Retranscription de Le temps qu’il fait le 23 décembre 2016. Merci à Marianne Oppitz !
Bonjour, nous sommes le vendredi 23 décembre 2016. Demain, ce sera la veille de Noël, aussi je vous souhaite de joyeuses fêtes et « Paix sur la terre aux enfants, aux femmes et aux hommes de bonne volonté ! ». Et dans l’esprit de Noël, j’inclurai les autres : ceux qui sont de mauvaise volonté, en espérant qu’ils ne produisent pas trop de dégâts autour d’eux !
Dans ce domaine, les États-Unis ont annoncé hier un renforcement de leur arsenal nucléaire. La Russie avait fait la même chose dans la journée et donc, on est bien parti ! Nous sommes en train de nous réinstaller dans une Guerre froide. Vous en verrez les symptômes, un peu partout. Les alliances ne sont pas encore tout à fait mises en place, mais enfin, vous vous souvenez que pendant la Seconde guerre mondiale, non plus : il a fallu attendre au moins 1941 pour qu’on sache enfin qui exactement était dans quel camp. Ce qui nous conforte quant au sérieux de la chose. Malgré les millions et les millions de morts que les guerres produisent toujours.
Alors, on est bien reparti pour la Guerre froide. La guerre cybernétique a déjà lieu, on en a différentes preuves. La guerre économique est en place. La guerre tout court, vous savez, on a parlé à propos de l’Espagne dans les années 1936 – 40, on a parlé d’un champ de manœuvre sur lequel on testait les armements. Alors, vous avez entendu parlé de la Syrie récemment ? Ou du Yémen ? Enfin, bon !
Où est-ce que j’en suis ? Ah oui, la guerre économique ! c’est bien parti ! Oui, la Guerre froide économique.
Vous savez, on a annoncé hier… cela va vite, hein, cela va très vite, que Monsieur Navarro, Peter Navarro, un économiste américain, que j’ai déjà épinglé sans dire son nom dans mon papier qui a paru dans Le Monde et dans L’Écho, le mois dernier et que j’ai appelé, j’avais appelé ça « L’économie 1830 » mais apparemment, au Monde, on n’est pas assez au courant des chansons d’Alain Souchon : « L’amour 1830 », alors on a appelé ça « le repli des nations sur elles-mêmes rappelle le XIXe siècle » [L’Amérique du repli repose sur une vision du XIXe siècle] ou quelque chose comme ça.[1], Enfin, l’idée, c’était la même chose. Ce Monsieur Navarro n’a pas de notions récentes sur le fonctionnement de l’économie et surtout de la finance. Ça n’a pas l’air d’être son domaine et du coup, il n’y connaît pas grand-chose. Et donc, je me moquais du fait que son souverainisme à 25 centimes, c’était bien pour les années 1830, mais que cela fait longtemps que l’économie, et surtout la finance, ne fonctionnent plus comme ça. En fait il n’a pas l’air du tout au courant de la finance, ceci expliquant sans doute cela.
À la nouvelle de sa nomination, hier – il y a un très bon article, je ne sais plus si c’est dans le Wall Street Journal[2] ou dans le Financial Times, mais en tout cas – qui montre que…. Ce doit être dans, excusez-moi, le Financial Times [Non, c’est dans le Wall Street Journal !], il y a une interview d’un professeur, d’une « professeuse » comme on dit maintenant, chinoise, et qui explique que voilà, ce n’est pas très difficile de neutraliser, en quelques mesures, ce que Monsieur Navarro propose. Le problème, c’est l’amateurisme. Déjà, les professionnels, ce n’est pas brillant, alors, si on met des amateurs dans les ministères, ça va… Enfin, bon !
