Billet invité.
Tandis que la crème des économistes français défend sa science dans son univers académique étroit, la division des recherches, statistiques et affaires monétaires de la Fed alimente le débat sur le statut de la discipline en publiant une étude dont le titre annonce la couleur : « Jauger de l’incertitude des perspectives économiques en utilisant l’historique des erreurs de prévision ». À cette occasion, il est montré combien il peut être instructif de regarder de temps en temps en arrière.
Les mandarins devraient y réfléchir : à force d’aligner des équations mathématiques pour sonder l’insondable et de dédaigner la macro-économie pour incompatibilité de rigueur, leur avenir s’annonce bouché. Des algorithmes bien plus performants pourront à terme avantageusement les remplacer, et un robot se voir décerné le Prix de la Banque de Suède en sciences économiques en mémoire d’Alfred Nobel.
L’étude de David Reifschneider de la Fed américaine et Peter Tulip, de son homologue australienne, met les choses à plat. Les deux chercheurs ont comparé les prévisions de ces vingt dernières années de la Fed, du Congressional Budget Office et de deux entités de recherche du secteur privé. Au final, leurs travaux mettent crûment en évidence que pas une seule d’entre elles ne peut racheter les autres. Aucun des derniers phénomènes majeurs rencontrés ces dernières années n’a été anticipé, que ce soit la crise financière ou la récession qui a suivi, la chute de l’inflation ou bien celle des taux à long terme et de la productivité, et enfin le déclin rapide de l’emploi.
En rendant compte de cette étude dans le Washington Post, Robert Samuelson constate que cela ne va pas en s’arrangeant. Pas étonnant selon lui, car les prévisions reposent sur des données comportant des marges d’erreur trop importantes. Ce qui le conduit à décrire un monde où toutes les décisions sont prises à l’aveuglette, mais avec toujours la même assurance.
Lorsque l’on en vient aux causes de cette navrante situation – un sujet que les deux chercheurs n’abordent pas dans leur étude – les raisons ne manquent pas pour l’auteur de l’article. La matière est trop complexe pour faire l’objet de prédictions, trop de facteurs interviennent, il y a trop d’inconnus, et surtout l’idée que le futur sera la copie conforme du passé est dominante… On peut ajouter les obstacles répandus dans ce monde où l’empirisme fait loi et où les théories sont des dogmes.
Dans de telles conditions, il ne sera pas difficile pour les robots de supplanter les économistes…
@Pascal (suite) Mon intérêt pour la renormalisation est venu de la lecture d’un début d’article d’Alain Connes*, où le « moi »…