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Un document important m’ayant été subtilisé, il fallait que je fasse coopérer les autorités de deux nations. Cela se passait en juillet dernier, il y a huit mois.
Très rapidement, les représentants de l’une d’elle m’expliquèrent que les représentants de l’autre ne comprenaient pas ce qu’il fallait faire, et les représentants de l’autre, que les représentants de l’une ne faisaient pas ce qu’il fallait comprendre.
Je tentai alors de les mettre en contact : je disais à l’un ce qui me semblait devoir être la démarche de l’autre, mettant l’autre en copie. Las ! chacun me répondait de son côté, soulignant à chaque fois à quel point la mauvaise volonté de l’autre faisait obstacle à la solution de notre affaire.
Il y a quelques semaines, je fus pris d’une intuition soudaine. J’écrivis à l’un et à l’autre un message où je disais ceci :
« J’ai le sentiment que nous avons malheureusement abouti à une impasse dans mon affaire […]
Je suis chroniqueur [dans différentes publications dans vos deux nations], et j’ai pu constater dans le passé que quand je découvrais une impasse comme celle dans laquelle nous sommes aujourd’hui bloqués, une chronique de ma part dans la presse, signalant à l’opinion publique les contradictions et les pesanteurs de notre époque, les problèmes s’arrangeaient rapidement, une autorité supérieure ayant alors à coeur de résoudre le problème que je signalais. Je ne voudrais cependant pas prendre une telle initiative sans vous consulter tous deux : dois-je attirer l’attention de l’opinion publique internationale […] ou faut-il encore persévérer ?
J’attends votre avis avant de rédiger ma chronique […].
Merci d’avance. »
Serez-vous surpris si je vous dis que l’affaire fut aussitôt résolue ?
Si les uns avaient accepté de s’adresser aux autres, les choses se seraient vite arrangées, mais ils ne le voulaient pas : chacun ignorait superbement l’autre pour se plaindre amèrement de lui auprès de moi. Une chose était sûre en tout cas : chacun voulait que j’aie de lui une opinion excellente, d’où le compte-rendu détaillé qui m’était offert de ses propres efforts.
Je vais émettre ici une hypothèse, je me trompe peut-être, auquel cas vous me le direz.
Je suppose qu’il existe un principe qui est de répondre à la demande de l’usager. Un second principe, qui semble pourtant évident, serait de résoudre les problèmes, mais lui n’existe pas. S’il avait existé, aucun de mes interlocuteurs n’aurait ignoré aussi farouchement l’existence de l’autre.
Ce qui ne veut pas dire bien sûr qu’aucun problème n’est jamais résolu par une administration, mais si mon hypothèse est correcte, il l’est uniquement s’il s’agit d’une conséquence du premier principe consistant à répondre à la demande de l’usager. Or chacun se présentait à moi comme de la meilleure volonté, à ceci près malheureusement que l’autre était un imbécile.
Un second principe doit cependant venir compléter le premier, expliquant pourquoi ma tactique finale débloqua une situation sinon passablement enlisée : ne pas faire de vagues ! Il me suffit alors d’évoquer la simple éventualité qu’il y ait des vagues pour que l’affaire fût soudain résolue.
En conclusion donc, deux grands principes administratifs :
1° répondre à la demande de l’usager,
2° si répondre à sa demande sans répondre à son attente crée des vagues, alors répondre enfin à son attente.
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