Alors, voilà, cette dame, cette professeuse chinoise, elle expliquait qu’en ce moment, il y a 292 commandes d’avions, par la Chine à la compagnie Boeing, alors, il suffit de dire qu’on n’en a pas besoin tout de suite, n’est-ce pas ? (rire) Cela fera déjà son petit effet ! Par ailleurs, dans le Midwest – vous savez le Midwest c’est le grand centre des États-Unis, la vallée du Mississippi en gros, et ce qui s’étend sur les côtés – il y a beaucoup de fermiers. Et en particulier, ces fermiers, ils produisent chaque année 40 millions de tonnes de soja qu’ils vendent à la Chine. Alors, ces fermiers, ils votent républicain. C’est le parti, en principe, le parti de Monsieur Trump. Alors, si on leur dit que l’année prochaine on n’a pas besoin des 40 millions… Bon, ça ne simplifiera pas la vie des Chinois, mais enfin, bon, ils pourront en trouver ailleurs. Ils en trouvent déjà, je crois, la même quantité, ailleurs, dans d’autres pays. Si on dit : « On n’en a pas tellement besoin, finalement, de ces 40 millions de tonnes de soja ! », dans l’immédiat, ça va faire du dégât ! Alors, cette professeuse dit : « Ça suffira peut-être qu’on dise ça (rire) pour ramener Monsieur Trump et son Monsieur Navarro à de meilleurs sentiments ! ».
Mais, il y a un autre chiffre qui est cité par l’article et qui est très intéressant. C’est la chose suivante : c’est il y a quelques années – je crois que c’est en 2014, vous vérifierez, je mettrai le lien à l’article – les États-Unis ont pris de mesures de rétorsions à l’encontre de la Chine sur une question de dumping sur le prix des pneus et, là, les États-Unis ont interdit l’importation de ces pneus. Alors, résultat, on a créé 1.112 emplois aux États-Unis. La perte directe de l’opération, est d’un milliard de dollars. Ce qui fait que chaque emploi créé a coûté 900.000 dollars. Bon, disons 850.000 €, chaque emploi créé. Et, par ailleurs, en termes de… Il y a un autre chiffre. Il y a encore un milliard en plus qui a été perdu sur des choses qui sont collatérales, je ne me souviens plus exactement de quoi, mais voilà, le coût de l’opération : deux milliards de dollars pour créer 1,112 emplois. Ce n’est pas payant, ce n’est pas payant !
Et c’est ça, voilà, comme je le disais dans l’article du Monde : le souverainisme, finalement, bon, c’est une idée sympathique, mais il y aurait trop à démailler, trop à détricoter : on n’est plus dans un monde où c’est même possible. Si, c’est possible ! mais avec des pertes comme je viens de les mentionner. Alors, moi je ne suis pas un enthousiaste de la spéculation de la mondialisation telle qu’elle est, etc. vous savez ce que j’en pense !
Quand on dit qu’on va passer à autre chose, ça c’est formidable, mais qu’on va simplement détricoter ce qui est en place pour revenir à des solutions du XIXe siècle, là je dis : « Ça coûte trop cher ! ». Et c’est vrai, ça coûte trop cher, on ne peut pas se permettre les 900.000 dollars pour chaque emploi créé, ce n’est pas possible ! Et combien est-ce qu’il faudrait en créer aux États-Unis ?
Dans cet article là, j’avais aussi rappelé un chiffre qu’on trouve. On ferme les frontières, on va laisser tous les emplois à l’intérieur, etc. Et on s’aperçoit que sur une certaine période dans les rapports des États-Unis avec la Chine, qu’effectivement 13 % d’une certaine quantité d’emplois… 13 % des emplois perdus l’ont été du fait du commerce avec disons, l’Extrême-Orient. Et 87 % , c’est-à dire la quasi totalité, ont été perdus par la mécanisation, par l’automation, par la robotisation, le remplacement par des logiciels.
On peut fermer les frontières autant qu’on veut, on peut monter des murs aussi haut qu’on veut, tant qu’à l’intérieur, la mécanisation, le progrès, l’automation, etc. a lieu dans la proportion qu’on voit…
C’est ça, toujours la même remarque de Hegel : « Comprendre l’époque dans laquelle on est ! ». Analyser la situation actuelle comme si on était en 1830, ça ne donne rien. Si ! ça donne de l’amateurisme ! On ne connaît pas son métier. Et ça, ça va faire : ce que je viens de dire là, ça va faire la transition avec ce que je vais dire maintenant.
