Billet invité. Ouvert aux commentaires. P.J. : j’ouvrirai bien entendu volontiers les colonnes du blog à d’autres acteurs de cette affaire s’ils le souhaitent.
Le véritable gain est une création historique de $25 milliards de capital tangible pour la banque
Le site web mentionne un gain de $25 milliards ou plus sur l’opération véritable qui sous-tendait la très médiatisée « Baleine de Londres ». Où donc sont ces gains ? Une petite clarification s’impose ici. Car le gain se produisit dans une partie un peu obscure du bilan de la banque. Il s’agit de ce qu’on appelle le capital tangible.
Faisons le parallèle avec un salarié, un dirigeant ou un artisan. Ils ont une compétence professionnelle. Ils travaillent et reçoivent un salaire. Ils cherchent à épargner et éventuellement disposer de suffisamment de capital pour entreprendre et devenir plus riches qu’ils ne le sont. Ils cherchent aussi à se constituer un bas de laine, un coussin de sécurité pour leurs vieux jours ou pour parer à l’adversité. Dans tous ces cas, leur salaire ne fait qu’une modeste contribution mois après mois. Ils ont des frais et des taxes à payer. Et ils réfléchissent à la meilleure manière de faire fructifier leurs économies. Ils pourraient acheter une Ferrari, des bijoux de luxe, mener grand train et se donner une image qui leur ouvrirait peut-être les portes du grand monde. Mais tout ceci, sans être complètement fictif car ça marche parfois, c’est de l’intangible. Voilà un modèle de capital intangible : les relations, l’image, le glamour…. Le carnet d’adresse peut être parfois une vraie mine d’or. Mais à quoi cela tient-il ? Un jour tout peut disparaître. La Ferrari (ou la Porsche ou la Maserati au choix) devient un abject tas de ferraille qui coûte une fortune à entretenir. Les bijoux se font voler. Les autres biens de valeur se démodent ou s’usent trop vite.
L’employé, le dirigeant ou l’artisan peuvent à l’inverse investir dans du solide, du tangible, comme la pierre ou bien un commerce bien implanté. Là rien de glamour mais du sûr, du béton armé… Voilà le capital tangible. C’est pareil pour les banques. Ces dernières manquent structurellement de capital tangible. C’est leur business modèle qui veut cela : elles accordent des crédits à tour de bras, engagent des spéculations, développent des réseaux de confiance du matin au soir. Au final elles gèrent des risques construits sur des biens intangibles (confiance, spéculation, crédit à autrui) et bien sûr ne sont freinées que par leur capital tangible. C’est en effet leur dernier recours en cas de crise. Aussi la génération de capital tangible pour une banque est presqu’un miracle authentique, une exception à coup sûr. Et c’est ce que Jamie Dimon avait projeté de réaliser pourtant dès 2010. Il avait un plan qu’il exposa en Septembre 2010 dans les locaux de la banque Barclays apparemment si on en croit la référence sur Google.
La présentation fut adressée à la SEC à l’époque. Iksil témoigne que toute sa direction fut mobilisée pour l’occasion : c’était la priorité N° 1 pour Jamie. Comment y parvenir ? En collapsant les positions de tranches du CIO avec les positions qui étaient protégées depuis tant d’années par ce portefeuille. Les autorités ne pouvaient qu’approuver ce projet qui de plus réduisait le risque intrinsèque au bilan de JP Morgan depuis 1999 au moins. Mais le succès de l’opération dépendait crucialement du niveau dit de « skew » sur l’indice IG9. Le point optimal pour la génération de ce capital tangible correspondait à un skew IG9 à 0. C’est très exactement là où le marché va aller entre janvier et juin 2012. C’est précisément là que la banque en Juin 2012 va signaler à tous les hedge funds impliqués que tout est bouclé. Dimon va réussir à créer ainsi $25 milliards de capital tangible pour la banque en surplus de profits discutés au-dessus. C’est un fait unique dans les comptes de la banque sur la période 1999-2016. Ces $25 milliards représentent environ 15% de plus en capital tangible. Le phénomène est facile à repérer dans les comptes de la banque : il suffit de noter le capital des actionnaires et en soustraire ensuite les intangibles que la banque détaille par ailleurs. Cette opération aura d’autres retombées bénéfiques qui justifieront une forte sur-performance du cours de l’action relativement à sa valeur purement comptable. La banque a bel et bien enrichi ses actionnaires, assaini son bilan, et sécurisé ses déposants pile au moment où cette soi-disant calamité de la « baleine de Londres » envahissait la scène médiatique.
Voilà en substance ce qui distingue la thèse développée par Iksil sur son site web et celle qui est connue du grand public aujourd’hui.
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