Billet invité.
À chaque système bancaire ses grandes faiblesses cachées qui se dévoilent bien tardivement. Les établissements italiens continuent de crouler sous les prêts non performants, les banques allemandes sont fortement suspectées d’avoir engrangé une récolte de produits dérivés toxiques venue d’outre-Atlantique. L’Allemagne, où la Deutsche Bank et Commerzbank se débattent dans leurs difficultés, ne serait donc pas exemplaire en toute chose, mais ce ne serait pas tout.
Le Comité de Bâle se réunit au Chili à la fin du mois, et ses décisions devront être approuvées par la Banque des règlements internationaux dont il est l’émanation, début janvier. À l’ordre du jour, une nouvelle réglementation encadrant l’estimation par les banques des risques des actifs inscrits à leur bilan. Pour mémoire, l’incitation est grande pour celles-ci de les minorer pour ne pas avoir à renforcer leurs fonds propres…
La suppression de cette discrète variable d’ajustement ne convient pas aux banques allemandes. À la suite de Valdis Dombrovskis, l’un des vice-présidents de la Commission, Michel Sapin et Wolfgang Schäuble, les ministres allemand et français des finances, et Michael Kemmer, le président de l’association des banques allemandes (BdB), qui représente la Deutsche Bank et la Commerzbank, se sont catégoriquement opposés aux dernières intentions du Comité de Bâle.
La révolte gronde en Allemagne. Le BaFin – le régulateur des banques du pays – a déclaré à son tour que les dernières propositions du Comité ne sont pas acceptables. L’association des banques publiques (VÖB), qui défend les intérêts des Landesbanken régionales, avait entre-temps joint sa voix à celles de la BdB. Comme si le système bancaire allemand, Sparkässen comprises (les Caisses d’épargne), était menacé par une obligation d’augmentation de ses fonds propres insurmontable. Par les temps qui courent, il faut beaucoup promettre aux investisseurs, alors que le retour sur capitaux propres, déjà en très forte baisse, en chutera d’autant.
Les estimations des effets de la réforme annoncée varient considérablement suivant les analystes. Certains s’en tiennent à 10%, d’augmentation des fonds propres des banques, d’autres montent à 25%, voire à 30%. En soi, cette imprécision est révélatrice du flou qui entoure les bilans bancaires et tend à justifier que le régulateur y mette de l’ordre… Des augmentations de cette importance ne démontreraient-elles pas qu’il y a un gros ver dans le fruit ?
Ne prétendant pas à l’originalité, les banques et leurs défendeurs hurlent au traitement discriminatoire vis à vis de leurs consœurs américaines, ne voulant pas reconnaître la sous-capitalisation historique des banques européennes par rapport aux américaines. Il est notamment fait état des garanties sur le marché hypothécaire procurées par Fannie Mae et Freddie Mac, qui apportent un avantage compétitif, sauf qu’il ne s’agit pas de ce segment de marché en Allemagne, mais de celui des produits dérivés. « Nous ne voulons pas de règles qui, sous prétexte qu’elles apparaissent égalitaires pour toutes les banques du monde, créent une disparité qui serait négative pour les banques européennes », a déclaré Michel Sapin, tandis que Wolfgang Schäuble mettait en cause un traitement qui ne serait « pas juste et équitable ». Puis est venu dans la contre-offensive des milieux bancaires l’inévitable chantage, qui cette fois-ci ne concerne pas l’emploi mais le financement des constructions destinées à abriter les réfugiés, qui ferait défaut… Une mauvaise plaisanterie, quand on considère les 9% d’excédent budgétaire de l’Allemagne.
Cherchant à éviter un affrontement public, la Commission et Jeroen Dijsselbloem prôneraient une méthode de calcul adaptée aux spécificités de chaque banque, histoire de noyer le poisson. Ce qui reviendrait à raisonner à l’envers, si l’on comprend bien, et de partir d’une minime augmentation des fonds propres de la banque pour calculer le risque que représentent ses actifs. Mais les régulateurs américains voudraient en finir avec ces finasseries et prendre en considération l’effet de levier – le rapport capitaux propres/taille du bilan – sur lequel l’évaluation du risque ne joue pas…
Dès qu’il s’agit de donner un coup de main aux banques, les plus hautes autorités européennes sont au rendez-vous.
Hé ! Hé ! Cher Paul, vous nous avez tous calés, vous avez gagné la première Manche !