Billet invité.
Entre la remise en cause de la régulation financière annoncée par Donald Trump et les futures négociations relatives au Brexit, il va y avoir beaucoup de grain à moudre. Les deux vont être d’excellents prétextes que les banques européennes ne vont pas manquer de saisir pour revenir en arrière.
François Villeroy de Galhau, le Gouverneur de la Banque de France, ne déçoit jamais : il est toujours en première ligne lorsqu’il s’agit de défendre inconditionnellement les intérêts des banques de son pays. Favorable à « la consolidation transfrontalière » européenne, il surveille de près les opérations de sauvetage du système bancaire italien, et en particulier d’Unicredit qui est désormais dirigée par un ancien cadre de la Société Générale. Le hasard faisant bien les choses, des rumeurs insistantes font état d’un rapprochement capitalistique entre les deux établissements qui interviendrait dans un deuxième temps !
Le Gouverneur n’a eu aucun scrupule à qualifier de « mauvais accord » les mesures défendues par le Comité de Bâle, dont il est membre, qui étaient destinées à boucler Bâle III. Celui-ci avait comme défaut rédhibitoire d’augmenter significativement les exigences de fonds propres pour les banques. En substance, le Comité a été fourrer son nez où il ne fallait pas en ouvrant le dossier du calibrage de la valorisation des actifs détenus par les banques afin d’y mettre de l’ordre.
Faisant état des divergences à ce sujet qui opposent les banques américaines et européennes, les premières soutenant les mesures du Comité en y voyant une occasion de fragiliser les secondes, le gouverneur de la BdF se félicite de la « mobilisation sans faille » de ces dernières qui leur a porté un coup d’arrêt. Les conditions semblent pour lui désormais réunies pour élaborer « un bon accord » qui mettra le holà aux velléités du Comité de Bâle, qualifiées dans les milieux bancaires de surenchère de sur-régulations complexes. Pour une fois que la complexité n’est pas de leur côté !
Déjà confrontées à des exigences de niveau de fonds propres les conduisant à faire les yeux doux aux investisseurs, les banques veulent à tout prix éviter leur inflation. Elles font mine de regretter que le Comité de Bâle ne prenne pas en compte les besoins de la relance de l’économie – comme si c’était leur premier souci – alors qu’elles ont en tête le maintien d’un haut niveau de dividendes. Car on n’attrape pas les mouches avec du vinaigre.
François Villeroy de Galhau estime de manière sibylline que la coopération avec les États-Unis doit « rester un actif collectif des deux côtés de l’Atlantique ». Décryptage : s’annonçant ardues, les négociations avec les représentants de l’administration Trump seront un bon prétexte pour justifier des reculs réglementaires au nom de l’équivalence des règles.
C’est sur ce même terrain de l’équivalence que vont s’engager d’autres négociations parallèles avec la City, dans le cadre général du Brexit. Celle-ci a en effet abandonné l’espoir de continuer à bénéficier du « passeport » européen lui permettant de commercialiser sans restriction ses produits au sein de l’Union européenne. Pour se replier sans tarder sur des positions préparées à l’avance, car la balance penche du côté d’un Brexit dur ne leur laissant aucune chance.
Les équivalences réglementaires – au nom desquelles une large liberté commerciale pourrait être garantie au sein de l’UE – constituent un vaste terrain de jeu et de négociation. À l’arrivée, la réglementation financière britannique devra rester proche de celle qui va prévaloir en Europe pour que des équivalences soient reconnues. Mais, comme on dit, lorsqu’une porte est ouverte, on en profite dans les deux sens.
Menées par gouvernements interposés, les négociations entre Wall Street et la City vont se tenir simultanément. Tenez bon la rampe ! Si les cousins avaient l’idée de se mettre d’accord entre eux, les Européens ne pourraient que suivre…
A marée basse !