Billet invité. Ouvert aux commentaires.
J’ai rédigé ce texte comme note de synthèse sur la taxation des robots. J’ai pris le parti de développer l’argumentation politique autant que technique et systémique dans le contexte des négociations de convergence programmatique entre Benoît Hamon et Jean-Luc Mélenchon. J’attire votre attention sur le fait que les discours apparemment opposés de Hamon et Mélenchon sur la fiscalité, l’Europe, la souveraineté et le travail sont en fait convergents dans un projet de confédération de l’euro reposant sur une fiscalisation européenne du capital financier.
L’économie du revenu universel financée par la fiscalité du capital
Le régime financier libéral actuellement en vigueur de l’économie repose sur l’indépendance des banques et des entreprises dans l’émission des titres de crédit et dans la circulation monétaire du capital entre les États nominalement souverains. Or la finalité et la rentabilité du capital diffèrent selon les lois et les mœurs propres à des souverainetés distinctes. Entre l’Allemagne et la France par exemple, la valeur ajoutée issue de la transformation du capital par le travail est préférentiellement affectée en France à la rémunération et à l’assurance du travail par la dépense collective publique.
La volonté politique générale différente selon les souverainetés s’exprime par des régimes de propriété, d’obligation, de responsabilité et de fiscalité hétérogènes en calcul économique. Si la monnaie est unique et si les flux financiers ne sont pas fiscalisés d’une souveraineté à l’autre, la liquidité monétaire du capital est mécaniquement aspirée par le pays où les charges légales sont les moins coûteuses, où le partage de la valeur ajoutée est plus favorable au propriétaire du capital et où la fiscalité est la plus légère.
Les monnaies libérales que sont le dollar et l’euro unifient l’espace des échanges et des paiements au-dessus des régimes de droit et de dépense des États souverains. Une souveraineté anonyme de l’argent met les droits individuels, sociaux, collectifs et communs en compétition dans un calcul économique mécaniste où les choses égalent les personnes. Le prix du capital et de la valeur ajoutée s’évapore dans les pays où les finalités économiques ne sont pas suffisamment favorables à l’accumulation et à la concentration du capital.
Déni de la souveraineté : capital sans substance efficiente
Le capital est dans la globalisation libérale déconnecté des souverainetés localisées dans des responsabilités politiques identifiées. Le prix du capital est publié à la condition de l’effacement des États et de la plus faible contribution possible à la dépense commune. Le prix du capital public de souveraineté de l’intérêt général n’est pas mesurable ni provisionné alors qu’il conditionne la réalité du capital privé représentatif des intérêts particuliers.
La non-mesurabilité du capital par la finance libérale en monnaie supra-nationalisée induit un processus d’anéantissement de l’économie réelle de la valeur ajoutée au bénéfice provisoire artificiel de quelques-uns. Les personnes physiques et les sociétés sont dissuadées de travailler soit parce que le coût de leurs droits est trop élevé en monnaie sur le marché mondial unique soit parce que la spéculation financière libre génère des revenus faciles par destruction de la valeur commune non mesurable. La finance libérale n’a aucune contrainte d’allocation des crédits à la transformation réelle du capital par le travail. Donc les États abandonnent leurs missions de police et de justice à proportion de la matière fiscale que la banque supra-nationale soustrait à leur contrôle.
La virtualisation monétaire libérale de l’économie détruit le travail en déconnectant le revenu monétaire d’une part de la réalisation des droits individuels et sociaux mais d’autre part de la délibération sociale marchande de ces droits qui financent la demande en justifiant le travail. La concentration du capital et la rentabilité économique calculable exclusivement sur le rendement financier rend la valeur ajoutée monétisable indépendante des besoins réels universellement délibérables. La croissance économique mesurée en monnaie libérale apparaît actuellement légèrement positive alors qu’il y a une destruction nette réelle de capital évidente par la dislocation des organisations sociales et politiques, la perte des solidarités et la dégradation irréversible des milieux naturels.
