Billet invité. Ouvert aux commentaires. P.J. : j’ouvrirai bien entendu volontiers les colonnes du blog à d’autres acteurs de cette affaire s’ils le souhaitent.
Iksil n’est pas le « trader ». Les médias ont été désorientés. Qui était-ce dans ce cas ?
Iksil n’était ni le trader, ni un dirigeant et encore moins un gourou
Iksil n’était pas le trader sur ce portefeuille mais l’exécutant principal dans les marchés de la stratégie de la direction du CIO [P.J. : Chief Investment Office]. Il travaillait en tandem avec Julien Grout sous les ordres du trader officiel aux yeux de la direction du CIO incarnée par Achilles Macris à Londres et Ina Drew à New York.
Ina Drew quant à elle déléguait à Macris les opérations de trading suivant en cela les directives de son responsable direct, à savoir Jamie Dimon le PDG et président du directoire de JP Morgan depuis 2007.
Julien Grout avait la charge de mener à bien la valorisation du portefeuille selon les protocoles en vigueur au CIO tels que voulus par la direction des risques et la direction du CIO depuis 2007. Ces protocoles étaient très particuliers et exigeaient qu’une personne soit affectée à temps plein pour effectuer une valorisation en continu tout au long de la journée.
À partir de la fin 2009 Julien Grout a été recruté, payé, évalué, a reçu ses instructions de Javier Martin-Artajo. Rien n’avait changé en 2012. Grout n’était ni sous la supervision ni sous la « guidance » d’Iksil. Les rôles des deux Français étaient complémentaires répondant en cela aux yeux d’Artajo répondant en cela aux instructions successives de Drew et Macris.
Iksil témoigne en ce sens devant toutes les autorités depuis 2013 sans jamais être contredit lors des interrogatoires officiels que ce soit par la FCA [P.J. : Financial Conduct Authority], la SEC [P.J. : U.S. Securities and Exchange Commission], et les autres autorités impliquées. Des documents d’époque montrent souvent que Julien Grout suivait les ordres de Javier Martin-Artajo à l’encontre parfois de l’avis qu’Iksil fournissait sans ambigüité. Et ces divergences eurent lieu à des moments charnière.
Cela était en fait logique et normal quand on connait simplement la genèse de ce portefeuille stratégique de Dimon créé par Dimon pour Dimon pour répondre aux objectifs fixés au PDG courant 2006.
Iksil était un employé parmi d’autres au CIO à qui la direction du CIO demandait de fournir des idées au départ sur la requête initiale de la haute direction de la banque elle-même.
Iksil ne participait pas aux réunions décisives mais était tenu régulièrement informé de leur issue finale. Iksil devait par la suite exécuter les stratégies de trading telles que déterminées dans les moindres détails et vérifiées par le département du contrôle des risques avant implémentation. Iksil n’était pas le seul à soumettre des idées au départ. Les rôles étaient cependant bien arrêtés. Les protocoles étaient formels pour l’étape succédant à la collecte d’idées. En effet Iksil ne participait pas aux réunions où la haute direction finalisait les diverses propositions et définissait dans la foulée ses stratégies de trading en collaboration étroite avec les équipes de contrôle des risques (Evan Kalimtgis, Keith Stephan, Peter Weiland, Irv Goldman). C’est Javier Martin-Artajo qui en personne participait aux prises de décision comme le « trader » expert étant en contact direct avec les marchés. Pour la mise en œuvre concrète, le duo Iksil et Grout faisait équipe sous les ordres de Javier Martin-Artajo au quotidien.
En janvier 2012, soudainement, Javier Martin-Artajo décida de modifier l’organigramme pour placer Julien Grout et quelques autres sous le nom « Iksil ». Mais ce n’était qu’une démarche à vocation administrative pour Artajo par le biais de laquelle il voulait se décharger sur Iksil des problèmes de recharges d’imprimante, de changement des Blackberry, ou encore des jours de congés…
Comme Artajo le justifia à Iksil à l’époque, quantité d’emails portant sur des problèmes anodins se fondaient mécaniquement sur l’organigramme et atterrissaient dans sa boite de messagerie à lui, Artajo. Et ces emails, jusque là automatiquement routés vers Artajo, étaient le plus souvent liés aux congés, aux fournitures diverses. Ils constituaient surtout une immense perte de temps et d’énergie aux yeux d’Artajo. Artajo se plaignit du fait qu’il avait maintenant, en plus de Londres, à diriger des gens situés à New York et bientôt des gens situés en Asie. Il ne pouvait plus se charger de tout cela, alors il déléguait désormais. Il faisait avec Iksil ce qu’il faisait avec une autre personne basée à new York. Selon les explications qu’il donna à Iksil, Artajo ne voulait se concentrer que sur les emails qui étaient réellement importants. Artajo était clair par ailleurs sur les choses importantes en question. Rien ne changeait pour les risques, les stratégies, les valorisations, les rémunérations, ou encore les objectifs: tout restait là sous la commande de Javier Martin-Artajo.
Dans les faits, les documents datant de janvier, février, mars et avril 2012 le montrent de façons multiples. Rien n’a changé en pratique pour Julien Grout vis-à-vis d’Iksil sauf s’il doit prendre des congés, changer de Blackberry, ou avoir un nouveau toner pour l’imprimante. Evidemment, pour affiner sa sélection de prix, car c’était la son rôle aux yeux d’Artajo, Julien Grout avait besoin du sentiment qu’Iksil portait sur les marchés. Grout devait s’en assurer. C’était là une des tâches qu’Artajo avait dévolue à Grout depuis le départ. En 2012 comme en 2010 et 2011, Grout et Iksil avaient des échanges routiniers dans ce but. Mais fait inhabituel en 2012, Grout sollicitait Iksil plus souvent dans la journée. Les traces écrites aujourd’hui sont nombreuses. Les transcriptions d’appel et autres chat montrent qu’Iksil n’avait rien de l’image du grand gourou que la banque a laissé se diffuser via certains médias depuis avril 2012. Julien Grout décidait seul au final des prix et ne suivait pas l’avis d’Iksil sauf s’il le voulait bien. La pression venait toujours d’Artajo en ce qui concerne Grout.
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