Vous allez voir : je vais faire quelque chose que je ne fais pas d’habitude. Vraiment pas. Je vais dire quelques mots en défense des banquiers. C’est à propos de l’affaire, aujourd’hui, des amendes Crédit Suisse, Barclays, il y a encore une autre banque qui est mentionnée [Deutsche Bank], pour ce qui s’est passé dans le domaine du « mortgage ». Mortgage-backed securities, en fait Asset-backed securities : ces titres adossés à des titres « subprime ».
Alors, je regarde l’acte d’accusation : pourquoi ces banques doivent payer 7 milliards, 10 milliards, 5 milliards, etc. Et là, il y a des erreurs, vraiment, des erreurs flagrantes. Quand on cite un mail d’un type qui dit : « Voilà, on va faire un titre en l’adossant à de la merde pas possible », ça c’est quelqu’un qui sait, ou qui croit que ce qu’il a là, c’est quelque chose qui ne vaut rien et il va en faire la titrisation, évidemment tout ça, bien entendu, c’est condamnable.
Mais quand je lis cette bourde qui est quand même une bourde assez flagrante (il y a quand même des bouquins qui ont été écrit sur le sujet, n’est-ce pas Messieurs, Dames ?), que le problème des subprimes c’était de prêter de l’argent à des gens qui ne pouvaient pas rembourser, eh bien, dans le domaine du raccourci, c’est quand même un peu rapide ! Dans le contexte et, ça, je l’ai raconté quand même dans plusieurs bouquins : dans celui où j’annonçais La crise du capitalisme américain [2007] et puis, dans le suivant : L’implosion [2008], j’ai quand même raconté le mécanisme de la crise.
Alors, c’était quoi ? Il y avait une bulle financière autour de l’immobilier. Quand les calculs étaient faits pour savoir si les gens pouvaient rembourser les prêts qu’on leur accordait, les firmes comme IndyMac, Countrywide, dans lesquelles j’ai travaillé – des firmes dans lesquelles j’ai eu l’occasion de rencontrer le patron : j’ai eu l’occasion chez IndyMac d’avoir de longues conservations avec Monsieur Mike Perry… Dans le cadre de la bulle, personne ne prêtait de l’argent à des gens qui ne pouvaient pas rembourser ! On prêtait de l’argent à des gens qui pouvaient rembourser !
Quand on dit dans l’acte d’accusation que l’on ne faisait pas suffisamment attention aux caractéristiques propres de l’emprunteur, c’est vrai ! Mais c’est vrai ! Bien entendu ! Mais ça c’était notre « risk-based pricing » : notre manière de calculer le prix du taux à partir du risque réel. Le risque dans le cadre de la bulle, le risque était lié au prix de la maison : il n’était pas lié à la capacité ou non de l’emprunteur de gagner un peu plus au cours de l’année ou de gagner un petit peu moins : dans le poids qu’il fallait attribuer à ce facteur « caractéristiques personnelles de l’emprunteur » et « prix de la maison », le prix de la maison représentait – je ne sais pas, je vais dire un chiffre à tout hasard – 80 %. Voilà !
Alors, nous dire maintenant, comme dans cet acte d’accusation que je viens de lire, du ministère de la Justice, qu’on prêtait délibérément de l’argent à des gens qui ne pouvaient pas rembourser, non ! Dans le cadre de la bulle, ils pouvaient rembourser ! Tout ça a été bien expliqué ! Qu’on ne faisait pas assez attention aux caractéristiques de l’emprunteur, et bien, oui, bien sûr ! mais c’était le calcul, c’était le calcul de risque, qui était bien fait ! C’était « risk-based pricing », tout ça !