Le seul moyen d’inverser la destruction libérale du capital réel dans le travail au service des besoins individuels de tous est la fiscalité du capital. Le capital est stérile sans l’existence de sociétés organisées en États pour identifier, garantir et définir les besoins humains qui adressent une demande au potentiel de production par transformation du travail capitalisé. La valeur ajoutée est inconsistante si mesurée exclusivement par l’accumulation de capital privé au détriment des revenus du travail et de la dépense commune. L’équilibre et la prospérité économique passent nécessairement par la fiscalisation exhaustive du capital à proportion de sa réalité sociale et juridique effective et de la consommation du capital immatériel commun de l’équité et de la justice.
La finance économisée par la fiscalité du capital
Sous le seul angle de la rentabilité réelle du capital qui ne soit pas simulable par des ventes à crédit à une demande objectivement insolvable, il est nécessaire de calculer la valeur ajoutée produite en intégrant tous les coûts de régénération du capital public et privé effectivement consommé. La rentabilité réelle du capital implique la régulation du marché pour une représentation complète et équilibrée de toutes les offres de travail et de toutes les demandes de capital. Fiscaliser le capital conduit à une publication économique de l’inventaire de tous les actifs matériels et immatériels reconnus nécessaires dans les souverainetés circonscrites dans l’État de droit.
La rationalité économique impose qu’un bien de capital soit reconnu tel en prix positif fiscalisable s’il contribue à la production des richesses légalement utiles à tous les ressortissants d’une souveraineté donnée. Un motif économique essentiel de fiscalisation d’un actif est la dépense publique qu’il engendre pour protéger le consommateur, les droits du travail qui le rentabilisent, et pour reconstituer les ressources naturelles consommées ou détruites.
La fiscalisation économique efficace du capital signifie donc un cadastre financier public placé sous le contrôle du pouvoir politique judiciaire. La description des actifs déposés doit être suffisamment détaillée et documentée : pour une identification de tous les propriétaires directs et indirects responsables et intéressés à l’exploitation du capital ; pour une justification argumentée du prix par la rentabilité potentielle, effective ou avérée ; pour un adossement vérifiable du prix actualisé aux crédits qui en rendent l’exploitation liquide ; et pour un calcul plausible du capital de dépenses publiques provisionné à long terme afin d’assurer une rentabilité collective nette durable de chaque actif dans son contexte réel régulé d’exploitation.
La fonction économique de la fiscalité du capital est de donner un prix réaliste juste et durable à tous les actifs productifs d’une véritable valeur ajoutée pour toute la société. Les finalités communes financées par la taxation du capital sont l’assurance du travail des personnes physiques ; la garantie publique de solvabilité en dernier ressort de tous les emprunteurs de liquidité monétaire ; la justice de marché à tous les échelons nationaux et internationaux de la souveraineté politique ; et le financement des dépenses d’investissement collectif commun. La fiscalisation du capital assure la mesure financière du crédit de responsabilité juridique qui puisse être accordé à tous les gérants et propriétaires du capital.
La fiscalisation universelle des actifs fait exister le capital dans sa vraie nature d’information de la matière par la responsabilité des personnes physiques solidaires dans les personnes morales. Autrement dit, toute l’information financière actuellement collectée par les banques et échangée sur les marchés hors la loi au bénéfice de quelques privilégiés devient un patrimoine commun des sociétés politiques instituées au service de l’égalité réelle des droits entre les citoyens. La République et la Démocratie ne sont plus seulement formels mais bel et bien réels pour les personnes physiques égales en droit.
Rationalisation politique de l’économie par le revenu universel
Le principe du revenu universel à l’échelle de chaque souveraineté politique fonde la rationalité économique et juridique d’un système financier de circulation fiscalisée du capital. La raison d’être économique d’un État souverain est d’encadrer et réguler un marché délimité de droits individuels et sociaux où le prix de la valeur ajoutée produite par le travail rémunère toutes les catégories de capital mobilisées dans le jeu économique. Est capital, au moins sous l’angle de la spécification de la demande des biens et services, ce qui garantit l’existence des personnes dans toute la durée de leur vie propre. Les plus faibles qui pour une raison quelconque ne sont pas en mesure de produire instantanément tout ce qu’elles consomment, sont quoi qu’il arrive assurées de vivre dignement à égalité de droit avec les plus fortes.
