Billet invité.
Réunis dimanche soir à Paris, les ministres de l’intérieur allemand et français ont répondu dans l’urgence à l’appel à l’aide de leur collègue italien. Ils ont proposé comme mesure phare d’imposer un « code de conduite » aux ONG qui assurent le sauvetage en mer des réfugiés avant de les débarquer dans un port italien. Présenté comme destiné à « améliorer la coordination avec les ONG opérant en Méditerranée centrale », ce code que l’on pressent autant que possible restrictif sera élaboré par les autorités italiennes. L’objectif poursuivi est de ralentir l’exode à défaut de pouvoir le tarir. Une réunion des ministres des 28 membres de l’Union européenne devra statuer jeudi prochain à Tallinn, en Estonie.
La veille, le ministre italien avait expliqué que « si les seuls ports vers lesquels les réfugiés sont acheminés sont les ports italiens, cela ne marche pas. C’est le cœur de la question », et des rumeurs circulaient selon lesquelles Marseille et Barcelone allaient être retenus comme ports de débarquement, afin de répartir le flot des réfugiés secourus en mer. Ce qui revenait à imposer aux réfugiés secourus deux ou trois jours de mer supplémentaires sur le pont de bateaux surchargés, et à ceux-ci de plus longues rotations diminuant leur présence sur les lieux de sauvetage. Mais le ministre français Gérard Collomb y a mis le holà, en application de la brillante théorie de l’appel d’air – ce résultat de la fine observation selon laquelle les réfugiés se dirigent là où ils espèrent trouver refuge et qu’il faut y couper court – a fait valoir qu’une telle mesure serait « improductive », ne voulant pas rajouter Marseille à Calais.
Les ministres vont donc chercher à « tarir les flux irréguliers en amont », et à « mieux gérer les flux à l’arrivée en Italie », masquant derrière ces objectifs généraux leur incapacité à définir un dispositif permettant d’opérer efficacement le tri entre les réfugiés de guerre et économiques. Car, selon Emmanuel Macron qui veille au grain, ces derniers représenteraient « plus de 80% du phénomène migratoire ». Afin de distinguer « ceux qui ont le droit à une protection humanitaire et ceux qui ne l’ont pas », le ministre italien n’avait pas hésité à proposer de déplacer dans les camps libyens la demande d’asile, mais sa proposition a été écartée en raison de son total irréalisme.
Les ministres n’ont pas eu d’autre ressource que de préconiser le renforcement des moyens destinés au retour des déboutés du droit d’asile, sans davantage de précisions, dans le cadre du paquet de mesures plus ou moins concrètes qui va être proposé à la réunion plénière des ministres de l’intérieur européens. Figurent le renforcement des moyens et de la formation des garde-côtes libyens et un soutien non chiffré au HCR et à l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), afin de « permettre que les infrastructures en Libye atteignent les standards internationaux en termes de conditions de vie et de droits de l’Homme », ce qui vaut reconnaissance de l’ignominie qu’ils représentent. Enfin, il ne pouvait être évité de mentionner, pour la forme, l’accélération du dispositif de délocalisation des réfugiés depuis l’Italie et la Grèce dont aucun gouvernement ne veut à part eux, et qui arrive de toute façon à son terme en septembre prochain.
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