Billet invité.
Chers amis américains, je suis un peu des vôtres. En 1980-81, j’ai séjourné pendant un an dans votre pays, qui est devenu un peu aussi le mien. J’étais alors étudiant d’échange dans l’Ohio (12th grade), et je suivais les cours de l’Admiral King High School, à Lorain, au bord du Lac Erié, tandis qu’en France, on élisait un président socialiste nommé Mitterrand. Je logeais chez des gens modestes de la middle-class, tandis que mes parents, en France, recevaient une jeune étudiante américaine du Maine. Harold, le patriarche de la famille chez qui je logeais, se levait chaque matin à 5h, pour aller conduire un énorme camion à US STEEL. L’après-midi, il buvait trop de bière en regardant les Cleveland Browns, il giflait aussi de temps à autre sa femme, je crois que c’était une sorte de jeu entre eux. Harold avait dû se faire opérer du dos, en grande partie à ses frais. Il aimait aller chasser à l’arc dans le Wyoming. Tina, la fille aînée, s’était amourachée de Mat, un jeune homme cool et marrant portant un jean un peu sale. Quand il venait la voir, il garait son 4×4 Bronco surélevé devant la maison, et le marchepied était si haut qu’on avait l’impression qu’il descendait de cheval. Tommy, le fils aîné, rentrait le soir de son boulot chez Mc Donald’s, avec son costume et sa toque de cuisinier marron qui empestait à 3 mètres, et Theresa et Lovane, les deux sœurs, se criaient souvent dessus, en mettant les bras en arrière… on buvait du coca dans des verres en plastique qui s’effilochaient un peu. Le samedis soir, avec quelques amis portoricains, je buvais trop de Tequila en écoutant Santana à fond dans la Buick… et on allait de temps à autres faire du patin à roulettes sur une piste en parquet, puis dévorer quelques Burgers… Bref, vous l’avez compris, un milieu modeste et populaire, mais qui vivait heureux à l’époque. Que d’événements depuis ! je ne suis pas sûr que je reconnaîtrais les USA aujourd’hui… depuis il y a eu les délocalisations, les subprimes, la crise de 2008, l’effondrement du marché de l’immobilier, l’effondrement du marché de l’emploi, Détroit déserté par l’industrie, le 11 septembre, G. Bush, l’Afghanistan, l’Irak…
Aujourd’hui les sondages m’inquiètent. Dans quel désarroi mes amis américains sont-ils tombés, pour que l’élection de M. Trump devienne envisageable ? Dans les années 30, la crise vous avait amené Roosevelt… dans les années 2010, Donald Trump… ce n’est pas la même chose. Allez-vous traîner dans la boue, la première démocratie du Monde en élisant ce … type ? Comment vous convaincre de ne pas voter pour lui ? Finalement je ne vais pas essayer de vous convaincre, je vais énumérer ce qui se passe en Europe, et je vous laisserai juge de faire le parallèle où non avec ce qui se passe Outre-Atlantique.
Vos soucis NE SONT PAS EXCLUSIVEMENT AMERICAINS, contrairement à ce que prétend M. Trump. Cela saute maintenant aux yeux de tout le monde : LE TRAVAIL DISPARAIT, LA CONCURRENCE ENTRE TRAVAILLEURS S’ACCROIT, LES MARGES DIMINUENT. Il en est ainsi aux USA, en France, en Allemagne, en Italie, en Espagne, au Royaume-Uni, et dans tous les pays qui faisaient 30% de leur richesse annuelles grâce à l’industrie, sauf peut être dans les pays, comme le Japon ou l’Allemagne, où le taux de natalité est si faible qu’il ne permet pas le renouvellement de la population, et où les dépenses militaires sont inexistantes.
Si le travail industriel disparaît, c’est qu’il n’existe pas réellement de nouvelles choses à produire, et que de plus, on peut les produire ailleurs pour moins cher. Il en est ainsi dans tous les pays développés, et c’est un constat que l’on peut faire, que l’on soit républicain ou démocrate. Aux USA, en France, en Italie, en Angleterre, et dans bon nombre de pays où l’on a assisté ces années passées aux mêmes phénomènes de déplacement d’activité, quelquefois des « chaînes de valeur ajoutée » entières, d’abord dans les activités les plus simples, comme par exemple la fabrication de rivets, ou de vis, puis dans des activités plus complexes, comme la fabrication d’automobiles, ou d’électro-ménager. De nouvelles activités se créent par ailleurs, mais en nombre insuffisant, et comme elles n’ouvrent pas de nouveaux marchés, et que de plus, elles visent principalement à diminuer ou à supprimer les salariés dans des activités existantes, cela ne fait qu’aggraver les tensions, sur les emplois restants, et pousse de plus en plus de gens vers des activités illégales.
Ceci est un PROBLEME MONDIAL, que M. Trump n’a aucune chance de résoudre. Pas plus qu’ Hillary Clinton d’ailleurs, chez qui vous ne pouvez placer aucun espoir. Mais vaut-il mieux voter pour un personnage comme Trump, ou pour une personne issue de l’Establishment, faute de trouver MAINTENANT une solution à la disparition du travail ? Car la réponse à cette question, ce ne sont pas les hommes ou les femmes politiques qui la trouveront, ni M. Trump, ni Mme Clinton, mais les citoyens eux-mêmes ! En attendant, il faut voter Clinton, non parce qu’elle constitue un espoir, mais parce qu’elle est une personne RAISONNABLE, et qu’il faut avant toute chose, quelqu’un de RAISONNABLE, à la tête du plus grand arsenal nucléaire du Monde. Comment faire confiance à M. Trump, un homme pour qui tous les coups bas sont permis ? (« What a nasty woman » a-t-il dit à l’audience, lors du dernier débat). Il n’y a aucune raison de penser, que M. Trump aura plus de considération pour ses électeurs, qu’il n’en a eu pour ses actionnaires, dont les intérêts ont été floués. M. Trump a été soutenu par les banques dans ses affaires, qui attendent certainement un retour sur investissement de sa part. Il vous « baisera », et il « baisera » la démocratie de la même manière, tout comme il a « baisé » ses actionnaires : sans une once de remords.
Trump a l’air sympathique, il se met en colère, il se donne l’air dur et exigeant. Mais c’est avant tout un comédien ! Ne l’avez-vous pas vu se jeter au sol sur un catcheur en dehors du ring, et simuler une bagarre avec lui ? L’homme est habile à faire sa publicité, à promouvoir son nom et son image. Mais votre show-business est plein de personnes qui ont ces qualités (Paris Hilton par exemple), lesquelles ne suffisent pas à diriger un grand pays. Que peut la publicité, contre l’accroissement de la concurrence mondiale, et la disparition du travail ? Il serait totalement inutile de voter pour un catcheur…
Votez donc Clinton, sans enthousiasme, mais votez pour elle. Et réfléchissons, des deux côtés de l’Atlantique, en Europe et aux USA, avec M. Jorion sur le blog de qui je vous écris aujourd’hui, à ce que nous pouvons faire dans le futur, pour enrayer la disparition du travail, une tendance générée par la libre entreprise, et cependant totalement incompatible avec une société paisible, à moins de considérer que seule une moitié de l’humanité y a droit.
Un grand bonjour à tous mes amis américains.
1) On peut utiliser des bombes nucléaires pour stériliser l’entrée d’abris souterrains (au sens galeries bien bouchées, comme au sens…