La fiscalisation du capital en financement du revenu universel explicite la finalité juridique du capital civilisé à promouvoir la capacité de tout individu à rentrer dans un rapport de collaboration juste et fructueux avec ses concitoyens égaux en droit d’existence. La conséquence monétaire de l’universalité du revenu comme finalité ultime du capital est la nationalisation du crédit et des dépôts en monnaie. Le capital monétaire ne doit plus pouvoir franchir une frontière politique sans s’acquitter de ses obligations juridiques formelles et réelles donc fiscalisées. La fiscalisation exhaustive et juste du capital rend caduque l’actuel pseudo-marché des changes international non contrôlé par les souverainetés étatiques.
Le cadastre financier public exhaustif implique forcément un contrôle étatique des entrées et sorties de capitaux. Un État souverain assureur en dernier ressort du revenu universel par la fiscalité du capital est obligé de mesurer précisément tous les mouvements de capitaux afin de prélever sur les capitaux qui entrent la prime d’assurance publique d’application du droit et de régler sur les capitaux qui sortent la prime de crédit du marché domestique vis-à-vis des créanciers extérieurs. La nationalisation du marché des changes transforme les primes de change actuellement captées par les intermédiaires financiers internationaux, en primes d’assurance publique de la justice des transactions et de la solvabilité collective des emprunteurs domestiques.
Si pour leurs paiements domestiques et internationaux les intermédiaires financiers sont obligés de passer par une chambre de compensation publique servie et assurée par des magistrats financiers, alors il est possible de fiscaliser le capital financier à proportion du risque que les transferts sous-jacents déclarés de capital réel font courir au bien être et à la justice commune. Le travail des banques n’est plus de construire des modèles de prix et de crédit qui soustraient la réalité des biens et services produits à la vigilance objective des consommateurs, des travailleurs et des citoyens. Le travail d’intermédiation financière renoue avec son origine : calculer le crédit d’un vendeur par la qualité et la quantité de ses ventes et le crédit d’un acheteur par le respect de la loi commune compensable en paiement de ses primes fiscales.
La souveraineté compensable et partageable en monnaie
La centralisation des paiements monétaires intra et inter-étatiques dans une compensation bancaire judiciarisée, a pour première conséquence pratique de rendre consolidable tous les engagements financiers publics et privés de toute nature à l’intérieur d’un même espace de responsabilité souveraine. L’émission du crédit, des prix du capital, de la monnaie, et des revenus réels du travail, se trouve réintégrée dans l’économie de la valeur ajoutée réelle par la souveraineté des États. Un pays surendetté par la faiblesse de ses exportations ou la fuite de son capital est autonome et responsable à dévaluer sa propre masse monétaire par rapport aux souverainetés étrangères.
Un pays en excédent d’épargne ou de recette fiscale sur sa dépense publique et privée consolidée ne peut plus coloniser les souverainetés étrangères par l’accumulation de créances monétaires. La réintégration des compensations interbancaires dans des souverainetés politiques identifiées et délimitées pose les parités de change monétaire international comme le prix étranger du capital domestique de souveraineté. Une parité de change avec une souveraineté étrangère devient un objectif budgétaire public. La prime de change réglée sur les crédits aux étrangers devient une taxe d’assurance publique de l’équilibre des comptes extérieurs.
L’ensemble des responsables politiques publics et privés à l’intérieur d’une même souveraineté est alors intéressé à défendre une parité de change réaliste pour engendrer un partage universellement bénéfique de la valeur ajoutée domestique. La nationalisation du marché des changes interbancaires transforme les primes de change en taxe sur les exportations de capital et sur les importations de crédit en droit étranger.
Si la fiscalisation des paiements extérieurs est fixée à des taux de prélèvement trop élevés, le partage de la valeur ajoutée domestique devient trop favorable à la dépense publique et à la redistribution des revenus. La rémunération du travail devient trop faible par rapport à la rémunération du droit à l’existence. La production de valeur ajoutée est freinée. Inversement, si la fiscalisation des paiements extérieurs est trop faible, la croissance de la valeur ajoutée devient trop inégalitairement répartie entre travailleurs et capitalistes, dépenses privée et dépense publique : le revenu général moyen baisse par destruction nette du capital commun.
