Billet invité. Ouvert aux commentaires.
Le candidat Emmanuel Macron obtient à l’heure actuelle 25 % des intentions de vote à 34 jours du premier tour de l’élection présidentielle [1]. Une présidentielle qui, il faut bien le dire, est polluée, contaminée par les magouilles, de même que l’attitude arrogante de ceux qui ne cessent de se présenter comme « irréprochables » et « proches du peuple ».
Au centre de ce tourbillon médiatico-judiciaire qui touche principalement la droite et l’extrême-droite, lequel fragilise par la même occasion davantage la relation de confiance entre le peuple et les élus dans son ensemble, le cas Macron est intéressant. « Ni de droite, ni de gauche », répète le candidat charismatique, fondateur de son propre mouvement, « En marche ! ». Sous la bannière du rassemblement et du progrès, pourquoi douter de cet homme proche du gendre idéal ou du patron sympa ?
Récemment, une vidéo aux allures d’un sketch humoristique vient de paraître [2]. Elle met en scène le candidat face à de jeunes élèves de 8 à 12 ans, dont l’un d’entre eux lui demande d’expliquer la différence entre la droite et la gauche françaises (en moins de minutes !). Top chrono : le candidat place au tableau la valeur de liberté à droite et la valeur d’égalité à gauche ; il souhaite unir ces deux valeurs. Très bien tout ça ! Mais, mais, mais… ce qu’il oublie de dire, c’est le sens que revêt aujourd’hui le mot « liberté » dans la pensée de droite – ainsi que dans une partie de la gauche –, à savoir libérer le monde du travail et l’esprit d’entreprise. Nulle interprétation ici, c’est écrit noir sur blanc dans son programme [3].
Un programme ? Macron a un programme ? Oui, enfin ! Il était temps. L’absence de programme fut d’ailleurs une critique souvent faite au jeune prétendant à l’Élysée. Pour sa défense, ce dernier a répondu qu’il valait mieux avoir un « projet » qu’un programme : « C’est une erreur de penser que le programme est le cœur d’une campagne électorale. La politique, c’est mystique. La politique, c’est un style. C’est une magie [4]. » « Mystique », « style », « magie » ? En voilà des mots sibyllins pour caractériser la Politique. S’exprimer de la sorte dans l’espoir de convaincre ou encore de se justifier, c’est incarner le sophisme. Dit autrement, la personne tient un discours dans le but de persuader, de se justifier, de distraire, de charmer et… pour galvaniser un auditoire.
Chose troublante, l’analogie avec le film Le loup de Wall Street (2013) a déjà été faite par des internautes pour comparer Emmanuel Macron – ex-banquier chez Rothschild, rappelons-le – à Jordan Belfort, courtier américain ambitieux et opportuniste, interprété par Leonardo DiCaprio, à cause de son emportement à la fin de son discours à la Porte de Versailles, le 10 décembre 2016 [5]. J’aimerai proposer une autre comparaison, qui, personnellement, m’a fait penser immédiatement au personnage Emmanuel Macron :
Le patron est comme un homme normal, mais en mieux. Il voit plus loin, parle plus fort, il porte le rêve.
– Le patron : « Notre mission : libérer le consommateur. Dans notre jargon, nous l’appelons « la cible « . » […]
C’est lui qui présente le projet au capitaliste pour que celui-ci fasse les avances nécessaires. Le capitaliste l’écoute d’une oreille distraite en se demandant à part lui si ça lui rapportera plus ou moins que trois cent mille tonnes de bananes. […]
Une fois les avances faites le patron engage une équipe de salariés, les matériaux, les outils, etc. Puis il réunit tout le monde et fait un discours à la terminologie subtilement élaborée selon les canon du noble art du Management [6].
C’est, certains l’auront peut-être reconnu, le patron dans la bande dessinée La Survie de l’espèce, de Paul Jorion et Grégory Maklès ! J’en suis tombé des nues.
Les solutions que propose Emmanuel Macron devant les difficultés, les inégalités et les futurs défis à l’échelle nationale – et internationale – sont des solutions de type managériales : encadrer, motiver et responsabiliser les individus. Même si son programme se complète de quelques mesures sociales telles que la lutte contre les inégalités hommes et femmes dans le monde du travail, ne pas toucher à l’âge de départ en retraite ni aux pensions, intensifier la lutter contre la fraude fiscale, etc., tout cela reste dans un cadre libéral et conservateur. Aux problèmes issus du libéralisme, dont nous percevons tous les jours les conséquences désastreuses aussi bien sur le plan économique que humain (l’ubérisation), on répond par plus de libéralisme et des promesses sécuritaires (là encore, c’est indiqué dans son programme). Mais cette fois-ci avec un sourire commercial.
Pour terminer, cette semaine, un proche m’a confié qu’en cas d’un second tour opposant Marine Le Pen à Emmanuel Macron, son vote irait par défaut à ce dernier. Je ne l’ai pas jugé, je le comprenais même assez bien. Cependant, je lui ai demandé s’il savait de quoi Macron était le représentant ? Il m’a répondu que non. Voici l’une des raisons de ce billet. Cette même personne a par la suite rajouté : « Quelque part, le second tour de l’élection présidentielle nous pousse aujourd’hui à voter contre celui que l’on ne veut pas voir gagner. On vote par opposition et non par adhésion, c’est triste. » Il faut que les choses bougent, et vite !
Sources :
[2] https://www.youtube.com/watch?v=CUjq22WxWks, [cet extrait provient de l’émission « Candidats au tableau ! », diffusé sur la chaîne C8].
[3] https://storage.googleapis.com/en-marche-fr/COMMUNICATION/Programme-Emmanuel-Macron.pdf
[4] https://blogs.mediapart.fr/m-bentahar/blog/150217/emmanuel-macron-le-mystique-en-politique
[6] Paul Jorion & Grégory Maklès, La Survie de l’espèce, Futuropolis, 2012, p. 26-27.
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