Retranscription de Le temps qu’il fait le 1er décembre 2016. Merci à Cyril Touboulic !
Bonsoir, nous sommes le jeudi 1er décembre [2016], et ce n’est pas un vendredi parce que, eh bien, demain matin, je participe au même événement auquel je participe maintenant – je n’en ai pas parlé sur le blog parce que ça se fait à guichets fermés, c’est… et il y a pas mal de monde déjà dans la pièce où nous sommes ! Ça se passe à l’École normale supérieure à Paris et nous sommes un petit groupe international de gens qui réfléchissons sur un… est-ce que ça deviendra une discipline ? je n’en sais rien, ça a un nom en tout cas, c’est l’« agnotologie ». C’est la science de l’ignorance et nous discutons de la production de l’ignorance.
Et si je me retrouve là en compagnie de biologistes, de physiciens, d’environnementalistes, d’écologistes, de sociologues, c’est parce qu’on m’a dit que mon éclairage pourrait être intéressant et je parlerai, effectivement, demain, dans la partie conclusion de ce que j’aurai pu entendre.
Alors, c’est intéressant. Il y a surtout des Américains, il y a quelques Français, il y a des gens qui viennent d’autres pays et c’est une initiative très intéressante, voilà. Ça part de cette idée qu’il y a des gens – en particulier dans le milieu des affaires – qui essayent de torpiller, qui essayent de bousiller le processus de création de la connaissance, parce qu’ils ont des intérêts qui vont dans une direction divergente par rapport à ce que la science découvre.
Alors, vous pensez aussitôt à « climatologie », « trou dans la couche d’ozone », « pluie acide », « relation entre tabagisme et différents types de maladie », et vous avez raison ! Vous avez raison, mais il y a d’autres choses, et dans ce que l’on a entendu aujourd’hui, il n’y a pas que de la mauvaise volonté : il y a aussi beaucoup d’incompétence, il y a aussi des gens qui ne font pas correctement leur métier, il y a beaucoup de novlangue (si vous connaissez cette référence à la littérature, au 1984 de George Orwell), c’est-à-dire qu’il y a des pressions, des pressions bureaucratiques [rires] à ce qu’on dise exactement le contraire de ce qui se passe dans la réalité. Il y a aussi cette notion de – je ne connais pas l’équivalent en français –, ça s’appelle « Not invented here » : « Tout ce que les autres font, c’est de la merde. Il n’y a que nous, notre petit groupe, qui fait des choses qui sont correctes », etc., « Ça n’a pas été inventé ici. » Et, comme vous le savez, ça joue énormément en science et pas simplement entre disciplines concurrentes, mais à l’intérieur même de toutes les écoles : « Si ce n’est pas nous qui l’avons découvert, si ce n’est pas nous qui en parlons, ça n’existe pas ! »
Et, bon, tous ces éléments font que j’ai essayé cet après-midi en particulier, dans la discussion, de demander tout haut, devant tout le monde, si on ne parlait pas plutôt, de manière générale, des pathologies de la connaissance et que ces pathologies, eh bien, il y aurait, comme dans le cas des maladies, il y en aurait de nombreuses et il n’y aurait pas simplement une espèce de Satan qui s’appelle « ignorance », et qui essayerait de, voilà, comme Satan essayant de vaincre la Lumière, d’essayer de s’imposer aux dépens de la connaissance.
Je crois que nous avons – un tout petit groupe – qui fait un travail important, encore un travail de, je dirais, de réflexion [à faire] sur le cadre lui-même dans lequel on réfléchit (les concepts qu’il faudrait créer, etc.). Ce n’est peut-être pas aussi simple : il n’y a pas peut-être pas une entité comme ça qui s’appelle « ignorance » et qui aurait envie de, je dirais, d’étendre son royaume. Mais, je crois qu’on fait un excellent boulot, chacun à l’air d’apprendre des autres et quand nous ferons un petit volume, parce que nous ferons un petit volume à la fin de…, voilà, peut-être pas demain soir mais dans les jours qui viennent, dans les semaines qui viennent, nous allons faire un petit volume, qui sera en anglais évidemment parce que tout ça se passe en anglais (mais j’espère qu’il y aura une traduction en français), eh bien, j’ai l’impression qu’on aura quand même avancé.
On est au tout début d’une réflexion sur quelque chose et c’est à la fois décevant d’une certaine manière parce que, voilà, tout ça n’est pas très clair, mais en même temps c’est assez excitant et c’est enthousiasmant parce qu’on a quand même l’impression qu’on est en train de poser des jalons pour quelque chose qui sera important.
Voilà ! Je vais rejoindre mes petits camarades parce qu’on va aller manger ensemble, ce qui sera une occasion encore de discuter de ces choses-là à bâtons rompus.
Je vous revois la semaine prochaine. À bientôt !
Au revoir.
Je suis d’accord avec vous concernant la répartition des électorats pour l’une et l’autre candidat. A cela je rajouterais que…