Le monde libre * d’Aude Lancelin rapporte trois histoires. La première, c’est la lente déchéance arrivée à son terme des hebdomadaires d’opinion français, la deuxième, c’est la difficile cohabitation au fil des années des deux écoles issues du schisme au sein de la gauche : le courant anti-communiste et le courant ayant eu au contraire des sympathies – et les ayant peut-être encore – pour l’Union soviétique, la troisième histoire enfin est celle d’un parcours personnel dans ce double univers.
Certaines personnes mises en scène portent leur vrai nom, d’autres sont affublées d’un nom fictif et, dans le même esprit semble-t-il, certaines choses sont dites et d’autres sont passées sous silence et certaines sont dites d’une façon plutôt que d’une autre.
La lecture de Le monde libre s’assimile donc à l’art de lire entre les lignes. Le critique vendrait la mèche s’il rétablissait dans son commentaire les vrais noms, s’il expliquait ce qui n’a délibérément pas été dit (par exemple que si le déplacement de NdB à BdT avait pris un autre tour l’histoire racontée dans le livre se terminerait tout autrement) ou s’il rapportait d’une autre manière ce qui a été dit là d’une certain façon.
L’auteur espère sans doute que, faute d’avoir pu le faire elle-même, le critique vende ainsi la mèche mais, ce faisant, elle lui tend à son corps défendant, un piège : tout remplissage des blancs dans des termes différents de celui qu’elle aurait choisi elle-même, le ferait basculer dans le camp de ses ennemis. Le critique avisé s’en abstiendra du coup soigneusement : il encouragera le lecteur et la lectrice à relier pour son propre compte les nombreux pointillés de ces trois histoires entremêlées de nos temps troublés, navrantes et pleines d’enseignements à la fois.
* Aude Lancelin, Le monde libre, Paris : Les liens qui libèrent, 2016
@Pascal (suite) Mon intérêt pour la renormalisation est venu de la lecture d’un début d’article d’Alain Connes*, où le « moi »…