Billet invité.
L’opération de relations publiques intitulée « 60e anniversaire du Traité de Rome » s’engage dans un contexte qui s’alourdit. La campagne électorale aux Pays-Bas est dominée par le xénophobe Geert Wilders. Une victoire de Marine Le Pen aux présidentielles ne peut plus être exclue, la confusion s’étant emparée de la scène politique française. Traitées de nazies par le gouvernement turc, les autorités allemandes tentent de calmer le jeu pour préserver le blocage des réfugiés et rétorquent pauvrement que les deux pays « doivent reconstruire leur amitié ». Il va falloir beaucoup de fumée pour justifier le nouvel élan revendiqué.
Des histoires de gros sous traînent aussi, qu’il est plus facile de traiter discrètement. La question des NPL va être à l’ordre du jour de la rencontre informelle d’aujourd’hui de l’Eurogroupe, mais une autre du même ordre de grandeur financier émerge. Il s’agit du montant des surplus allemands enregistrés dans Target 2 (*), qui continue de croître. Il était de 814 milliards d’euros à la fin février, après avoir grimpé de 20 milliards d’euros en un seul mois. Il lui correspond un déficit espagnol de 350 milliards d’euros et italien de 364 milliards d’euros. Les achats d’actifs de la BCE en sont responsables pour l’essentiel, leurs produits n’étant pas réinvestis dans ces deux pays, le programme d’assouplissement quantitatif masquant les fuites de capitaux et accentuant le déséquilibre de Target 2. Une raison de plus pour en demander outre-Rhin le commencement de la fin.
Officiellement, il ne fait pas de doute qu’un pays sortant de la zone euro devrait régler dans la monnaie unique son passif au sein de Target 2, mais Jens Weidmann, le président de la Bundesbank, s’interroge ouvertement dans le Frankfurter Allgemeine Zeitung, ce qui est nouveau. Qu’en serait-il en pratique ? Ce pays aurait-il la volonté et les moyens de procéder ainsi, se demande-t-il ? Sans aller jusqu’à en tirer la conclusion qui s’impose dans ces conditions : la sortie d’un pays de l’euro à la source de ce déficit donnerait le signal de son éclatement… Nos chargés des relations publiques sont donc le dos au mur, mais cela ne leur donne pas le cœur au ventre.
Les ministres des finances continuent de plancher sur l’autre millier de milliards d’euros d’actifs toxiques – les NPA – qu’il faut sortir des bilans bancaires. Grâce à l’EBA, ils pensent avoir trouvé une solution permettant de contourner l’interdiction du renflouement des banques sur fonds publics. Une bad bank serait créée, mais en prévision des pertes qu’elle devra encourir lorsqu’à son tour elle se dessaisira de NPL achetés selon un montant trop élevé, les banques émettront simultanément des bons de souscription d’actions (equity warrants) achetés par les États, qui seraient activés si le prix de vente des actifs toxiques était inférieur à leur prix d’achat lorsque l’opération serait réalisée.
En se présentant sur le marché, le Portugal obtient des taux plus élevés. Le gouvernement fait valoir qu’ils s’inscrivent dans la lignée de ce que le pays obtenait auparavant. C’est factuellement exact mais significatif de la fragilité de la situation. La crise européenne n’est pas terminée et les tiraillements grandissants constatés au sein de la BCE ne sont pas là pour l’infirmer.
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(*) Éléments clés de l’intégration financière au sein de l’Union européenne, Target2 est un système de paiement utilisé par ses banques pour transférer des fonds entre elles en temps réel.
Non, non, François, pas « peut-être »: certainement! « Comment fais-tu pour vivre? et qu’est-ce qui te délivre… de cette époque de fous!?…