sur le gâteau, le texte de ma communication de la semaine prochaine dans Le Monde et dans L’Écho.
C’est une histoire qui nous explique bien comment fonctionne le monde de la finance. Et j’espère que ça aura des conséquences, des retombées favorables pour Iksil, lui même, de la même manière que Maître Koubbi, l’avocat de Kerviel – bien que ce soient des affaires sans rapport, en fait, à part le fait qu’il y a un trader, mais ce n’est pas du tout de la même nature – que Maître Koubbi m’avait dit que les papiers que j’avais écrits sur l’affaire Kerviel au fur et à mesure qu’elle se déroulait – et vous vous souvenez peut-être que j’avais fait un papier dans les heures ou même dans les minutes peut-être qui avaient suivi l’annonce de l’affaire [P.J. : le 24 janvier 2008 à 21 h 35 ; le communiqué de la Société Générale a l’époque a lui disparu, vu son manque d’intérêt je suppose] – en expliquant, de manière assez technique, souvent, de quoi il s’agissait mais pour qu’on voie clairement de quoi il s’agit et pas que ce soit simplement des ragots ou des représentations à l’emporte pièce, de ce qui s’est passé en réalité. Et donc, Maître Koubbi m’a dit que ce que j’avais écrit avait eu une influence très favorable sur la suite des événements. Et d’ailleurs, le papier que j’avais fait, peut-être le plus décisif, où j’avais parlé de la raison d’État, et qui n’apparaît pas dans le volume de la publication récente de mes 10 ans de chroniques sur Le Monde [Se débarrasser du capitalisme est une question de survie] parce que c’était en-dehors de mes chroniques à proprement parler pour la finance. Mais, ça apparaît comme appendice dans le livre que Maître Koubbi a écrit sur l’affaire Kerviel. Voilà, parfois on vous dit que ce que vous faites a une certaine influence sur le déroulement, sur le cours des événements. Ce qui vous fait plaisir ! Quand c’est en bien, bien entendu ! Eh bien voilà ! Pour cette semaine, je crois que c’est de ça que j’avais envie de vous parler !
Alors, avec un peu de chance, à la semaine prochaine. Allez ! Au revoir !
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