La nationalisation de la compensation des paiements dans la zone euro reviendrait à restaurer la souveraineté politique sur l’espace commun d’échange. D’unité de compte émise par la BCE nominalement indépendante du pouvoir politique, l’euro devient unité de crédit fiscal de la Confédération des États de l’euro à tous les propriétaires publics et privés de capital européen inscrit dans leur nationalité propre. La BCE devient émetteur de la liquidité du crédit du pouvoir politique européen exercé aux deux niveaux de souveraineté national et international. Un État confédéral multinational institue et organise la délibération politique des intérêts mis en commun par la monnaie unique fiscalement commune.
Fiscalisation du capital responsable par la Confédération de l’euro
La raison d’être d’une confédération de l’euro est l’assurance des prix du capital évalué en euro par un marché politique souverain de la fiscalité du capital. Si les membres de la zone euro partagent une même définition du capital comme accumulateur des droits produits par le travail en financement des revenus futurs du travail engagé au service de la prospérité commune, alors ils ont un motif de se doter d’un budget public délibérable commun d’assurance de la démocratie. L’institution d’un État confédéral est le moyen de mutualiser une fraction négociable des recettes de fiscalisation du capital afin de mettre en commun la régulation financière, le financement d’infrastructures et l’assurance du crédit de toutes les souverainetés nationales confédérées.
La nationalisation de l’euro par l’institution d’un échelon confédéral de souveraineté rétablit une économie politique de la gestion du capital au service des citoyens et de leurs sociétés. Toutes les options sont économiquement possibles à l’intérieur d’un État de droit confédéral de monnaie commune. Les Allemands peuvent tout aussi bien conserver tous leurs excédents financiers sous la garantie de l’État confédéral comme les dépenser au bénéfice de toute la zone afin de stimuler la croissance du capital national.
Comme un État confédéral met tout les flux de capitaux intérieurs et extérieurs à la zone de monnaie unique sous le contrôle d’une régulation politique commune, chaque souveraineté est garantie dans son équilibre propre durable de recettes et de dépenses. Chaque État est autonome par sa seule fiscalité domestique sur la circulation collectivement transparente du capital. Mais la circulation du capital étant mesurée par la même unité monétaire visible à tous les États de la zone, nationaux et confédéral, chaque État est libre et responsable devant les autres de fixer sa politique de fiscalisation aux frontières financières collectives de ses projets et objets propres.
Si les Allemands se refusent à l’échelle de leur souveraineté à contribuer au budget confédéral, il leur suffit de ne pas adhérer aux projets confédéraux. Dans la compensation centralisée par la BCE du capital crédité en euro, les Allemands paient alors une prime fiscale nulle au profit des dépenses confédérales. En contrepartie, aucune dépense confédérale ne peut avoir pour contrepartie le travail d’une personne physique fiscalement domiciliée sous souveraineté allemande. Par contre, tous les ressortissants nationaux des États participant à des budgets confédéraux sont bénéficiaires en nature ou en monnaie du prix des services mutualisés. Et tout résident européen s’acquitte en fiscalité nationale de sa contribution à l’équilibre des paiements et du crédit en euro commun.
La fiscalisation différentiable exhaustive du capital en euro sous la responsabilité des États nationaux et d’un État confédéral négociable dans ses objets, crée un vrai système de monnaie adossé à la réalité économique par la contrainte objective négociable de la souveraineté politique. L’euro devient un outil de financement d’une prospérité nécessairement commune par la compensation rationnelle des obligations, des règles, des objectifs et des prix. Le chaos social, politique et financier de l’économisme libéral se résoudra concrètement dans la zone euro par une réévaluation fiscale de l’euro dans la souveraineté allemande et des dévaluations du même euro ajustées aux souverainetés actuellement débitrices nettes de l’Allemagne.
Au delà de la seule rationalité économique, la fiscalisation monétaire universelle du capital matérialise la responsabilité politique mesurable. Toute parole politique devient la matrice d’un capital dont l’emploi peut être délibéré par des sociétés effectivement responsables de la productivité du travail en valeur ajoutée universelle. Taxer les robots signifie alors financer la responsabilité politique et anéantir la rentabilité du capital non investi dans le bien-être réel humainement délibérable des citoyens en sociétés. Les premiers robots à taxer sont ceux de la finance qui accordent des crédits illimités à des paroles politiques vides d’humanité.
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