Billet invité. Ouvert aux commentaires.
Comme le fait remarquer ce matin un journaliste de Mediapart, Philippe Poutou représenta au débat d’hier soir l’irruption du réel au milieu d’un parterre de politiciens professionnels. Et c’est vrai que ses interventions toutes de franchise, appelant un voyou par son nom et stigmatisant les ravages du néolibéralisme, faisaient plaisir à entendre. Surtout après les scènes d’humiliation dont il fut victime sur d’autres chaines !
Comment le dire plus simplement ? Voilà une personne pour qui la misère humaine provoquée par les dominants n’est pas un concept abstrait, mais une réalité vécue au quotidien. Il fut hier dans le rôle de l’enfant disant que le Roi est nu, et rien que pour cela, pour ce simple fait – mais si extraordinaire de nos jours -, de dire la vérité, il mérite toute notre reconnaissance. Assurément un homme debout à qui l’on serrerait volontiers la main !
Si nous vivions dans un monde parfaitement démocratique où les puissances de l’argent n’imposaient pas leur doxa, alors oui, nul doute que des candidats tel que celui-ci recueilleraient une majorité de suffrages pendant que d’autres, trustant aujourd’hui les plateaux de télévision, seraient renvoyés aux oubliettes (pour rester poli) de l’Histoire.
Mais nous ne vivons pas dans un monde parfait.
Sans le vexer, il convient de rappeler que M. Poutou a autant de chance d’être élu Président de la République que d’être le premier homme sur Mars. Dès lors, voter pour lui ne servira qu’à fractionner encore un peu plus les voix de gauche et à ouvrir ainsi le chemin de l’Élysée au fascisme à col bleu ou à col blanc.
Sous ces conditions, il convient de rappeler l’inutilité du ‘vote utile’. Voter Macron pour éviter MLP ne saurait être en aucune manière le moyen d’éviter le pire, mais simplement une manière d’opter pour une forme différente du pire. Opter pour la noyade plutôt que pour la corde… Car rappelons s’il en était encore besoin, combien le processus de dé-démocratisation s’est vigoureusement accéléré depuis 10 ans. En 2007, Nicolas Sarkozy, au mépris de toute décence démocratique, faisait ratifier le traité de Lisbonne malgré son franc rejet par 54,67% des votants, sur le thème désormais bien connu du « les sans-dents aboient, la religion féroce passe ». Nombreux furent ceux qui se dirent en 2012, qu’il ne serait pas possible de faire pire. Combien ils se trompaient ! L’adversaire de la finance qu’ils élurent alors, poursuivit obstinément la politique de casse sociale de son prédécesseur. Et peu importe qu’il perdit quasiment toutes les élections intermédiaires, seul compta son obéissance aveugle au dogme néolibéral.
Et, miracle sans nom, dans ce paysage politique dévasté par les inégalités, les injustices et la corruption, nous vint soudainement un sauveur ! Un parfait inconnu, qui preuve de sa nature divine, passa en l’espace de quelques dizaines de mois du néant au statut de favori aux élections présidentielles. Las, la vérité est bien sûr plus prosaïque. Notre homme ne fut porté sur les fonts baptismaux électoraux que par la volonté de François Hollande, celle du patronat (son mouvement fut initialement créé à l’adresse du directeur de l’Institut Montaigne), ainsi que par un battage médiatique à faire passer les tirs d’artilleries de la 1ère GM pour un léger crachin !
Alors Macron Président ? Si ça n’est pas certain, c’est du moins fort possible. Ce qui est certain par contre c’est que dans ce cas de figure, sachant sa majorité construite de bric et de broc fort fragile, notre homme aura tout intérêt à mettre très rapidement en place ses mesures phares. Et comme tout bon néolibéral, il pense que si les mesures économiques prises ces dernières années se sont révélées désastreuses, c’est qu’elles n’ont pas été assez loin dans l’extrémisme !
Il y a donc fort à parier qu’il utilisera les pouvoirs quasi-monarchiques que lui confèrent la Vème République pour ubériser notre modèle social… à marche forcée !
« Je ne prétends pas être un président normal » a-t-il déclaré récemment. Nous voilà prévenus !
Non, décidément non, élire M. Macron ne servira qu’à nous enfoncer dans une société néo-féodale qui rendra in fine la prise du pouvoir par l’extrême-droite inévitable. Sauf qu’il y a fort à parier qu’après cinq années d’un régime inique, la dite extrême-droite sera encore plus extrême ! À supposer bien sûr que notre tissu social soit capable de résister à cinq ans de néolibéralisme en roue libre, sans que tout cela ne s’effondre en état policier, moyen classique de maintenir un semblant de paix civile quand les inégalités dépassent le seuil du tolérable.
Quant à ceux qui espèrent un retour du PS en 2022, disons simplement que leur foi est impressionnante.
Alors oui bien sûr, sans même rêver pouvoir voter pour un chevalier blanc, un(e) candidat(e) en tout point parfait(e) et irréprochable, j’aimerais beaucoup pouvoir retourner à ce passé en grande partie fantasmé : celui où le niveau politique était encore relativement indépendant des sphères financière et économique, celui où selon la formule de Warren Buffett, les riches n’avaient pas encore gagné la guerre des classes.
Maintenant comme Philippe Poutou hier sur le plateau de BFM.TV, la réalité s’impose, le vieux monde ne reviendra pas et le travail disparait pendant que les inégalités explosent.
Que faire alors ?
– Se faire plaisir en votant pour un ‘petit’ candidat n’ayant aucune chance ?
– Se réfugier dans l’abstention en observant l’effondrement de la Cinquième république et de sa démocratie représentative des riches ?
– Abréger l’agonie par un vote anti-démocratique ?
– Se lancer dans une Constituante pour supprimer (ou du moins réduire fortement) la courroie de transmission de la corruption systémique, en dé-professionnalisant la vie politique et en instaurant la possibilité de révoquer des élus malhonnêtes en cours de mandat ?
Trois choix négatifs, 1 seul positif. Vous aurez deviné où va ma préférence.
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