Billet invité. Ouvert aux commentaires.
Sur la question de l’Europe, Mélenchon a le tort et la raison de s’arrêter à une posture politique. Raison parce que l’Europe est objectivement un machin technocratico-financier destiné à tuer la politique pour réserver tout le pouvoir aux oligarchies du capital. Tort parce que l’Europe est un fait de nos réalités politiques qu’il faut nécessairement organiser pour que la démocratie existe même cantonnée à la France. A supposer que sortir de l’euro et des traités européistes soit inévitable, il est concrètement impossible de ne pas avoir d’institutions politiques communes avec les autres Européens pour faire vivre l’État de droit social et la démocratie en France. Quels que soient les choix politiques des Français, ils auront toujours des échanges avec les Allemands qui nécessiteront un droit commun et des normes partagées d’évaluation des dettes et créances réciproques.
La proposition de Hamon de créer un parlement de l’euro est beaucoup plus réaliste même si elle paraît plus difficile à interpréter idéologiquement. Même si l’institution parlementaire est facilement récupérable par des oligarchies et des intérêts privés à l’échelle européenne internationale, elle est le seul moyen d’instaurer un contrôle des citoyens français et européens sur leurs échanges et leurs finances communes avec l’Europe. Le programme économique et social de la France Insoumise comme celui de Benoît Hamon sont concrètement inapplicables sans des institutions de concertation politique, juridique, financière et fiscale avec les autres États européens. Même s’il n’en parle pas pour cause de complexité technique inappropriée aux débats électoraux, le programme de Mélenchon implique forcément un cadre et une politique de régulation fiscalisable de la circulation du capital en monnaie.
La régulation de l’économie et de la finance par les États et les organisations d’États comme ce que l’Union Européenne devrait être, est en fait le vrai sujet d’une assemblée constituante de la 6ème république. Le vrai problème de la 5ème république que Mélenchon pose concrètement avec clarté est l’incompatibilité de la démocratie sociale française avec les institutions européennes dans lesquelles les gouvernements français ont engagés la France depuis 30 ans par la voie d’une supériorité pratique des traités sur la constitution. Depuis Mitterrand, tous les gouvernements français de gauche et de droite ont violé l’article premier de la constitution française (égalité devant la loi) pour intégrer la France dans la globalisation libérale ploutocratique.
Sans un contrôle direct permanent de toutes les institutions européennes par les citoyens et par les États nationaux en tant que représentations des peuples distincts composant l’Europe, le projet d’Europe politique est et sera une machine de guerre contre l’unité européenne, contre la démocratie et contre les peuples. Fillon et Macron ne proposent aucune réforme des institutions européennes parce qu’ils sont au service des intérêts oligarchiques qui les financent. « Le Président de la République veille au respect de la Constitution. Il assure, par son arbitrage, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics ainsi que la continuité de l’État. Il est le garant de l’indépendance nationale, de l’intégrité du territoire et du respect des traités (article 5) ». Ce seul article de la constitution de la 5ème République rend inévitable l’engagement d’une refonte du texte constitutionnel français par le prochain président.
10 ans après l’effondrement apocalyptique du capitalisme financier libéral global, les candidats à la présidentielle française qui ne proposent pas la reconstruction des États au-dessus de la finance et des monnaies, sont malhonnêtes ou incompétents. La reconstitution de la démocratie en France et en Europe est le vrai sujet de l’élection présidentielle. Le pouvoir d’émettre de la monnaie, de comptabiliser le crédit et de régler la libération des dettes et des obligations entre les personnes est un élément du pouvoir public de justice. Comme l’économie des échanges est maintenant mondialisée au-dessus des États-nations, il est impossible de restaurer l’État de droit et de justice sans des États internationaux subsidiaires aux États nationaux. La constitution de la République Française doit donc être réécrite dans une constitution européenne de la démocratie où les peuples soient monétairement et fiscalement solidaires de l’application de leurs droits civiques et sociaux dans leurs souverainetés respectives.
Laisser un commentaire