À l’intérieur même des titres, il y avait une structuration. La structuration était bien foutue. Elle était bien foutue. C’est-à dire qu’il y avait des réserves qui étaient constituées. Les réserves [residuals], en général, étaient conservées par la banque. C’est tout à fait en fin de période : 2007-2008, que les banques ont essayé de se débarrasser de ça et de le vendre à l’extérieur. Non, c’était bien foutu, c’était bien foutu ! Mais tout ça reposait sur le fait qu’il y avait une bulle !
Alors, qui sont les responsables ? Eh bien, moi je vais vous le dire ! Et vous allez dire : si j’exonère les banquiers dans ce cas-ci, je retombe toujours sur les mêmes. Eh bien, oui : je retombe toujours sur les mêmes ! Parce que – et cela je l’ai dit en 2010, quand j’ai regardé en direct l’audition des dirigeants de Goldman Sachs, quand on les accusait d’escroquerie – j’avais dit, avant même qu’on les interroge (et ils n’ont même pas dû le faire !), si on les interroge et qu’on leur dit : « Mais pourquoi vous avez fait toutes ces saloperies ? Pourquoi est-ce que vous avez fait tout ça ? etc. Ça à l’air complètement con ce que vous avez fait ! » et ainsi de suite, Monsieur Blankfein aurait pu dire : « Monsieur, je peux vous citer le nom de dix prix Nobel d’économie qui pourraient assurer… certains sont morts, comme von Hayek, comme Milton Friedman, etc. ». Certains étaient déjà morts à l’époque, mais il y en avait assez de vivants pour dire que Monsieur Blankfein, à la tête de son truc, à la tête de Goldman Sachs, avait fait exactement ce que disaient les prix Nobel d’économie ! Quand on lui dit : « Oui, mais vous êtes un spéculateur ! » il dit « Moi, un spéculateur ? Absolument pas, je suis un market maker ! » Voilà ! Je l’avais dit avant : Monsieur Blankfein va dire qu’il est un market maker ! Il ne dira pas qu’il est un spéculateur. Parce que la catégorie de la spéculation, le mot « spéculateur » n’existe pas dans la théorie économique, dans la « science » économique. Ce sont des mots qui n’existent pas ! Il y a uniquement des market makers ! Il y a uniquement des gens qui « procurent de la liquidité » ! Et ainsi de suite.
Alors, ça c’était la première chose que je voulais dire. La seconde, c’est celle-ci. Et, là, j’ai préparé un petit papier… Qui est responsable dans ce cas-là, si ce n’est pas les banquiers en tant que tels, qui surfaient sur la bulle, qui savaient entre eux qu’une bulle, ça peut éclater ? Mais il n’y avait dans aucun de nos systèmes de gestion du risque – produits par des économistes – il n’y avait pas les éléments qui pouvaient déclencher l’alerte. Je l’ai dit : au moment où Countrywide s’enfonce entièrement, il n’y a aucun des voyants qui s’allument, aucune des sonnettes d’alarmes qui sonnent, il n’y a aucune sirène qui… Si ! le jour où tout s’effondre, tout ça commence à faire du bruit, à flasher, etc. Mais les modèles qu’on avait ne nous permettaient pas de le voir ! Ce sont des modèles statiques, tout à fait statiques, comme l’évaluation que je viens de citer par le ministère de la Justice américain.
