Billet invité. Ouvert aux commentaires. P.J. : j’ouvrirai bien entendu volontiers les colonnes du blog à d’autres acteurs de cette affaire s’ils le souhaitent.
L’organisation des rôles était claire et rationnelle pourtant, de Julien Grout à Jamie Dimon
Ainsi les ‘crude mids’ [prix approximativement à mi-chemin entre celui que demandent les vendeurs {ask} et celui que sont prêts à payer les acheteurs {bid}] au CIO [Chief Investment Office], que JP Morgan et certaines autorités ont voulu faire passer pour les fameux prix « mid » attendus pour le mark-to-market, ne sont pas liés en fait au ‘mark-to-market’. Les « crude mids » dont ils parlent au CIO avec Javier Martin-Artajo sont des prix particuliers que Julien Grout obtenait à un moment précoce dans la journée. Les « crude mids » au CIO étaient des prix qui venaient vers 13h00, donc de toute façon en-dehors de la plage horaire définie dans les standards comptables (autour de 17h00 en général). Ils avaient une raison d’être très rationnelle : il fallait suivre ce portefeuille toute la journée durant. Et le plus tôt dans la journée était le mieux, jour après jour. Les conventions routinières de l’industrie, des autorités, avaient ici peu de prise avec l’enjeu. Nonobstant le fait que ce portefeuille était énorme, complexe et se concentrait sur les tranches synthétiques (c’est-à-dire les produit dérivés les plus toxiques de mémoire d’homme), ce portefeuille en tant que tel n’avait aucune limite propre ! Incroyable mais vrai… Évidemment la banque JP Morgan qui avait subi le choc en 1994 avec le bond market crash, subit un choc encore en 1998 avec LTCM [Long Term Capital Management], prit encore une fois le choc en 2000 avec les Dot.com [Bulle Internet] et Enron en 2001 dans la foulée, évidemment… JP Morgan ne laisserait jamais 40% de sa VAR (que JP Morgan a popularisé soit dit en passant en 1993) concentrée dans un seul portefeuille de tranches sans aucune limite et à un trader seul, Français de surcroit. Voilà encore un mythe que la banque va laisser se répandre à foison dans les médias en 2012 pour une raison qui doit encore être explicitée en 2017.
Tout était limpide dès le départ pourtant. Iksil témoigne une fois encore que lors de son entretien d’embauche pour le CIO avec Ina Drew et Achilles Macris, les chefs lui expliquent début 2006 que ce portefeuille est celui de ‘Jamie’ [James Dimon, patron de JP Morgan Chase] : qu’ils suivront le grand chef dans cette entreprise. Ils sont clairs aussi sur le fait que leur ‘trader’ n’est pas encore recruté. Ils sont tout aussi clairs quand Javier Martin-Artajo arrive au CIO en février 2007 : c’est lui « LE trader » qui va leur proposer à eux au nom de Dimon les trades dans les moindres détails, qu’éventuellement ils approuveront ou ajusteront à leurs besoins.
Et Iksil dans tout cela ? Ils lui faisaient confiance pour être leurs yeux et leurs oreilles à tous dans les marchés. Ils voulaient éviter précisément que « LEUR trader » ne soit la cible de rumeurs ou d’un espionnage typiquement industriel. Iksil était bien là pour servir de paravent à cet égard.
Tout était clair et logique au fond. Compte tenu de la taille des trades à exécuter ils savaient qu’Iksil tout seul n’aurait de toute façon pas le temps matériel de faire une valorisation en continu et un tant soit peu fiable.
À la suite de son prédécesseur dans ce rôle, Julien Grout était là à partir de 2010 pour mettre des prix, en faisant de son mieux, toute la sainte journée afin de suivre presqu’en direct l’évolution de la performance de ce gigantesque risque sans limites jour après jour ‘pour Jamie’ et ‘pour le directoire’ disait-on. Cela accaparait Julien Grout à plein temps. Quant à Iksil, il exécutait les trades pour « Javier », « Achilles » ou « Ina » selon les cas. C’était ça l’organisation.
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