Billet invité.
Dans son édition d’hier, le Wall Street Journal titrait un papier sur la dette souveraine d’une formule choc : « le marché de la dette périphérique européenne accueille un nouveau membre : la France. » En titrant le sien sur le même sujet « le différentiel des taux allemand et français renouent avec le plus haut d’il y a quatre ans, sous l’effet des sondages décrivant la course en tête de Le Pen », le Financial Times en analysait de son côté les raisons. Dans les deux cas, le retour naissant de la crise obligataire affleurait dans le commentaire, prenant appui sur la constatation d’une grande fragilité politique.
Marine Le Pen a proclamé lundi son objectif de sortir la France de la zone euro, promettant d’organiser un referendum à ce sujet , et la réaction des marchés ne s’est pas fait attendre. Le taux de la dette française à dix ans est monté à 1.064%. Le spread entre les taux allemand et français a augmenté dans la journée pour atteindre 0,84 points (0,75 points en clôture), il était de 0,22 points il y a six mois. Les taux italien et portugais se tendaient simultanément, en raison de la situation des systèmes bancaires de ces deux pays. La perspective d’un défaut grec sur sa dette ainsi que celle d’une nouvelle décélération des achats de titres souverains par la BCE, après celle prévue pour intervenir en avril, contribuent également aux tensions sur le marché obligataire.
La BCE rencontre par ailleurs des difficultés à poursuivre son programme d’achat de titres, ce qui confirme qu’il ne peut pas se poursuivre indéfiniment. Elle a déjà dû assouplir les règles qu’elle s’était donnée afin d’acquérir des titres allemands, très demandés, au prorata de la participation de l’Allemagne à son capital. Elle achète désormais des titres pourvus d’un taux inférieur à son taux de dépôt de -0,4%. Si le rempart construit par la BCE devait disparaître, l’euro n’y survivrait pas longtemps.
Grande nouveauté, des analystes intègrent désormais l’éventualité d’une sortie de la France de l’euro et s’interrogent sur la viabilité de la zone euro, si elle devait intervenir. D’autres décrivent ce qui en découlerait : une sortie massive de capitaux et la perspective de rembourser sa dette avec une monnaie dévaluée. Après l’Italie, la France est entrée sur la liste des pays par lesquels le malheur peut arriver : le démantèlement de la zone euro n’est plus impensable.
La crise bancaire, qui avait été proclamée terminée, est loin d’être réglée avec mille milliards de prêts non performants inscrits dans les bilans des banques européennes. Comme vient de le montrer le sauvetage de Monte dei Paschi en Italie, l’Union bancaire n’est pas le recours qui a été prétendu. La crise obligataire n’est pas davantage éteinte. La stratégie de désendettement imposée à toute l’Europe par l’Allemagne aboutit à l’approfondissement de la crise sociale, ainsi qu’au démantèlement progressif de l’Europe, que les élites attribuent à la montée du populisme pour se défausser de leurs responsabilités.
Le moment n’est-il pas venu d’élaborer une politique européenne alternative et de mobiliser en sa faveur tous ceux qui rejettent à juste titre celle qui est en vigueur ? Une première contribution a été apportée par Thomas Piketty (*) et l’on attend que prennent forme les projets de plan B annoncés. La victoire aux élections de septembre de Martin Schulz, si elle intervient, pourrait susciter une ouverture.
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(*) Création d’une « assemblée de la zone euro » entre l’Allemagne, l’Espagne, l’Italie et la France. Cette union politique pourrait selon lui décider de placer la dette financière accumulée depuis la crise financière dans un « fonds commun » qui en mutualiserait le taux d’intérêt.
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