Alors, qui est responsable ? Eh bien, voilà, je l’ai dit à l’époque, je vais le répéter parce qu’il faut quand même que ce Monsieur atteigne une certaine célébrité. Il y a un papier publié en janvier 2005[3], « Economic tests of asset price bubbles : Taking stock » (Tests économétriques sur les bulles dans le prix des actifs : le point sur l’affaire) par Monsieur Refet S. Gürkaynak. Qui est Monsieur Gürkaynak ? Il participe…, il est membre de la division des Affaires Monétaires attaché au Conseil des Gouverneurs de la Réserve Fédérale des États-Unis. C’est un économiste qui a une position absolument éminente – et je vous en donnerai la preuve par la suite – éminente auprès de Monsieur Alan Greenspan, président de la Federal Reserve, la banque centrale américaine, de 1987 à 2006. C’est un économiste – je ne sais pas si il est économiste en chef – mais enfin, il ne doit pas être loin de là. Et ce Monsieur publie donc, en janvier 2005, un papier dont le sommaire est le suivant :
Peut-on déceler des bulles dans le prix des actifs ? Ce panorama des tests économétriques sur le prix des bulles sur les actifs montre qu’en dépit de certains progrès, une détection économétrique ne peut pas être réalisée avec un quelconque degré de certitude. Pour chaque article qui trouve des preuves de l’existence de bulles, on peut en trouver aussi bien un autre qui peut interpréter les mêmes données sans faire intervenir la présence d’une bulle financière. Nous sommes toujours dans l’incapacité de distinguer les bulles de régimes variables dans le fonctionnement des fondamentaux. Et la plupart des problèmes qui se posent sur de petits échantillons laissent la question entièrement ouverte.
Ce papier qui a bien circulé, qui a été très connu, a été interprété par tout le monde, comme étant la preuve que les bulles financières probablement n’existent pas. Dans la même équipe de Monsieur Greenspan, il y a des gens qui nous ont expliqué – et j’ai dit à l’époque que ce n’était pas absolument stupide – que si le prix de l’immobilier montait, c’était parce que l’impact de l’accélération de la productivité due à l’informatisation, était beaucoup plus faible dans le cas de l’immobilier. L’impact de l’ordinateur, bon, vous le savez, il commence à intervenir maintenant dans la construction mais à l’époque ce n’était absolument pas le cas et donc, voilà, ce qu’on voyait c’était simplement un ajustement de prix en fonction du fait que l’impact de l’informatisation était minime dans le cas de la construction.
Alors, ce Monsieur a fait un boulot considérable en faisant comprendre, à l’époque, que dans l’immobilier, ce n’était pas une bulle financière qui avait lieu. Nous, dans les banques, au moins on le savait. On ne nous donnait pas les outils qui permettaient de le mettre en évidence. Alors, on en discutait entre nous en disant « Ça va se casser la gueule ! », on le savait très bien. Je l’ai expliqué, moi j’allais fouiller un peu plus dans les coulisses que mes petits camarades : j’allais voir dans les recensements, j’allais voir dans les bases de données, j’allais voir dans les histoires de faillites personnelles, et ainsi de suite, qui étaient les subprimes : je me documentais ! Mon livre était prêt en 2005 : je faisais la documentation et une prévision sur ce qui allait se passer. Donc, ce n’était pas imprévisible, bien entendu, mais on avait, au-dessus de nous des autorités économiques qui nous disaient qu’on rêvait, que de toute manière, on ne pouvait pas voir si il y avait des bulles ou pas, que l’existence même – comme vous l’avez entendu – que l’existence même des bulles n’avait pas encore été prouvée.
Alors – cerise sur le gâteau – et je vais terminer là-dessus. Je vous l’ai raconté, je crois, à l’époque. En 2009, je rentre en France. On fait quand même un peu attention à ce que je raconte parce que la crise avait lieu. Ironie de la chose pour le papier de Monsieur Gürkaynak – en janvier 2005, c’est une version qui circule comme ça, à laquelle on peut avoir accès : c’était disponible sur le site de la Federal Reserve, c’est là que je l’avais lu – ironie de la chose, son papier est publié avec pour date, janvier 2008 : son papier disant qu’il n’y a pas de bulles financières et en particulier dans le domaine de la construction, il paraît en janvier 2008 ! Mais, alors, la super-ironie de la chose : je suis en 2009 en France, on m’appelle, on me dit : « Monsieur, on aimerait bien que vous participiez à une série de présentations qui aura lieu et nous avons un invité de marque qui prendra la parole en premier, c’est Monsieur Refet Gürkaynak ». L’auteur de ce papier disant qu’il n’y a pas de bulles et que si il y en a, des bulles, on ne peut pas savoir qu’elles existent puisqu’on a pas d’instruments pour le faire !
