LES RISQUE-TOUT N’EN ONT PAS ENCORE ASSEZ, par François Leclerc

Billet invité.

La finance est un métier à risque que les financiers prétendent maitriser. En le calculant et en se couvrant, et en le rémunérant car en attendant ils ne perdent pas le nord. Certains mauvais esprits prétendent que tout cela est pure vantardise ou effet de l’aveuglement, ce qui d’ailleurs rend nécessaire une régulation principalement axée sur l’endiguement des crises amenées à survenir à nouveau, faute de se résoudre à agir de manière préventive.

Des risques, il y en a à la pelle. Citons sans prétendre à l’exhaustivité le risque de contrepartie, celui de marché, de taux, de change, de liquidité, ainsi que le risque opérationnel ou bien encore le risque pays. On croyait en avoir trouvé un petit dernier qui n’est pas rien, le risque systémique, mais encore un autre est en train de retenir toute l’attention des analystes, le risque politique.

Aujourd’hui ceux-ci ne dénombrent plus les effets d’une crise politique déstabilisatrice qui se généralise, dont les manifestations s’enchaînent, cet inévitable contrecoup de la crise financière dont ils croyaient voir la sortie. Nouveauté pas réjouissante, ils enregistrent que les pays développés ne forment plus une zone de stabilité et rattrapent au palmarès du risque les pays émergents. Mais, déplorent-ils, le risque n’est pas suffisamment pris en compte par le marché, qui reste confiant dans l’intervention des banques centrales et dispose grâce à celles-ci d’importantes réserves de liquidités.

À force de se répandre, le risque politique est partout latent et la complaisance à son égard dont fait preuve le marché, qui par la force de l’habitude le sous-estime, pourrait finir par coûter cher… Appréhendant ce nouveau risque, les analystes vont-ils finir par acquérir un peu de plomb dans la cervelle ? Saisir que si le marché obligataire rend compte à sa manière biaisée du risque pays, il peut passer à côté du risque politique ?

Une forte contradiction existe entre le rejet des équipes au pouvoir qui se manifeste, et la capacité très réduite dont le système financier témoigne lorsqu’il s’agit de se réformer. Les réformes structurelles des néo-libéraux ne sont pas pour lui, ce qui alimente une profonde et sourde révolte aux aspects multiformes et parfois déconcertants, voire inquiétants. C’est le cas en France avec le score électoral de l’extrême-droite, devenue à ce point banalisée que sa venue au pouvoir ne suscite pas, comme en 2002, un même haut-le-cœur.

Mais comment mesurer le risque politique dans un monde où les aventures inédites se multiplient ? Sur quoi la présidence Trump peut-elle déboucher ? Quel est l’avenir de la construction européenne ? Les effets de la mondialisation néo-libérale associée à ceux de la financiarisation ainsi qu’à la mise en cause des acquis sociaux produisent un cocktail explosif que les inconscients qui y sont dépendants, incapables d’abandonner leur logique prédatrice, ne veulent pas abandonner.

Comment se couvrir de la crise politique ? Il n’est pas possible de s’assurer de ses effets en acquérant des produits financiers sophistiqués dont c’était la fonction première avant de devenir des dangereux instruments de spéculation. Face à celle-ci, il n’y a pas toujours d’équipe de remplacement sous la main, les partis de gouvernement sont mis dans le même sac et les alternatives disponibles porteuses de beaucoup d’incertitudes. Dans ces conditions, de quoi le processus de cette crise qui ne fait que s’engager sera-t-il porteur ? Du temps va être nécessaire pour qu’en son sein se décantent les nouvelles idées-forces qui ouvriraient la voie à une nouvelle société. La disruption qui s’annonce ne sera pas seulement technologique, elle sera aussi sociale si elle parvient à émerger.

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