Billet invité.
Le bon sens a prévalu ! s’est exclamé Vincenzo Boccia, le président de la Confindustria, l’organisation du patronat italien. Le groupe bancaire Intesa Sanpaolo a récupéré pour un euro symbolique les deux banques régionales Banca Popolare di Vicenza et Veneto Banca avant qu’elles ne s’effondrent, et l’État a décidé d’assumer toutes les pertes.
La portée du dernier épisode du sauvetage du système bancaire italien ne se limite pas au viol – dans son esprit, sinon dans sa lettre – de la réglementation de l’Union bancaire, sous les auspices conjointes de la Commission et des instances de supervision et de résolution bancaires européennes, excusez du peu ! Conséquence de leurs acrobaties, les contribuables dont il a été chanté sur tous les tons qu’ils étaient désormais protégés vont en être de 17 milliards d’euros de leur poche. Mais cela va plus loin. La dette italienne va continuer d’enfler, le gouvernement s’engageant sur un chemin opposé à celui menant à la réduction de son déficit. L’Italie engage l’Union monétaire dans son mauvais sillage.
Le plan adopté brille par sa simplicité selon le ministre des finances Pier Carlo Padoan. 4,785 milliards d’euros serviront à préserver les ratios de capital du groupe Intesa Sanpaolo, à couvrir les coûts de restructuration des banques dont il hérite et à provisionner les risques liés aux poursuites que la banque pourrait encourir. Les quelques 12 milliards d’euros supplémentaires représentent la couverture, sous forme de garanties destinées sans nul doute à être actionnées, des créances douteuses des deux établissements vénitiens accueillis dans une bad bank qui va être créée.
Tentant de préserver les apparences, la Commission a fait valoir que ce n’est pas un sauvetage en bonne et due forme qui a été opéré, mais une liquidation « conformément aux lois nationales d’insolvabilité », une fois constaté qu’il n’y avait pas de distorsion de la concurrence. Nuance ! Et l’aide de l’État sert dans ces conditions « à atténuer les effets d’une sortie du marché d’une banque », ce qui fait incontestablement toute la différence. Rétrospectivement, on peut d’ailleurs se demander comment les banques en question ont pu passer sans coup férir les stress tests et se retrouver si démunies, mais c’est une autre histoire…
Pourquoi le fonds de règlement inter-bancaire n’a-t-il pas été utilisé, dont c’est justement la fonction ? Gian Maria Gros-Pietro, le Pdg d’Intesa Sanpaolo, en a donné la raison : d’autres banques auraient risqué d’être mises en péril en raison de l’importance de leur contribution. Malgré leur taille, les deux banques régionales vénitiennes étaient porteuses d’un risque systémique au sein du système bancaire italien…
Fort de 700 banques et de 350 milliards de créances non recouvrables, celui-ci est rongé par la vermine des prêts non performants (NPL). Ce qui a conduit la Commissaire européenne à la concurrence Margrethe Vestager à présenter comme un succès la solution au sort réservé aux 18 milliards d’euros de NPL des deux banques, sans s’appesantir sur le fait que c’est aux frais de l’État, et en oubliant de préciser qu’il restait au sein du système bancaire quelques 322 milliards d’euros de NPL à éponger…
L’implication de l’État pose deux questions quant à l’avenir. De nouvelles interventions vont-ils pouvoir être évitées, les deux fleurons que sont Intesa Sanpaolo et UniCredit n’ayant pas l’intention de prendre des risques ? Comment va-t-il pouvoir poursuivre son aide et accroître son endettement tout en respectant ses obligations de réduction du déficit ? En d’autres termes, l’Italie est-elle solvable ? On sait déjà que huit à neuf milliards vont devoir recapitaliser Monte dei Paschi di Siena, qui est en instance de sauvetage, et cela ne va pas s’arrêter là, d’autant que la faiblesse de l’économie continue de charger la barque des banques.
Ce n’est pas seulement l’Union bancaire qui en a donc pris un coup. Craignant la logique destructrice engagée par sa politique, le gouvernement allemand a réagi en réclamant que les interventions sur fonds publics soient « réduites autant que possible ». Sera-t-il entendu, et comment, par des autorités italiennes qui semblent avoir capitulé dans la conquête de la solvabilité du pays ?
Le titre d’une dépêche de l’agence Bloomberg élargissait hier la prospective : « L’accord bancaire italien fragilise les projets européens de Macron. » Les propos d’Alexander Radwan, un député de la CSU y étaient entre autre rapportés : « des cas comme celui-ci rendent plus difficile à envisager l’approfondissement de l’union monétaire et économique » …
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