Billet invité. Ouvert aux commentaires.
- INTROITUS
Le représentant des Français de 2012 à 2017 fut méprisé, tourné en dérision, humilié, et haï. Abandonné de tous, il n’a pas même osé prétendre à sa propre succession. Le président normal s’effondre dans le dernier et le pire des camouflets : l’insignifiance et l’oubli. Certains ont cru tirer gloire d’un bravache « je ne voterai plus jamais PS », feignant de découvrir sur le tard que le hollandisme n’était pas révolutionnaire. Donnez-lui le repos éternel.
- KYRIE ELEISON
« Le peuple français est incapable d’un régicide » disait le doux Louis XVI, qui ressemble tant à notre président déchu. Même bonhomie, même douceur dans le regard.
Année 2012, souvenez-vous. On avait tenté l’énervé, on n’en voulait plus. L’homme normal nous a touchés. Il avait l’air un peu perdu. Il était comme nous. La France non plus n’était pas révolutionnaire. Pas plus que réactionnaire. Elle tentait là son dernier mirage politique, son dernier déni : comme « avant », soyons confiants, tranquilles et heureux. Peuple, ayez pitié.
- DIES IRAE
Le jour de colère et de la vengeance. Il n’a pas eu une seule heure d’état de grâce. Dès le lendemain de l’élection, en regardant la photo officielle, on a compris ce que c’était que cet homme insignifiant et épanoui qu’on avait mis pour nous représenter : c’était le portrait de notre propre impuissance. De notre propre étourderie aussi. De notre gueule docile sous la pluie. On l’a haï pour ça. Pour ce qu’il représentait de notre faiblesse et de notre égarement passéiste et irresponsable. Dans chacun de ses gestes on a reconnu notre docilité servile et notre insouciance. La France a élu un président à son image, et a été prise de vertige.
- RECORDARE
Coupable, je gémis. Soyons honnêtes : on la voulait, l’insouciance. La fin de l’histoire et le progrès inconditionnel. L’Europe de la paix après celle de la guerre. On a progressivement mis au placard les mâles dominants. On a souhaité l’impuissance des élites, et ça nous semblait mieux de vivre dans la décroissance des pouvoirs. On voulait que le monde nous foute la paix pour pouvoir vivre en sécurité sur le chemin de notre choix, entouré de familles et d’amis, avec un réfrigérateur, une bagnole et un lave-vaisselle. On voulait être « normal ». On voulait avoir à faire à soi-même et pas avec la violence d’un combat imposé de l’extérieur.
- CONFUTATIS
Épargnez-lui le feu vengeur destiné aux maudits. On a voulu l’impuissance politique. Le premier XXe siècle a connu la puissance politique, et ça a débouché sur des malheurs. On a construit l’irresponsabilité comme une utopie. Ceux qui disent que les utopies politiques ont progressivement disparu depuis 1950 se trompent. Elles ont été au contraire réalisées. François Hollande en est la dernière icône désespérée.
- LACRIMOSA
Dans ce jour de larmes, faites-moi renaître à la paix. Il est de bon ton de dire que notre époque est tragiquement faible, peu engagée, et politiquement inerte. Que l’individualisme a détruit les vraies valeurs. Mais aujourd’hui la société de la douceur et de l’insignifiance consumériste est en train de mourir. L’animalité revient. La chasse et le territoire. Nous sommes en passe d’être déchus de notre jardin de paix. François Hollande est l’anti-héros de notre rêve anti-héroïque. Il disparaît comme le dernier élément de bastingage d’un navire coulé par le fond. Certes, on jouait du violon pendant que le navire coulait. Nostra culpa, nostra maxima culpa. Mais l’avenir ne ressemble pas à un nouveau paquebot plus confortable tombé du ciel. Plutôt à une flottille d’embarcations en péril et armées jusqu’aux dents. Alors, pour ce temps où l’on a préféré être faibles qu’êtres forts, et où il existait des intervalles dans lesquels on entendait de la musique, qu’il nous soit permis un dernier regard, et un regret.
- DOMINE JESU CHRISTE
François est innocent. Il n’a fait que suivre les sondages et les experts. Et pourtant, les sondages et les experts ne le lui ont pas rendu, et l’ont martyrisé. Il paie pour nos fautes et nous le haïssons parce qu’il incarne ce monde en paix qui n’existe plus. Il est heureux et il flirte en scooter. Son bonheur paisible est devenu pour nous la pire des insultes. Délivrez-le de la gueule du Lion.
- COMMUNIO
Car vous êtes miséricordieux. Le sacrifice de Hollande ne produira aucune rédemption. Le sacrifice de l’Europe nous mettra simplement à l’étroit dans notre cercueil. Le sacrifice des politiciens et des journalistes sera une joie passagère. Tous sont coupables mais leur mort ne porte aucune puissance de rachat. La mer est forte et le navire est trop lourd. Plombé de dettes et d’argent sale. Il aurait fallu inventer un système où l’insouciance individuelle soit protégée de ses excès et de ses ennemis. Mais il n’y a pas d’anges pour nous délivrer du mal, il n’y a que d’autres hommes, d’autres nous-mêmes, et le cercle est vicieux. Nous avons tenté d’éteindre la violence par simple détournement du regard, par oubli post-traumatique après 1945. Aidés du confort et du consumérisme comme appoints hallucinogènes. L’abstinence en la matière se profile à l’horizon. Mais l’abstinence n’est pas synonyme de sagesse, et la violence rouvre les digues rongées par les paradis fiscaux des spéculateurs. Le temps est au retour des dieux et des héros, des mythes et de la violence. François Hollande reste figé en statue du pacifiste inconnu, tout aussi inaccessible et impuissant que le soldat du même nom. Que la lumière luise à jamais sur notre insignifiance perdue. Elle fut si heureuse à vivre et à rêver.
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