Et c’est ça ! on dit : « il n’y a pas de sanctions ! » : il n’y a pas de sanctions contre les banquiers pour ce qu’ils ont fait comme erreurs, etc. Mais, est-ce qu’il y a des sanctions – c’est ça le sens de l’exemple que je viens de donner – contre les économistes pour les conneries qu’ils disent ? Non ! encore moins ! Encore moins, au point qu’on puisse présenter comme une vedette un gars dont la responsabilité n’était pas nulle dans l’effondrement qui venait d’avoir lieu ! Qu’on puisse le présenter comme une vedette – probablement simplement sur son titre, de faire partie de l’équipe de Monsieur Greenspan – en mettant entre parenthèses le fait que Monsieur Greenspan avait été accusé, non seulement d’ignorance, d’incapacité à faire son boulot, d’incompétence notoire, etc. : il s’était retrouvé sur la sellette en octobre 2008, devant dire qu’il n’avait effectivement pas compris ce qui était en train de se passer, et affirmant que la main invisible, pour une raison qui lui échappait, n’avait pas fonctionné.
Bon, il n’y a pas de sanctions pour incompétence ! Et ce n’est pas une question d’« incompétence » parce que, voilà, ce Monsieur Gürkaynak, il va trouver un million d’autres économistes pour dire qu’il est un génie, c’est nous qui n’arrivons pas à ce qu’on sanctionne ces gens. Je ne parle pas de les traîner devant les tribunaux mais qu’il soit une fois pour toutes visible et su que ce sont des filous, que ce sont des escrocs qui nous vendent de la camelote, que ce sont des charlatans.
Je lisais un papier, qu’on me faisait parvenir, d’un physicien qui employait le mot. C’est un article qui date d’il y a quelques années mais disant : « Bon, écoutez, des gens comme moi, nous parlons sérieusement d’économie, mais ceux qui se font passer pour économistes, ce sont des charlatans, il faut employer ce mot là ! » Et la plupart du temps – il le disait – ils le savent et c’est simplement en se serrant les coudes qu’ils empêchent que les sanctions tombent quant au savoir qu’ils dispensent de mauvaise foi : en sachant que c’est de la camelote.
Je vous l’ai recommandé souvent : lisez le bouquin de MacKenzie [4] qui a interrogé des prix Nobel : quand ces gens ont bu un petit coup et quand ils ont l’impression de parler en confidence : off the record, ils vous disent qu’ils savent que c’est de la merde mais que, bon, c’est ça qu’ils vendent et qu’ils ne savent rien faire d’autre, ou alors, comme Scholes, de vendre un modèle merdique et puis de gagner de l’argent sur le fait de savoir que son modèle est mauvais et savoir comment il faut le corriger pour que ça marche. Ça, bon, c’est de l’escroquerie en grand ! Ça n’a pas empêché Monsieur Scholes d’avoir un prix Nobel d’économie !
Voilà, ces choses là doivent être dites et répétées, surtout quand il y en a encore qui ont de l’arrogance de considérer qu’ils sont des victimes. Je parle de Messieurs Cahuc et Zylberberg qui se présentent en victimes parce qu’on critique la qualité de ce qu’ils racontent, cette qualité est nulle et il faut continuer à le répéter.
Voilà, allez, à bientôt !
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[1] Le Monde / L’Écho – L’Amérique du repli repose sur une vision du XIXe siècle, le 29 novembre 2016
[2] Wall Street Journal, China Weighs Response to New U.S. Trade Foe, Mark Magnier, le 22 décembre 2016
[3] Refet S. Gürkaynak, « Econometric tests of asset price bubbles: Taking stock », Division of Monetary Affairs, Board of Governors of the Federal Reserve, January 2005
[4] Donald MacKenzie, An Engine Not a Camera. How Financial Models Shape Markets, Cambridge (Mass.) : MIT Press, 2006.
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