Logique des xénophobies nouvelles, par Stéphane Gaufrès

Billet invité.

Les « étrangers » sont une menace réelle pour tous les habitants des pays développés. Il ne s’agit pas là d’un sentiment irrationnel ou d’une pulsion colérique du « peuple », mais d’un fait asséné depuis des décennies par le libéralisme lui-même, sous la forme suivante : vous voulez préserver vos acquis sociaux, étendre le domaine du commun, vous soucier de la planète ? Pensez-donc, avec la concurrence internationale entre les nations, c’est mort d’avance. Le fait est que l’humanisme politique occidental n’a strictement rien trouvé à répondre à cette assertion, à part le mantra que la main invisible de « l’ouverture » mondialisée finirait tôt ou tard par assurer le bonheur pour tous.

L’impuissance des États-nations face à la « liberté » des capitaux et des échanges semble difficile à remettre en cause, tant nos économies nationales s’en servent, pour exceller et rayonner dans certains domaines, mais aussi pour assurer des produits de consommation à très bas prix au plus grand nombre, et également -et surtout- pour se fournir en énergie et en matières premières. Le salarié français, ou européen, ou américain, qui voit son travail délocalisé, son salaire discuté et ses services communs entamés, est dans l’angle mort de cette vision économique. Contrairement au consommateur, qui semble lui en bénéficier. Le fait qu’à un moment donné, le salarié n’ait plus l’envie ou les moyens d’être un consommateur produit un découplage dans lequel un nombre toujours plus grand devient à tous égards relégué du système.

Dès lors, l’étranger apparaît logiquement dans la position de l’ennemi, puisque tel est son rôle dans l’arène de la concurrence internationale. Un sentiment d’injustice naît de voir son emploi délocalisé ou de savoir, par exemple, que le site français « le bon coin » (d’après son PDG) paye plus d’impôts en France que tous les GAFAM réunis.

L’extrême-droite à travers le monde a su en bien des endroits utiliser cet état de fait pour le coupler idéologiquement à sa xénophobie historique. Le mur de Trump est le parfait exemple de ces nouveaux concepts qui réunissent dans un même élan émotionnel la peur de l’étranger (en tant qu’il est différent) et la peur du concurrent économique dans un jeu déloyal.

La mondialisation, qui semble à la fois inévitable et paralysante pour toute réforme hétérodoxe de l’économie, est le point central de l’impuissance du progressisme à proposer une alternative crédible au système. C’est à cet endroit en tout premier qu’il faudrait réfléchir si on a l’ambition d’entraîner une communauté civique dans un agenda pour le progrès écologique et humain.

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