Retranscription de Le temps qu’il fait le 20 janvier 2017. Merci à Cyril Touboulic et Pascale Duclaud !
Bonjour, nous sommes le vendredi 20 janvier 2017, et aujourd’hui c’est un jour historique parce qu’à 18 heures pour nous, Monsieur Donald Trump deviendra président des États-Unis.
Alors, c’est une catastrophe absolue : ce monsieur n’a absolument pas les qualités pour devenir président d’un grand pays. Qu’est-ce qui s’est passé pour que des gens comme ça atteignent le sommet du pouvoir ? La question ne se pose pas seulement aux États-Unis : ça devient absolument catastrophique !
Dans son cas, qu’est-ce qui a joué ? Eh bien, c’est essentiellement qu’il a énormément d’argent : qu’il a pu faire une campagne tout seul. Il l’a fait dans le cadre du Parti républicain mais ce parti n’a montré aucun enthousiasme pour lui. Au contraire, on a essayé de s’en débarrasser tout au long du processus qui a conduit à des primaires où il l’a emporté. Pourquoi est-ce qu’il l’a emporté aussi facilement ? Parce qu’il n’avait que de toutes petites pointures comme concurrents. Et c’est ça qui est dramatique : c’est qu’on ne trouve plus de gens de qualité pour diriger les États.
Qu’est-ce qui s’est passé ? À mon avis c’est – voilà – c’est l’argent. C’est le fait qu’on a l’argent plus l’ultralibéralisme. C’est-à-dire qu’à partir des années 70, on s’est dit… enfin, « On s’est dit… », non, c’est une idéologie inventée par des gens bien connus : par des von Mises, par des Hayek, des Rothbard. Des gens qui nous ont dit qu’il faut – voilà – qu’il faut gérer un État comme une épicerie.
Les marchands sont dans le temple : les marchands ont pris le pouvoir et ce sont – voilà – de manière générale, ce sont des gens qui n’ont pas la qualité nécessaire. Les dirigeants de petites entreprises, de grandes entreprises, etc., on le sait : des caractériels comme monsieur Trump peuvent y prendre le pouvoir et puis ils font régner la terreur autour d’eux parce que… et ça c’est une chose qu’il faut quand même souligner parce que les entreprises sont organisées sur le modèle militaire : il n’y a aucune nécessité à ça, c’est [juste] une vieille tradition : la tyrannie fonctionne dans la plupart des entreprises.
J’ai travaillé en entreprise la plupart du temps dans ma vie. Et, malheureusement, même quand je travaillais dans une université, on trouve aussi des choses de cet ordre-là. Voilà : des militaires en puissance, qui croient que c’est comme ça qu’il faut faire fonctionner les sociétés humaines. Non ! Quand il faut – quand il faut absolument – faire une guerre, on peut s’organiser de cette manière-là avec des gens qui obéissent de manière mécanique à des ordres qui viennent d’en haut. Mais dans le fonctionnement ordinaire d’une société, ce n’est pas ça, ce n’est pas ça le modèle qui marche. Désolé !
Alors quand on instaure cette mentalité de boutiquier dans la gestion d’un État, on arrive à des catastrophes comme celle d’aujourd’hui.
Alors, est-ce qu’on survivra à ça… Ce n’est pas certain ! Ce n’est pas certain. Ce monsieur a la capacité de pousser sur le bouton rouge d’une guerre nucléaire. Évidemment, il est enterré, euh… « entouré » (enterré, oui déjà !), il est entouré de personnes, mais malheureusement, comme il a le droit de nommer des fous comme lui à la direction des choses – et il l’a fait ! – il y a une collection de timbrés pas possibles parmi les ministres qu’il a choisis ! Heureusement, ils se contredisent entre eux et ça va peut-être amortir un tout petit peu les choses mais, voilà : un « cabinet », un gouvernement de Docteurs Folamour avec lui à sa tête ! Ça va… ça va être la catastrophe !
Alors, il n’est évidemment pas difficile à monsieur Xi Jinping, le président de la Chine, de passer pour un homme tout à fait raisonnable et qui va donner maintenant le « la », comme la référence d’un monsieur rationnel. Il est allé à Davos, il a fait un discours très intéressant (je viens d’en faire un papier qui paraîtra dans la revue Trends – Tendances de la semaine prochaine). Il y a des références dans ce qu’il dit qui sont des références occidentales : il cite Dickens, mais il y a une partie de son discours qui est vraiment chinoise : beaucoup de proverbes, beaucoup de références à des petites histoires que les Chinois connaissent et c’est ça que j’ai voulu mettre en évidence. Il n’est pas difficile – Monsieur Xi Jinping a sans doute du talent – mais il n’est pas difficile de passer pour un homme extrêmement raisonnable et un grand sage quand on a des gens comme monsieur Trump autour de soi, et je ne vais pas mentionner d’autres noms pour ne vexer personne.
Mais voilà : voilà où on en est à donner la boutique – l’épicerie – comme étant le modèle de gestion d’un État. Voilà le résultat auquel on arrive. On permet à des gens, des caractériels – ce n’est pas que monsieur Trump vienne vraiment de n’importe où – mais c’est un… vous avez peut-être vu ce documentaire : c’est un monsieur à problèmes, depuis le début, dans une famille où on s’était rendu compte qu’on avait là quelque chose de pas normal, et on se retrouve avec ce personnage à la tête d’un État… qui va vouloir prendre sa revanche. Dans ce programme sur Arte, on montre très bien comment le fait qu’on l’ait traité comme un simplet – en particulier Monsieur Obama – va produire maintenant des résultats abominables parce qu’il va vouloir se venger, et il a un grand pouvoir à sa disposition.
Nous sommes mal embarqués ! Nous sommes mal embarqués : pourquoi élisons-nous maintenant… enfin non, la réponse me vient : les gens raisonnables ne vont plus voter et c’est ça ! On retrouve, du coup, des gens qui finissent par passer avec ce qu’ils représentent : des 20% de la population votant pour eux parce que le système ne marche plus. Parce que les gens qu’il faut pour diriger les États font autre chose, et parfois c’est simplement parce qu’on les empêche d’accéder aux positions importantes, et des gens qui représentent des comportements asociaux, des sociopathes, si pas des psychopathes, se retrouvent aux rênes du pouvoir alors que les États maintenant ont des pouvoirs de destruction tout à fait considérables.
Alors, eh bien… eh bien, prions pour nous que tout ça ne se termine pas rapidement en catastrophe. Les bookmakers considèrent en ce moment qu’il y a davantage de chances que monsieur Trump soit « impeached » au cours de la première année, que non. Voilà. Si vous pariez, eh bien, la plupart – une majorité de parieurs – parient qu’il sera destitué au cours de la première année. C’est peut-être la meilleure chose qui puisse nous arriver.
Enfin voilà : voilà où on en est. Un jour important, mais pour de très mauvaises raisons. Je pense à tous ces artistes qui ont refusé de participer – il y a même une clause de conscience pour les danseuses – il y a des danseuses qui s’appellent les Rockettes, et une clause de conscience leur a permis de ne pas participer au spectacle. Il y aura deux ou trois chanteurs de Country & Western particulièrement de droite ou d’extrême-droite, mais ce sera tout. Tant mieux pour lui mais cela ne changera rien… Ce type est maintenant président des États-Unis. Enfin… Il faut que j’arrête ! Je pourrais continuer [rires] à bavarder à l’infini sur cette catastrophe…! J’arrête !
À la semaine prochaine. J’espère qu’il y aura quelque chose de plus intéressant à discuter ! Voilà. Au revoir.
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