Billet invité.
Empruntant au jargon du monde des affaires pour donner du corps à sa démonstration, l’éditorial du quotidien Le Monde daté du 7 juin compare la zone euro à une entreprise qui est qualifiée de valeur de retournement lorsqu’elle « va s’en sortir et retrouver une prospérité que la Bourse et les investisseurs croyaient et croient encore improbable ». L’analogie a pour origine un vice-président de BlackRock, l’un des principaux fonds d’investissement mondiaux, dont on connait l’appétence pour la prospérité non partagée.
On reste confondu devant la perspective d’une « décennie dorée » (sic) que reprend à son compte l’éditorialiste ébloui par un tel spectacle. Chacun de ses mots est pesé afin de mettre en valeur que « l’union monétaire se redresse » et que les mauvais moments sont passés. À preuve, pour qui se risquerait à en douter, « les indicateurs de confiance sont tous au beau fixe dans toute la zone » ! Et le taux de chômage baisse, cet indice avec lequel toutefois Mario Draghi prenait dernièrement ses distances pour justifier la poursuite de sa politique monétaire.
Prenant le vent, notre analyste prétend à ce propos que la zone euro pourrait se passer des « produits dopants » de la BCE, en raison de la « bonne tenue » d’une croissance que l’OCDE considère pour sa part insuffisante pour combattre les inégalités persistantes. La « vague populiste » est selon lui endiguée, et « l’euroscepticisme obsessionnel » propagé par les Cassandre anglo-saxons, dont on sera bientôt débarrassés, n’est plus de mise. Tirant la conclusion que la France « a une opportunité pour combler l’écart de compétitivité avec l’Allemagne » qu’elle ne doit pas rater. Car elle « continue d’avoir des déficits excessifs et l’effort d’assainissement n’a pas été suffisant ».
Accréditant l’éditorial, il est titré sur quatre colonnes à la une de la section Eco&Entreprise de la même édition du journal, que « l’embellie économique se confirme dans la zone euro ». Une affirmation que le titre de l’article auquel il est renvoyé en page intérieure tempère par un point d’interrogation qui au passage a disparu. Quelle est la bonne version ?
Pas un mot n’est écrit sur le désastre prévisible de la relance de Donald Trump, ainsi que sur le danger d’un autre retournement : celui des valeurs boursières cotées aux États-Unis. Cela explique pourtant que les capitaux affluent en Europe en faisant la part des choses. Des merveilles étaient hier annoncées outre-Atlantique, dont il a fallu rabattre, comme cela a été le cas avant-hier des pays émergents. La capacité des commentateurs à prédire, ici ou là, une croissance garantissant que tout va rentrer dans l’ordre est impressionnante. Les éditorialistes sont de grands sensibles.
Apparement l’IA (bien éduquée) cherche à fournir un argumentaire dans le cadre du prompt qui lui a été soumis et…