Billet invité. Ouvert aux commentaires. P.J. : j’ouvrirai bien entendu volontiers les colonnes du blog à d’autres acteurs de cette affaire s’ils le souhaitent.
Les leurres se sont empilés en 2012. La lumière n’est pas du tout faite sur cette fraude comptable
Que s’est il donc passé en 2012 de si nouveau ? Depuis mars 2011 le portefeuille était voué à l’annihilation ou l’extinction au choix. Les positions étaient devenues impossibles à déboucler dans les marchés depuis cette date. Elles ne pouvaient au mieux qu’expirer. En 2012 les marchés étaient devenus plus illiquides encore qu’en 2011. Autant dire que certaines variations de prix étaient franchement bizarres parfois. Les dealers ne tenaient pas leurs prix pour la grande majorité. Les cotations envoyées étaient virtuelles pour l’essentiel. Néanmoins Julien Grout avait environ 100 prix à trouver et ajuster de façon harmonieuse avant de pouvoir produire une première estimation de la journée comme attendu par la haute direction. Personne ne se faisait d’illusion sur le thème du manque de liquidité et de fiabilité des prix. Depuis 2007, ce marché des CDS était peu fiable.
Alors Grout, Iksil et le management savaient avec l’expérience que cette première valorisation avec les « crude mids », n’était qu’un premier jet, un truc grossier au départ. De là l’expression les « crude mids », quand bien même on ne parlait pas de ‘mark-to-market’ mais d’une valorisation plus intuitive propre au CIO faite à des fins très différentes d’un mark-to-market classique…
Cela fonctionnait encore à peu près bien jusqu’en 2011 pourtant. Julien Grout sortait son premier résultat approximatif d’ordinaire vers 13h00, peu après l’ouverture de New York. Mais en 2012, les marchés étaient si illiquides que même à 17h00 Julien en était encore aux « crude mids ». Alors il se tournait vers Iksil plus encore que par le passé pour raffiner son estimation à lui. Mais Iksil lui-même dépendait en premier lieu de la première estimation de Grout sur les « crude mids » pour commencer en premier lieu à exécuter efficacement les ordres convoyés par Artajo. Iksil attendait que Grout lui donne les premières indications car c’était son job. C’est pour cela que des documents montrent les deux Français en train de discuter des « crude mids » et des prix que Julien Grout estimait devoir mettre. Ne sachant pas trop ni l’un ni l’autre quoi faire, les dialogues sont nombreux en 2012.
Ils sont souvent d’accord car ils ont une feuille de route à respecter. Et parfois ils divergent. Et là, les autorités y ont vu un problème… Mais lequel ? Ce ne sont pas les différences de prix, ni les montants qu’elles impliquent malgré les suggestions de JP Morgan depuis juillet 2012. C’est donc la manière dont le CIO est parvenu à ces différences et leur impact final sur la firme en général qui pose un problème. A plusieurs reprises Iksil disait une chose et Grout ou Artajo en faisait une autre. Mais agissaient-ils dans le secret de leurs responsables comme l’a allégué Ina Drew sous serment en 2012 et 2013 (voir le rapport du Sénat américain sur la question) ? La commission d’enquête du Sénat américain exprima sans ambigüité sa perplexité à cet égard. L’appel du 17 avril 2012 et l’appel du 23 mars 2012 déjà mentionnés ne laissent aucune place pour une éventuelle ignorance d’Ina Drew sur la question des différences de prix et de leur origine.
Ina Drew avait pour chef direct Jamie Dimon et fut simplement mise à la retraite en mai 2012. Aucune autorité n’a manifesté l’intention de la poursuivre au moins dans la sphère publique. On n’a entendu que trop discrètement le fait que les réserves de liquidité de la banque JP Morgan étaient largement insuffisantes et ce bien avant 2012 sur les tranches. La fraude comptable suggérée par la banque ressemble bien à un autre leurre qui s’inscrit en surcouche de cette bonne grosse histoire de Baleine de Londres. Pourquoi aurait-elle fait tout cela ?
Laisser un commentaire