Billet invité. Ouvert aux commentaires. P.J. : j’ouvrirai bien entendu volontiers les colonnes du blog à d’autres acteurs de cette affaire s’ils le souhaitent.
En guise de pertes il ressort que la banque retira un profit à travers le scandale au second trimestre 2012
Les chiffres officiels méritent un coup d’œil. JP Morgan produisait trimestre après trimestre des bénéfices situés aux alentour de $4 à $5 milliards depuis 2010. Au second trimestre 2012, JP Morgan admit dans la contrition qu’elle était en train de crouler sous une perte de trading imprévue et comptant en $milliards. Le monde entier va s’en émouvoir entre le 10 mai 2012 et le 12 juillet 2012 principalement parce que Jamie Dimon échouera visiblement à trouver les mots qui auraient pu rassurer tout le monde. Au bilan, cette banque, qui pouvait normalement compter sur des bénéfices de $5 milliards au mieux pour ce second trimestre, se trouvait accablée par une perte gigantesque, brutale, imprévue de $5 milliards sur ce trimestre là. Quelle poisse ! Chacun s’autorise à spéculer alors : « Si c’est le cas, il est bien possible que JP Morgan soit en pertes sur ce second trimestre ! ». Ce qui serait un événement particulièrement rare ! Les investisseurs prennent peur et beaucoup vendent leurs actions dans la panique. Jamie Dimon, tel un chevalier sans peur et sans reproche, annonce lui qu’il achète les actions de sa firme à titre personnel. Il ne cache rien ici. Le 12 juillet 2012 : nouveau coup de théâtre, la banque affiche les $5 milliards de profit comme annoncés avant la calamité médiatisée. Ça alors ! Dimon est un magicien ou un génie… Les investisseurs rachètent bien vite leurs actions mais à un prix plus élevé que celui auquel ils avaient vendu pour beaucoup d’entre eux.
Une perte pour JP Morgan ? Quelle perte pour JP Morgan ? Ah oui, c’est sûr, le CIO [Chief Investment Office] de JP Morgan a bel et bien perdu quelques $6.3 milliards dans l’affaire. Mais la banque quant à elle a produit des bénéfices comme attendu sur les deux premiers trimestres soi-disant calamiteux et a enchaîné dans la stupéfaction générale par deux autres trimestres de profits record cette fois. Au bilan, l’année 2012 fut un cru exceptionnel sur la seule base des profits publiés par la banque. Qu’à cela ne tienne, les médias titrent toujours en 2017 que la banque perdit $6 milliards avec la baleine de Londres cette année là. Quelle injustice pour JP Morgan n’est ce pas ? Car 2012 fut une année à marquer d’une pierre blanche dans les annales des profits réalisés par la banque. Quelle confusion dans les esprits en regard des réalités, que la banque ne cherchera jamais à dissiper. Cela doit être lié au fait que JP Morgan dut payer $1 milliard de pénalités pour la « baleine de Londres » et $13 milliards de pénalités supplémentaires pour d’autres affaires en 2013. Cela a du lui coûter très cher au bilan, non ?
Une étude sommaire des rapports officiels déposé à la SEC sous le label 10-Q et 10-K montre une réalité toute prosaïque. Le CIO a bien connu une perte de trading de $6,3 milliards en 2012. Cette perte venait à l’évidence de variations de prix de marché. Ces mêmes variations cependant, appliquées cette fois à toute la firme, montraient une perte de seulement $1,5 milliards en net. Mais quand on se rappelle simplement que la perte du CIO portait sur une énorme protection, destinée à couvrir des risques identifiés par les modèles mathématiques de JP Morgan, il faut s’intéresser à la valorisation ultime que ces modèles mathématiques d’analyse produisaient in fine sur la base de ces variations de prix. Et là on observe que la firme enregistrait en fait un gain de quelque $2 milliards sur les dérivés de crédit dans leur ensemble, toujours selon les modèles de la banque. C’est un gain de trading au final apparemment. Et pourtant la banque clamera qu’elle a subi une perte de trading de $6 milliards. Ces $6 milliards là viennent d’une allocation finale que seule la haute direction opta de surimposer aux chiffres produits par les modèles mathématiques de la firme. La haute direction ne s’appuyait pas du tout sur les prix de marché réels, ni sur des modèle rationnels et explicites. Il y a correspondance dans les chiffres mais pas dans la nature de la perte donc. Celle du CIO vient des prix de marché. L’autre vient d’une auto-détermination opérée par la haute direction seule et qui fit grand bruit en Juillet 2012.
En outre, un rapide examen des provisions comptables faites en prévision des futurs impôts sur les bénéfices indique que la firme surestima sa provision ici pour un montant de $1,3 milliards sur l’ensemble des deux premiers trimestres de 2012. Quelle histoire cocasse non ? JP Morgan se dit affligée d’une perte de trading imprévue et presqu’apocalyptique. Mais JP Morgan dans le même temps fit des provisions sur ses futurs impôts sur le bénéfice qui furent bien trop optimistes…
Si JP Morgan, et ce n’est là qu’une spéculation, avait simplement fait une projection un tant soit peu exacte, la banque aurait en fait battu ses prévisions de bénéfices au moment même où cette « calamité de la Baleine de Londres » se produisait. $1,3 milliards de plus sur période où $10 milliards de bénéfices furent publiés, c’est pas mal ! Un examen un peu plus poussé sur le gain enregistré sur une opération nommée « Maiden Lane » montrerait que la banque n’avait pas forcément à réviser ses profits du premier trimestre à la baisse malgré les découvertes sur les différences de prix. Ce gain associé à « Maiden Lane » fut enregistré pour le compte du premier trimestre 2012 mais il fut sciemment déclaré au titre du second trimestre 2012. Sans ce report vraiment bizarre, la révision était tout bonnement exclue. Ainsi donc le tableau plutôt pathétique de la grande banque américaine qui se trouve affligée d’une perte non moins honteuse n’est rien d’autre qu’un autre leurre dans cette histoire. Et c’est surement malencontreusement que la banque labélisa par erreur sa « provision » excessive pour les futurs impôts sur les bénéfices comme un « crédit d’impôt »….
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