Billet invité. Ouvert aux commentaires.
Bonjour monsieur Jorion, j’ai écouté votre interview sur rfi, en particulier quand vous avez évoqué avec vos interlocuteurs, l’exemple de l’automatisation des caisses de supermarché. Alors j’ai eu envie de vous envoyer un petit témoignage.
J’ai travaillé il y a peu d’années dans une société d’autoroute, et j’ai été le responsable, en binôme avec un collègue, du pilotage des travaux de l’automatisation du péage autoroutier. En gros, l’opération a été réalisée en 3 – 4 ans, couvrant le réseau Est, Nord et Ouest autoroutier (à noter que les autres sociétés d’autoroutes concédées ont procédé de manière semblable). Cela a été intéressant d’observer comment s’est déroulé le projet.
Globalement, les travaux ont été synchronisés avec les prévisions de départ du personnel péager sur les sites : contrats à durée limitée ou départs à la retraite. Cela a permis un traitement du personnel plus « soft », et parallèlement il y a eu quelques reclassements. Ce que j’ai pu observer, c’est que l’automatisation a entrainé une transformation de la nature des emplois, avec une part de création très minime pour des tâches de supervision (création de centres dits d’assistance et de supervision du péage, une vingtaine d’emplois pour tous les réseaux répartis dans 3 petits centres, permettant notamment une télésurveillance et un traitement des anomalies à distance, etc…), des emplois de maintenance des équipements du péage et des emplois dits d’assistance à la clientèles (c’est-à-dire du personnel « volant » en gares, amené à dépanner des automobilistes bloqués en voie – par exemple quand une carte de crédit est bloquée dans un automate de paiement…..).
Évidement le nombre d’emplois en plus est très inférieur au nombre d’emplois de péagers supprimés (un poste de péage se fait en 3X8, par cabine de péage). Sans compter un facteur, non dit, qui est de supprimer le risque de grève (une journée de grève du personnel de péage représente un risque financier énorme pour la société, et donc, la mise en service de péage dit « automatique », soulage d’un poids important le management, notamment quand il s’agit de négociation salariale ou de conditions de travail). À noter que l’automatisation du péage s’est faite après la privatisation des sociétés d’autoroute, et que l’opportunité de rentabilité n’avait pas échappé aux preneurs (direction générale, actionnaires), qui se sont dépêchés de le réaliser le plus vite possible. Inutile de préciser que le programme d’automatisation du péage n’a pas eu d’incidence sur la rémunération des salariés (restants), ni sur le tarif autoroutier (fixé par une formule de calcul d’actualisation, inscrite dans le contrat de concession pour toute la durée). À noter également, la communication faite autour du projet d’automatisation, vantant la fluidité du nouveau système (diminuer la queue) et une image « moderne », censé augmenter la qualité de service au client. À noter encore une des préoccupations de la société d’autoroute, de s’assurer de « l’acceptabilité » des clients, amenés à réaliser leurs transactions eux-mêmes avec les automates. Une dernière remarque à propos des concepteurs, qui auraient rêvé d’une « dématérialisation » maximum du dispositif de péage, par un système de géo-localisation par exemple… (mais un calcul du risque de fraude et de la gestion du contentieux, et le coût induit aurait compromis la rentabilité). Un dernier point pour information, dans le cadre du projet, les automates mis en place ont été calculés pour une durée de vie d’une douzaine d’année.
Bien cordialement,
UQ
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